Ce matin, Noah a pile 5 ans et demi. Et comme pour tous les super héros, à grands pouvoirs, grandes responsabilités. A partir d’aujourd’hui, Noah s’habille tout seul, mange tout seul et surtout reste à table sans rien faire d’autre. Et là, j’entends bruisser les remarques réprobatrices qui s’étonnent que ça ne soit pas déjà le cas depuis longtemps.

Oui mais voilà, Noah a les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts. Donc pour les mêmes raisons qu’il peut pendant 3 semaines marcher de 10 à 20 km par jour en ne mangeant quasiment rien, en ne dormant franchement pas beaucoup, tout en s’émerveillant pendant 20 minutes devant de l’eau qui s’écoule autour d’un rocher ; et bien manger, s’habiller, reste pour lui une perte de temps et donc il se sent toujours obligé de faire 10 autres trucs en même temps. On ne gagne pas à tous les coups.

Mais aujourd’hui, pour ses 5 ans et demi, Noah a décidé de tout faire tout seul et CA FAIT DU BIEN. Pourvu que ça dure.

Programme du matin à ce stade ? Néant, mais ça va venir. J’attendais de voir l’état de forme de tout le monde car pour faire les baleines, le seul créneau possible était à 15h30 à Husavik. Pari qui semble pour l’heure payant puisque hier il faisait tempête là-bas et aujourd’hui ils annoncent beau. Les baleines vont pouvoir lui souhaiter son demi-anniversaire comme les tortues l’avaient faites à Fernando de Noronha pour ses 4 ans.

La contrepartie de ce changement de programme de dernière minute, c’est que cela fait un bon détour et qu’il faudra donc ensuite en repartant d’Husavik au mieux à 18h30, se coller 2h20 de voiture pour notre hébergement du soir.

La matinée va en effet se remplir très rapidement. Une petite marche pour se mettre en jambes aux pseudo cratères de Skutustadagigar que Noah va faire en courant. Je le soupçonne d’aimer le mot pseudo cratère et pouvoir s’écrier sur chacun d’entre eux « encore un pseudo cratère ».

C’est vrai que la vue d’ici sur le lac et les volcans environnants avec ces cratères verts en premier plan c’est super chouette. En revanche les mouches sont aussi de sortie. Pourtant on avait aucun souvenir d’en avoir eu lors de nos précédentes visites à Myvatn. Renseignement pris lorsqu’il dépasse les 10 degrés, les mouches sortent. Ben voilà, première fois qu’on fait Myvatn par plus de 10 degrés ….un 18 août. Ici c’est chaud (enfin tiède) ou mouches. Il faut choisir.

On prend ensuite la direction du volcan Krafla et son célèbre cratère Viti. Alors là, impossible de savoir si on y a déjà été ou non. Pour nous, non, vu que la beauté époustouflante de ce lac bleu émeraude ne nous dit rien. Mais en même temps, on a le souvenir d’un cratère dans le coin qu’on avait monté avec Oliver sous un vent à décorner les bœufs et qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la zone.

En plus, comme Viti, ça veut dire « petit » et qu’il y a un cratère Viti à Askja qu’on avait fait, peut-être que ça ajoute à la confusion. Non, à la réflexion ça ne peut pas être cela, on s’était baigné à poil avec des Islandaises également à poil au cratère Viti de Askja, ça je m’en souviens très bien. Ah, le mélange des cultures…

Une chose est sûre, on n’a jamais vu ce cratère par beau temps sinon on s’en rappellerait. Et on s’amuse beaucoup à reproduire une scène des Blues Brothers avec Noah.

Après les TOC de Virginie qui voit tous les rochers en forme d’éléphants, on découvre aujourd’hui que Virginie peut aussi avoir des « petites frustrations » tenaces, notamment quand elle veut faire une balade pour se dégourdir les jambes et que je m’y oppose.

Pour situer le contexte de mon refus, il se trouve qu’en redescendant du Krafla, juste à côté, Virginie a repéré de quoi se dégourdir les jambes. Durée de la rando : 1h30. Elle soutient mordicus qu’on ne l’a pas faite alors que je sais qu’on l’a fait. Elle voit des éléphants et moi j’ai une mémoire d’éléphant.On l’a même faite 2 fois. Une première il y a 6 ans avec mon père, et une seconde fois en 2019 avec Noah. Je m’en rappelle d’autant mieux que c’est là où je me suis bloqué le genou au milieu de la rando et que cela a décidé l’opération du genou 1 mois après.

Mais ce n’est pas uniquement parce qu’on a déjà fait cette rando que je n’y suis pas favorable. 1h30, je sais qu’on n’a pas le temps de le faire si on ne veut pas arriver à la bourre aux baleines, et comme j’ai bien la marche en tête je sais que si on l’écourte à 40 minutes comme elle le suggère, cela revient à faire 20 minutes de marche sur du plat sans rien voir d’intéressant et pareil dans l’autre sens vu que pour arriver à la zone des fumerolles qui est sympa on est obligé de se faire cette marche chiante. Comme Noah râle en plus parce qu’il ne veut pas marcher, je m’impose. Je le vois bien, elle s’y résout, mais elle ronchonne. 

Donc comme avec Noah à qui il faut agiter la perspective d’un bain chaud à la fin d’une rando ou une histoire avec des robots pour le faire marcher, je propose à Virginie d’aller monter le Hverfjall qui est à côté et qui est un cratère qu’elle adore. Noah est tout aussi peu enthousiaste à cette perspective de troquer une marche longue plate contre une marche courte en constante montée, mais au moins au niveau du temps de rando c’est plus compatible avec notre rendez-vous baleines et Virginie retrouve le sourire. Ah les enfants…

Hverfjall, c’est un gigantesque cratère de volcan qui doit faire au moins 3 km de diamètre. La montagne est exclusivement composée de sable fin noir de chez noir issu de cendre volcanique et il a la particularité au centre du cratère d’avoir deux cônes également noirs qui lui donnent un aspect surréaliste. Mais pour en arriver là, il faut d’abord convaincre Noah et donc ça va passer par des histoires et une petite remontrance sur le fait qu’en famille on fait aussi des choses pour faire plaisir aux autres et que là, il s’agit de faire plaisir à maman.

Comme en ce moment, il est totalement accroc à une série de podcasts sur les mythes et légendes et que je crains qu’il finisse vraiment par croire que la lune est vraiment née d’une goutte d’eau et que la terre a été créé par un dieu, Je profite de la montée pour faire une petite mise au point scientifique sur notre connaissance de la création de la terre, de la lune et de ce qu’on peut apprendre de l’esprit humain qui partout sur la planète a conçu des religions et des mythes autour de la création du monde reprenant des concepts souvent assez proches.

Ceci nous amène jusqu’en haut, et même un peu plus sur la crête du cratère, mais lorsqu’il voit Virginie partie pour faire le tour, là, il veut son quad et se refuse à aller beaucoup plus loin.

Pour éviter la frustration de mon autre « enfant » du jour, je suggère à Virginie d’y aller seule et que je garde Noah ici. La frustration ne sera pas totalement évitée car elle voulait aller sur le point le plus haut du cratère et un coup de fil de ma part la rappelant à nos obligations de cétacés la coupe dans son élan à quelques centaines de mètres du but.

La descente se faisant en « skate board » – comprendre en courant en se tenant la main avec Noah – dans des éclats de rire et un mugissement de mes articulations me rappelant que j’ai des genoux en bois et que s’ils me laissent marcher depuis le début du séjour ça reste un sursis, on rattrape le petit retard pris et nous prenons la route vers Husavik pile dans les temps.

55 minutes plus tard, le port est en vue. On retrouve nos petites habitudes (c’est la troisième fois qu’on vient). Un restau en terrasse mais différent de la dernière fois, et une mini-inquiétude sur le fait que Noah sera accepté sur le bateau.

Et oui, si Noah a officiellement 5 et demie aujourd’hui, mais il devrait avoir 7 ans pour aller sur le speed boat. Et petite nouveauté par rapport à la dernière fois, ils ont rajouté 7 ans ET au moins 130 cm. Quand je vais récupérer nos billets à la guitoune, ça se complique encore un peu.

2 nanas au guichet. 1 jeune, une plus âgée. Je vise la plus âgée mais malheureusement c’est la jeune qui veut absolument s’occuper de moi. Elle me tend la feuille que je dois remplir et au lieu d’avoir juste les noms cette fois on me demande devant chaque ligne les dates de naissance.

Et là, ma théorie, que certains trouveront hautement misogyne, mais malheureusement presque 100%, vraie se réalise à nouveau, à savoir que les femmes respectent toutes les règles à la lettre sans discernement, et que c’est bien chiant.

Je lui dis que Noah a presque 7 ans (comprendre je viens de lui rajouter 1 an et il a maintenant 6 ans et demi). Elle tique, et me dit que ça pourrait aller s’il fait 130 cm. Je lui dit qu’il les fait presque (Noah fait 114cm donc presque est un gros arrondi, mais qu’il l’a déjà fait il y a 2 ans.

Et elle commence à me gonfler comme quoi ce n’est pas possible que ce n’était pas en speed boat ni avec eux. Je propose de lui montrer les photos. Au bout d’un moment, elle accepte que vois cela avec le capitaine directement mais que selon elle il va – et surtout il devrait – refuser Noah mais que ce sera sa responsabilité.  Bloody women.

On briefe donc Noah sur le fait qu’aujourd’hui c’est mieux s’il a 6 ans et demi (de toute façon il change d’âge tous les 3 jours depuis qu’on est arrivé). On lui change ses chaussures pour mettre celles de rando qui le grandit un peu. Virginie lui met les chaussettes par-dessus le pantalon (il parait que cela allonge la jambe) et on lui ébouriffe un peu les cheveux pour gagner 2 centimètres. Rebriefe, Noah, tu restes sage, tu te tiens bien droit et tu te montres le moins possible si tu veux voir les baleines. Ok ? Parce que 6 ans et demi c’est dans la taille, mais aussi dans la tête, on fait plus l’andouille à 6 ans et demi. » « Ok ».

On descend à l’embarcadère. Un homme et une femme nous attendent. Noah qui a bien compris ma théorie me dit « j’espère qu’on va avec le garçon ». Moi aussi. Et bingo. On part dans le bateau du gars. Il regarde Noah de la tête aux pieds, puis va lui chercher la plus petite combinaison possible en me disant qu’il faudra remonter un peu les manches et le pantalon mais que ça ira.

Il l’aide à enfiler son gilet de sauvetage. Noah est aux anges. Il me fait un grand sourire en plissant les yeux, le pouce bien en l’air pour me dire que ça a marché et qu’il va pouvoir voir les baleines.

Seule contrainte me dit le capitaine, au départ, dans le bateau, Noah devra se mettre sur un rang du milieu car quand il est assis, ses pieds ne touchent pas le sol et donc en cas de grosses vagues il pourrait être éjecté hors du bateau. Noah s’exécute presque sans râler d’autant qu’une fois arrivés en pleine mer, on obtiendra rapidement de faire sauter cette dernière exigence.

Les baleines, on ne sait jamais trop ce qu’on va voir. En voir, c’est quasi sûr à tous les coups car lorsqu’elles sont dans une baie, elles y restent plusieurs semaines et comme elles doivent respirer toutes les 10 à 20 minutes on verra immanquablement un jet d’eau et après il n’y aura plus qu’à attendre pour qu’elle remonte.

Mais après, on a tous les cas. Le nombre d’abord. La dernière fois qu’on était ici à Husavik – avec Noah d’ailleurs- il n’y avait qu’une seule baleine dans la baie. Ensuite, parfois on ne voit que le dos des baleines remonter à la surface et leur queue lorsqu’elles replongent – ce qu’on avait eu la dernière fois –  et parfois elles sont plus joueuses. C’est la loterie en somme.

Des baleines on en a vu littéralement aux 4 coins de la planète : évoluant au milieu des icebergs au Groenland, vu de haut au pôle Nord dans toute sa longueur où à la péninsule Valdes lorsqu’une baleine et son petit avaient joué ensemble à quelques mètres de nous pendant de longues minutes mais c’est vrai que le plus souvent, elles montent et elles descendent.

Alors, que va nous réserver cette sortie pour les 5 ans et demi de Noah ? Déjà, en plus du beau temps, il y a cette fois beaucoup de baleines dans le coin. On en verra au moins 6 différentes évoluant généralement par deux, ce qui va nous amener à aller les chercher dans la baie.

Pendant la majorité des 2h qu’on passera en mer on les verra remonter à la surface et replonger jusqu’à ce que l’une d’entre elle, juste après avoir replongé décide de remonter et cette fois de sauter littéralement hors de l’eau à moins de 10 mètres du bateau et de retomber dans un splash retentissant. S’en suivra une succession d’autre figures où elle maintiendra cette fois sa tête et une partie de son corps à la verticale hors de l’eau, un peu à la manière d’une otarie qui bat de la queue pour sortir à moitié hors de l’eau pour observer les alentours avant de se laisser tomber sur le côté dans d’énormes éclaboussures. Moment magique comme on n’en voit pas souvent avec les baleines.

Le guide lui-même en a sorti son appareil photo et en rigolant nous disait que cela devait forcément arriver maintenant car c’est aujourd’hui l’anniversaire du capitaine et que c’est sa dernière sortie de la journée. On ne s’étend pas sur le demi-anniversaire de Noah vu le changement d’âge à répétition, mais la magie animale a à nouveau fait son œuvre pour ses 5 ans et demi, une baleine a sauté hors de l’eau.

On suivra un peu cette baleine en espérant qu’elle recommence mais l’instant était fugace, elle se remet ensuite à remonter à la surface uniquement pour respirer.

Dans la foulée, pleins de dauphins viennent à notre rencontre et jouent autour du bateau. C’est très fréquent dans une multitude d’endroits dans le monde mais beaucoup moins dans la baie d’Husavik où il n’y a quasiment jamais de dauphins.

Sur le retour, Noah profite de la vitesse du bateau qu’il affectionne tant en ayant le droit cette fois d’être sur le côté et pas au milieu où il ne pouvait pas bien voir l’écume. Il a une banane d’une oreille à l’autre d’avoir vu des baleines et des dauphins.

Mais le demi-anniversaire de Noah ne pouvait pas se conclure sans un bain chaud. J’avais repéré que la petite maison qu’on a loué pour ce soir avait juste devant un bain chaud naturel. On avait donc décidé avec Virginie vu qu’on a près de 2h20 de route de ne pas dîner à Husavik, mais d’acheter de quoi se faire des pâtes sur place (quoi ? encore des pâtes ? ) ce qui laisserait le temps à Noah de profiter du bain chaud.

Comme il fait un temps magnifique avec une très belle lumière, on ne résiste pas à un petit verre avec une glace sur le port avant de quitte Husavik. Puis on met les voiles, et 2h15 précise plus tard, après avoir croisé à peine quelques voitures en plus de 150 kilomètres, nous voilà arrivés à Hestasport Cottage près de Vahmalid (ou il y a une très jolie petite église dans un endroit perdu d’ailleurs).

La petite maison est très chouette. Il y en a 4 autres disposées en cercle. Et au centre, caché derrière une petite végétation basse et quelques rochers, enterré dans le sol, un petit bassin en pierre de lave dans lequel coule une eau à 38 degrés.

Noah se déshabille en moins de temps qu’il n’en faut pour mettre les valises dans la maison, et c’est dans un petit peignoir que nous nous dirigeons tous les deux vers le bassin avant de se glisser dans l’eau. Il est 21h, le soleil se couche, Virginie ne va pas tarder à nous rejoindre. C’est Divin.

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