Mendoza, 9h00. On se réveille la tête un peu enfarinée. Il faut dire qu’après avoir passé une bonne partie de la veille dans les transports pour s’acheminer depuis Ushuaia, la soirée s’était ponctuée par un échange « haut en couleur » avec le loueur de voiture de Alamo.
Le parfait remake de la scène de Love actually ou Mr Bean prend 2h pour emballer un paquet cadeau, le tout revu et corrigé à la mode location de voiture. Nous, crevés à 23h après 7h d’avion et d’escale, désireux de récupérer notre voiture le plus vite possible pour aller se coucher. Le loueur, jovial, ne parlant pas anglais, cherchant à faire de l’humour et insistant pour utiliser son traducteur à chaque fois pour raconter un truc qu’on savait déjà, tout en essayant de nous fourguer une à une toutes les options de la terre. A la fin, il nous a même accompagné sur le parking et tenu à me montrer ou était la manette pour régler mon siège, ou étaient les phares etc…
Résultat, à minuit et demi on n’était toujours pas couché, toujours en train de chercher notre hôtel puis de trouver un endroit ou garer la voiture. Pas étonnant que le matin au réveil, on ait eu un peu de mal à se mettre en route.
La région de Mendoza est curieuse. Dans la théorie quand on cherche sur internet, on voit qu’il y a plein de beaux endroits à voir et de choses à faire, mais une fois sur place, il y a zéro touristes et visiblement pas vraiment d’infrastructure pour en accueillir de toute façon. Le guide du routard n’avait même pas été dans le coin, tandis que le Lonely Planet, avait réduit une région grande comme la moitié de la France à moins de 10 pages dont 2 pour montrer une carte de la région sans légende. Idem pour les hébergements. Ici on paye au black et en dollars, donc pas de réservation réellement confirmée. Au mieux des mails de bonnes intentions
De tout cela, on en avait déduit qu’on allait faire de la route (plus de 1 000 km en 8 jours), qu’il allait faire chaud (plus de 35 degrés), qu’ici il ne pleuvrait jamais, que ce serait un peu « roots », et qu’amener un enfant ici était donc très con.
Le décor de notre prochaine semaine étant planté, nous partons faire un tour à pied voir les 2 places « dignes d’intérêt » (Le Lonely Planet se bornant à vanter l’importance de « respirer l‘atmosphère de la ville » qui est l’expression consacrée lorsqu’il n’y a rien à voir mais qu’on ne veut froisser personne parce qu’on parle quand même d’une ville de 120 000 habitants). On galère ensuite pour récupérer du cash car on a compris que les distributeurs et les machines à cartes se feraient rares une fois partis de Mendoza (impossible de retirer plus de 80€ au distributeur par carte et j’avais laissé mon passeport à l’hôtel pour ne pas me le faire piquer ce qui s’est avéré une bonne idée jusqu’à ce que l’agent de change me dise que sans passeport il ne me changeait pas de cash.
Vers 11h et quelques on fini donc par prendre la route. Direction Barréal À l’ouest de Mendoza vers le Chili. 3h de route en mode fine équipe : comprendre Virginie conduit et je guide (l’inverse à montré un taux élevé de tension quand on sait pas ou on va, un peu comme les sorties en Kayak)
Comme je me doute que pas grand monde connaît la région, je situe la zone. On est à l’ouest de l’argentine, un peu au-dessus de Buenos Aires, à moins de 300km de Santiago du Chili, donc on longe la frontière chilienne (pour changer).
On prend la route 7 à la sortie de Mendoza qui, si on la suivait tout du long, nous amènerait tout droit à la frontière chilienne située à 3 600m d’altitude juste devant l’Aconcangua, la montagne la plus haute d’Amérique avec ses 6 850m.
Pendant 70Km on longe dans un paysage désertique l’ancienne voie ferrée qui reliait autrefois l’Argentine au Chili en traversant la cordière des Andes jusqu’à ce qu’en 1970 les relations entre les 2 pays se détériorent au point d’interrompre tout trafic sur la ligne. La ligne n’a dès lors toujours pas repris même si ponctuellement sa réouverture est évoquée.
Vers 12h30 on approche des contreforts de la cordillère, à 1 700 mètres d’altitude, Potrerillos, un (pour ne pas dire le seul) minuscule bourg à la ronde. On a lu dans le Lonely Planet Que si on suit un chemin de terre sur quelques kilomètres après ce bourg, Il y a un endroit bien caché pour se restaurer : La Escondida. (Et c’est vrai, pour être caché, c’était bien caché).
Contre toute attente, on y déjeune comme des rois pour 30 euros à côté du groupe le plus improbable qu’on n’ait jamais rencontré en voyage (De 22 à 70 ans, parlant dans 3 langues différentes, visiblement aucun lien de parenté, de l’hétéro, du gay, du black, du blanc du beur.. On a eu beau tendre l’oreille, on a été incapable de déceler ce qui pouvait bien les relier entre eux.
Pendant ce temps, Noah qui est incapable de rester à table plus de 15 minutes et qui a obtenu son bon de sortie après avoir accepté de goûter (et a aimé) son premier empanadas, a jeté son dévolu sur une vieille charrue avec un espèce de réservoir en son centre qui lui fait penser à la machine de Monsieur Mic Mac d’un livre qu’il lit en ce moment. Dans le livre, il met une trompette et une fraise dans la machine et en fait sortir une tromfraise. Là, il fait pareil en mettant des cailloux avec des branchages pour en faire des branchoux.
Après cette halte divertissante, il est plus de 14h et on a encore 2h30 de route avant d’atteindre Barreal, Sans compter un arrêt au Cerro de los 7 colores (montagne aux 7 couleurs) que Virginie a spotté sur internet malgré le silence assourdissant des guides papier sur le sujet.
Après 1h de route, on arrive à Uspallata, dernière bourgade sur la route 7 avant de bifurquer direct vers le Chili et sa frontière à 4 700m d’altitude. Nous on quitte la route 7 là, et grâce à Google on s’engage moyennement confiant da,nos une petite route rocailleuse vers le Cerro de los 7 colores malgré le manque total de panneaux pour annoncer cette merveille. Quand on vous disait que la région n’était pas touristique….
Une fois sur le chemin de terre, très vite les montagnes environnantes prennent toutes les couleurs de la terre. Du vert, du violet, du orange. On s’enfonce dans cette zone montagneuse pendant 15 kilomètres, ce qui s’avère en tant que tel un spectacle à lui tout seul. Puis alors qu’on ne l’attendait plus, un minuscule panneau indique tout d’un coup les 7 colores à 1,5Km sur la gauche. On arrive dans un endroit désert devant une montagne qui n’est rien d‘autre qu’une explosion de couleurs. Ce qui est bien quand ce n’est pas touristique, c’est que tu as l’espace rien que pour toi.
Noah qui venait juste de se réveiller et qui au début ne voulait pas sortir de la voiture change subitement d’avis et d’un pas décidé se met en tête d’escalader la montagne sous un soleil de plomb. Le temps de monter la cinquantaine de mètres pour avoir un premier point de vue, on entend gronder l’orage. Dans un endroit ou il ne pleut paraît-il jamais, on vient le seul jour où l’orage approche à grands pas. Point positif, la température chute drastiquement et le contraste avec les nuages est encore plus intéressant.
Désormais parfaitement réveillé, Noah va insister pour monter un peu plus haut pour découvrir un autre versant coloré (comme quoi il doit être inscrit dans les gènes de notre espèce de vouloir monter toujours plus haut, aller toujours plus loin. Le secret de l’évolution ?). On met juste le haut-là sur le dernier tronçon – si on peut appeler cela un chemin – car tout est à flanc de falaise désormais. Après 30 bonnes minutes passée seuls au monde dans le Cerro de los 7 colores une autre voiture arrive et double ainsi la population du site. Ca reste raisonnable 😉
L’heure tourne. On reprend la route car il nous reste encore 1h30 et il est maintenant près de 17h. On repasse à Uspallata pour se ravitailler en flotte et offrir une glace à Noah, puis alors qu’on aborde la route 149 qui longe la cordillère sur plus de 120km le ciel devient subitement noir.
Un orage sévit sur les 5 sommets à plus de 5 000 mètres qui bordent la route. En 20 km on perd d’un coup plus de 15 degrès passant de 30 à 14 degrés au compteur de la voiture. Orages, éclairs monumentaux et la pluie nous tombent dessus. Pour ne rien arranger on quitte rapidement l’asphalte pour se retrouver sur une piste en terre, et la ca se corse rapidement. Le déluge qui s’est abattu sur les montagnes environnantes alimente visiblement des torrents qui traversent notre piste de part en part avec un débit croissant tous les 2-300 mètres.
Il nous reste bien 100km de piste à faire pour rejoindre Barreal. Noah adore parce que cela lui rappelle le passage des rivières en islande en superJeep. Sauf que la on est en Peugeot 408 (on n’a jamais réussi à trouver un loueur capable de nous louer ne serait-ce qu’un SUV à défaut de 4×4).
Et puis ca s’empire. La piste a beau être large d’une dizaine de mètres, elle est bordée de terres plein en terre qui créent de part et d’autre de la route des digues naturelles de 50-60cm de haut. Jusqu’à maintenant cela ne posait pas trop de problème car les torrents traversaient la route de part en part – même si on commençait à s’interroger sur notre capacité à les traverser tant l’eau montait et le débit devenait important – mais bizarrement notre piste devient soudainement innondée sur presque toute notre voie ce qui nous force à rouler en sens contraire. Remarquez, ce n’est pas bien grave vu qu’on a croisé personne depuis 15 minutes.
On ne tarde pas à comprendre pourquoi la piste se rempli d’eau. A certains endroits les torrents n’ont pas de débouchés de l’autre côté de la route du fait des terre pleins. Du coup l’eau ne s’écoule plus de l’autre côté mais se déverse en continue sur notre route. Notre piste est tout bonnement en train de se transformer en lit de rivière et on a désormais un courant qui se créé en sens contraire de la route.
La seule voiture – un 4×4 – qu’on croise depuis 20 minutes qu’on roule nous fait un appel de phare. Impossible de savoir si c’est pour nous avertir de flics ou que la situation est pire ailleurs. Sauf qu’après 10 minutes de plus à rouler maintenant du mauvais côté de la route (qui est le seul non innondé et non transformé en rivière) on n’a pas vu de flics. ca doit donc être la praticabilité de la route le problème.
Alors qu’on est en train de se dire qu’on est bien dans la mouise, les éclairs sur la cordillère des Andes redoublent. Noah est fasciné et ne cesse de dire « La ! » « et La ! ». Nous on ne dit plus rien dans la voiture car si ca continue à monter, à part abandonner la voiture à cette rivière improvisée et se mettre à l’abri en hauteur quelque part au milieu de l’orage, on ne voit pas bien ce qu’on va pouvoir faire.
Ce petit stress dure encore 15 minutes, puis tout d’un coup à l’horizon ca se dégage aussi vite que c’était arrivé. Les torrents se réduisent et on se retrouve à nouveau sur la piste. Tout va bien à nouveau.
1h plus tard, on est presque contente de tomber sur un barrage de flics. Évidemment comme il n’y a aucune voiture qui passe là, on se fait arrêter. Ils sont 4. Et voila que sous un vent à décorner les bœufs le mec me fait ouvrir le coffre et entâme une fouille en règle de notre montagne de sacs. Il reste perplexe devant mon tube de dentifrice, puis devant des huiles essentielles. L’autre flic lui est dubitatif devant les pipettes de Physimoer de Noah qu’on a en quantités industrielles. Personne ne parle anglais et on joue aux imbéciles parce qu’on sent bien que leur plan s’est de nous demander un bakkschich pour arrêter la fouille qu’ils svante parfaitement inutile..
Bref au bout de 10 minutes, il n’a pas trouvé la drogue, il doits e dire qu’on est trop con pour même comprendre qu’il faut leur graisser la patte, et barrière des langues oblige, on est libre de repartir.
On finit par arriver à Barreal. Oasis au milieu du désert qu’on vient de traverser sur plus de 120km à près de 1700 mètres d’altitude. Comme souvent, dès que coule une rivière il y a profusion d’arbres aux alentours et la vie reprend ses droits. On parcours les dédales de rues sous des platanes, croisant quelques maisons dans le style « argentine profonde » pour déboucher sur un petit coin de paradis, la Posada de los patos.
Le ciel est toujours orageux mais il ne pleut plus. On dîne devant la cordillère des Andes après une longue journée. Que demander de plus.
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