Aujourd’hui jeudi, ce n’est pas ravioli, c’est parti pour 4 jours de buggy. Un périple d’un peu plus de 500 km sur les plages de la côte du Nordeste pour rejoindre Natal.
En buggy, on roule principalement sur la plage. Oui, vous avez bien compris, SUR la plage, et non pas le long de la plage. Ici, les rivières se jetant dans la mer sont nombreux, formant parfois même de petits deltas, et les côtes souvent escarpées. Certains passages ne sont donc franchissables qu’à marée basse. On doit donc bien calculer les horaires de départ pour ne pas se retrouver coincer. Il a donc été convenu qu’on viendrait nous chercher à l’hôtel à 13h. Rendez-vous, sur la plage.
Ce matin, le temps est couvert et il est difficile de savoir s’il va ou non virer à l’orage.
Heureusement qu’on a laissé nos 2 gros sacs à la consigne de Fortaleza, mais cela ne nous donne quand même qu’une idée approximative de la façon dont on va se caser tous les 3 + le conducteur et nos bagages bans un buggy, surtout s’il se met à pleuvoir des cordes.
En effet, pour ceux qui ne savent pas à quoi ressemble un buggy, c’est un chassis de voiture modifié, très bas, avec d’énormes amortisseurs, pas de porte et généralement plutôt pour 2 personnes. L’avantage, c’est que ca va presque partout, et c’est surtout fait pour rouler dans le sable. L’inconvénient, c’est qu’il n’y a pas une place démesurée, que c’est assez spartiate et que cela ne convient sûrement pas à un enfant de 4 ans. D’ailleurs le siège auto, tu oublies bien sûr..Quand tu pars une demie journée, c’est marrant. Quand tu t’apprêtes à faire 500 km en 4 jours par un temps orageux c’est aussi super marrant, mais ca soulève forcément quelques questions.
En attendant, il est 7h30, on s’est réveillé naturellement tôt du fait que notre petit bungalow est littéralement SUR la plage et que donc à marrée haute on a l’impression que l’eau tape à la porte à chaque vague pour s’inviter dans la chambre. Délicieuse sensation qu’on n’avait plus éprouvée depuis notre tout premier voyage tous les deux avec Virginie aux Seychelles sur l’île Silhouette. A l’époque, Silhouette, pourtant la troisième ile en taille des Seychelles n’accueillait que 10 personnes, et encore par hélicoptère à cause de la barrière de corail qui l’entourait. Comme dirait Chirac, Putain !!! 20 ans !!!
On profite donc de ce réveil matinal pour se promener sur la plage – avant qu’il ne fasse trop chaud – jusqu’au phare orange qu’on avait repéré hier. Arrivés juste dessous, une piscine naturelle créée par un banc de sable. C’est tellement peaceful..
On revient vers 9h prendre notre petit dej. Noah sans rien dire se lève et va prendre son petit déjeuner tout seul près de la piscine. Peut-être qu’on l’agace et qu’on parle trop ? Ou simplement qu’il veut profiter de ce moment seul, plongé dans ses pensées. Il va falloir qu’on s’habitue à ses envies d’indépendance. On plonge ensuite tous dans la piscine rien que pour nous (on est les seuls clients de l’hôtel), puis pendant que Virginie reste avec Noah, j’en profite pour écrire 2-3 billets sur la terrasse face à la mer.
Au moment où il se met à pleuvoter, Virginie et Noah reviennent. Il nous reste juste le temps de faire nos sacs et de s’occuper d’une petite urgence dont Virginie vous parlera dans un autre billet.
Plus on se rapproche de l’heure fatidique, plus le temps se gate. A 12h30 il pleut même plutôt pas mal et à l’horizon le ciel est vraiment chargé sans véritable espoir qu’il ne se découvre.
13h. On retrouve Giovanni avec son buggy, qui ne parle que portugais, et qui va notre chauffeur pendant les 4 prochains jours. Miracle, notre sac tient sur le toit, bien enveloppé dans une bâche.
Noah et virginie à l’avant, moi à l’arrière, et nous voila partis en Buggy sur la plage. On avait déjà fait du quad, mais le buggy c’est beaucoup plus bas et la sensation sur ces kilomètres de plage totalement déserts est très chouette. Noah est aux anges. Tu m’étonnes, encore un nouveau moyen de transport. Il ne descotche pas son regard du sable qui défile à toute allure 30 centimètres plus bas. À force de rester pencher, il va choper bun torticolis.`
On arrive assez rapidement à l’embouchure du fleuve. Après 5 minutes, une sorte de barge vient nous récupérer. Le temps de mettre le buggy dessus et on est parti pour moins de deux cent mètres de traversée.
Et là, la VRAIE journée commence. On est à marrée basse et l’eau remonte doucement. On nous débarque de l’autre côté de la rive sur une zone particulièrement humide doublée de trous d’eau. On fait péniblement 50 mètres sur le rivage avant de planter le buggy. Giovanni accélère, la roue arrière gauche s’enlise immédiatement, puis la droite. On sort pour constater les dégâts.
On nous a débarqué sur des sables mouvants. Giovanni râle parce qu’il nous fait comprendre qu’il l’a dit aux 2 gars qui manœuvraient la barge. Lui voulait accoster plus loin et eux lui ont dit que ca allait passer. Visiblement, ca ne passe pas. En plus, illusion d’optique ou pas, je trouve que le buggy s’enfonce tout seul maintenant sous son propre poids.
Giovanni fait de grands signes aux 2 gars qui étaient remontés sur la barge et s’apprêtaient à repartir. Nous voyant en galère, sympas (ou se sentant un peu coupables) ils arrivent pour nous venir en aide. Pendant que GIovanni accélère, on pousse tous les trois, mais impossible de se dégager, le buggy ne fait que s’enliser davantage.
Noah nous refait le remake du pneu crevé et de sa voix assurée nous dit : « En fait le buggy, là, il est coincé ». Il n’a pas tort, ça y ressemble furieusement. Différent véhicule, un poil plus de protagonistes, on est passé de l’espagnol au portugais, mais même situation merdique.
Les 2 gars repartent à la barge pour ramener une des passerelles de bois (qui pèse un âne mort) et la glisser sous la roue arrière droite du buggy. En temps normal c’est déjà galère mais là, va creuser sous la roue pendant une marée montante. La flotte s’engouffre dans le trou au fur et à mesure que tu creuses et la roue s’enfonce davantage dans le sol. Après plusieurs essais avec un des gars qui se mettra sous la planche pour faire pivot. Rien y fait. Comme dit alors Noah en inspectant la roue, “C’est la galère !”
A ce moment là, alors qu’on n’est déjà pas au meilleur de notre forme, le ciel devient subitement noir et un énorme grain s’abat sur nous. On se fait saucer comme jamais. Le sol se retrouvant d’un côté imbibé par la marée montante et par l’avalanche de pluie et de grêle, le buggy se met à couler tranquillement malgré nos efforts désespérés.
Heureusement que Virginie a juste eu le temps d’équiper Noah avant que le grain n’arrive sur nous parce qu’il n’est pas question de s’abriter dans le buggy qu’on essaye de désensabler.
Et là, dans cet enfer sur terre, où l’on peut à peine ouvrir les yeux, une question métaphysique s’abat sur moi. Est-ce que c’est de la grêle qui nous fouette le visage ou de la pluie couplée à une tempête de sable ? Sur le moment je pense que n’importe quel humain normalement constitué devrait s’en foutre comme de l’an 40, mais moi ca me trotte quand même dans la tête.
En tout cas, c’est dantesque, et heureusement que Noah comme à son habitude dans ces situations compliquées, est super cool. Il est tellement fasciné par tout ce petit monde qui s’affaire autour de ce qui ressemble de plus en plus à un désastre qu’il en oublie la grèle qui nous tombe dessus.
Et là, une deuxième réflexion métaphysique me frappe (décidément les situations apocalyptiques m’inspirent), et je me dis que c’est quand même cool d’avoir un enfant capable de se gérer seul même dans des situations pareilles; puis, à la manière d’un politique, je ne peux m’empêcher de me féliciter d’avoir choisi une femme qui n’est pas une casse-couille de la ville qui serait en train de te frapper sur la tête à coup de sac à main Hermès parce que tu l’as embarqué dans cette galère alors qu’elle pourrait être à Marrakech, à la piscine, avec ses copines et un verre de vin à la main.
Dans ce déluge de grêle, Je m’extirpe de cette pensée profonde pour voir Giovanni courir vers son buggy, prendre sa radio, et d’une voie catastrophée lancer un mayday. C’est officiel. Nous sommes des marins en détresse, le capitaine vient de lancer un SOS en indiquant sa dernière position avant le naufrage. Cela dit ce n’est pas tout à fait inexact car dans moins d’une heure si on reste là, on sera très clairement au beau milieu de la mer à 100m de la rive de quelque côté qu’on regardera.
Entre temps les 2 gars ont fait un aller et retour pour aller chercher la deuxième passerelle. Ils expliquent (avec des gestes on comprend pas le portugais) qu’ils vont faire levier sous le châssis avec une des planches pour soulever suffisamment le buggy et introduire ainsi la seconde planche sous la roue. Pour moi, la messe est dite, on est dans le remake du père noël est une ordure quand Thierry Lhermitte dit à Anémone. “Si vous pouviez faire levier, je pourrais m’introduire”.
Bonne nouvelle, il y a une mini accalmie. Mauvaise nouvelle, le sol est trop meuble et tout s’enfonce. Les planches, le buggy… On est couvert de gadoue et ou qu’on regarde maintenant l’eau remonte inexorablement tout autour de nous.
On sort la roue de secours qu’on positionne pour faire levier afin d’essayer à nouveau de soulever le chassis, et là, alors qu’on pense que ca ne peut pas être pire, Virginie qui regarde la barge depuis quelques temps (c’est en regardant de ce côté qu’on ne prend plus la grêle qui est revenue en pleine figure) me dit « j’ai l’impression que leur bateau se barre ». Je lève un œil rapidement, voit l’amarre qui semble certes un peu ample c’est vrai, mais je Crois qu’une petite voix en moi ne veut juste pas y croire, alors je marmonne un “non je crois pas” dans ma barbe et reprends ma tache qui à ce moment précis consiste à rester debout sur la planche pour faire contre poids avec le buggy.
20 secondes plus tard, elle revient à la charge en mode panique. « Non c’est sûr le bateau se barre !!! ». Là rien qu’à l’intonation de sa voix, la barrière des langues saute et tout le monde se tourne vers elle, puis regarde le bateau qui en effet vient de se faire la malle. La montée de la marée et la tempête ont du avoir raison d’un amarrage probablement un peu rapide.
Aussitôt le buggy n’est plus le cœur du problème. Les 2 gars partent en courant pour sauver leur gagne-pain. 50 mètres de courses effrénée dans le sable trempé pour rejoindre la rive, puis, ils se jettent à l’eau, et se mettent à nager en crawl comme des dératés pour tenter de rattraper le bateau qui ne cesse de prendre de la vitesse. Nous on reste plantés là avec Virginie et Giovanni et Noah qui rigole à tue-tête en disant “C’est pas possible !!!”, abassourdis par ce spectacle irréel.
Une fraction de lucidité me fait dire à Virginie de filmer la scène. Elle me regarde d’un air un peu désapprobateur du genre on ne filme pas la misère humaine, puis sans qu’on ait besoin de parler, on doit se dire à peu près la même chose tous les deux : ”c’est pas comme si on filmait un lépreux mort de faim au Bengladesh“, et puis si on ne filme pas cela, personne ne nous croira jamais, alors tant pis pour la pudeur. Action ! Ca tourne !
Pendant 10 minutes, on va regarder les mecs nager jusqu’à ce qu’ils finissent par rattraper le bateau, puis réussir miraculeusement à monter dedans. Puis 10 bonnes minutes de plus, une fois le contrôle du navire regagné, pour essayer de le ramener à la rive en pleine tempête.
Nous pendant ce temps, on ne faire rien, parce qu’à 2 vu le poids du buggy il n’y a rien à faire. Heureusement malgré cette avalanche de catastrophe, les mecs sont sympas et ne nous abandonnent pas. Ils prennent sur leur dos l’ancre du bateau et l’accrochent une bonne quinzaine de mètres à l’intérieur des terres. Autant assurer le coup cette fois.
Puis ils reviennent exténués pour nous aider à sortir le buggy totalement assiégé par la montée des eaux. Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir failli perdre leur bateau ou de se dire que maintenant rien de pire ne peut plus arriver, mais tout le monde repart gonflé à bloc et en 10 minutes on réussi à mettre la première passerelle sous la roue arrière droite, puis à soulever le buggy pour passer dessous la passerelle sous la roue arrière gauche.
Le buggy démarre, se sort de l’enlisement et pendant quelques minutes, on guide Giovanni entre les trous d’eau qui sont de plus en plus nombreux pour ne pas se réenliser une seconde fois. On remercie à la va vite les 2 gars qui de toute façon sont pressés de récupérer leur navire, et nous voilà repartis. Il ne pleut presque plus. On est sur un sable à nouveau normal. 5 minutes plus tard, on croise la cavalerie (2 autres buggys de secouristes) qui venaient nous prêter main forte. Comme dans tout bon film qui se respecte, la cavalerie arrive toujours après la bataille, c’est bien connu.
Buggy buggy Bang bang.
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