Il est 7h. De retour à l’accueil du lodge – les seuls 10 m2 ou l’on capte internet « Noah est devenu un aficionados des jeux Olympiques et donc par ricochet de l’appli de l’Equipe. Il suit cela avec Christian une dernière fois car nos français partent eux, ce matin. La France est 4ème pour l’instant au nombre de médailles. Il se passionne pour des sports improbables, retient les noms, les scores, ça l’éclate.
Pendant ce temps, Virginie a oublié un truc dans la chambre – 15 minutes pour faire l’aller-retour vu qu’on est au bout du bout du lodge ! Elle revient néanmoins toute guillerette d’avoir vu un écureuil dont franchement sur la photo, on peine à distinguer le cucul de la tétête.
Le temps de se prendre un petit déjeuner et on s’apprête à enchaîner notre deuxième sortie du jour, une marche en forêt.
C’est aussi l’heure de dire au revoir aux français qu’on a rencontré. Noah déteste les adieux. Ca lui met toujours un gros coup au moral.
La sortie en forêt, cela n’a pas l’air comme cela, mais c’est éprouvant. La chaleur et l’humidité tout en ayant l’obligation de bien se couvrir pour se protéger des bestioles en tout genre qui pullulent ; la concentration de ne pas marcher n’importe où, d’être toujours attentif…
Bref, après un petit trajet en bateau on débarque dans une zone qui appartient à l’armée et qu’ils utilisent 2 à 3 fois par an pour leurs stages de survie.
On tombe à nouveau sur une myriade de choses improbables. Des lianes et racines en symbioses qui s’entremêlent (l’une descendant de l’arbre tandis que l’autre, au contraire, monte).
Une plante ultra venimeuse avec ses petites taches blanches qui sert pour la pèche. En eaux peu profondes, il te suffit de broyer le branchage de ces plantes et de les jeter dans l’eau. 10 minutes plus tard tous les poissons remontent à la surface évanouis. Tu n’a plus qu’à te baisser pour les ramasser.
Puis arrive le bizutage de la larve. Comme on a 5 russes (enfin on pense que ce sont des russes) qui se sont rajoutés à notre groupe pour la journée, le guide prend à part Noah et lui parie que jamais ils vont vouloir manger une larve.
Très objectivement, Noah qui en a mangé une hier n’avait pas du tout envie d’en remanger une. Certes la première fois il y a l’appréhension de goûter, mais il y a le challenge de la nouveauté. La seconde fois, tu sais qu’elle va éclater dans ta bouche.. Bref, contre toute attente, lorsque les russes manifestent leur dégout, puis leur refus de manger la larve, Noah s’avance fièrement et propose à Ralf de la manger devant tout le monde.
Impossible de savoir s’il l’a fait par fierté, pour faire plaisir à Ralf ou parce qu’on avait parlé ensemble hier soir de l’importance de montrer aux autres qu’on n’a pas peur de faire les choses.. En tout cas, ils sont bluffés et Noah marque encore des points auprès de Ralf.
Du coup quand quelques minutes plus tard on passe près d’une fourmilière sur l’arbre, Ralf teste Noah pour savoir s’il a bien écouté hier et lui propose d’expliquer aux russes à quoi ça sert. Noah s’en sort bien, et donc Ralf lui propose de faire la démonstration en laissant les fourmis monter sur son bras et ensuite les écraser. Virginie esquisse un non protecteur, mais voyant que Noah est partant se ravise. Et voilà notre petit Noah qui laisse grimper des dizaines de fourmis sur sa main, son bras, puis se met consciencieusement à les écraser sans stresser, avant de le faire sentir à tout le monde le résultat. Voila. Il est prêt pour chasser, son odeur de petit humain a disparu !
Plus loin, on tombe sur l’arbre à caoutchouc. Je connaissais en gros l’histoire, sauf que je ne savais pas que des britanniques avaient piqué dans un premier temps des graines pour essayer de les planter en Angleterre vu le prix de revente du caoutchouc. Cela n’avait pas marché à cause du climat, mais ils avaient essayé ensuite en Malaisie, et là, ça avait cartonné au point que la production est devenue 10 fois supérieure à celle du Brésil, faisant sombrer l’économie de Manaus.
Il faut dire que la collecte de caoutchouc en pleine jungle amazonienne est loin d‘être une sinécure car à l’inaccessibilité des lieux se rajoute une contrainte de taille. Chaque arbre donne environ ½ litre de sève de caoutchouc par jour, mais la nuit uniquement. Car en journée, la sève est trop pâteuse pour s’écouler et il faut la relative fraicheur de la nuit pour fluidifier celle-ci.
Sauf que la nuit, il y a le bushmaster qui rode. Un serpent particulièrement venimeux qui attaque volontairement les hommes à l’opposé de nombres d’espèces qui n’ont vis-à-vis de nous qu’une réaction de défense si on empiète sur leur territoire ou si on les menace. Non, celui-ci, il te cherche, te pique, et te tue. De quoi refroidir les ardeurs des ouvriers.
Bilan des courses, Manaus a sombré, Ford qui avait implanté une usine en plein Amazonie pensant avoir le caoutchouc a portée de main pour les pneus a laissé celle-ci à l’abandon, et Manaus est devenue une zone franche pour sortir du marasme économique dans lequel elle était tombée.
Pour comprendre la suite, il faut revenir à un incident tôt ce matin. Vous vous souvenez, Ralf avait offert un criquet et une couronne à Noah et Virginie à partir de feuilles de palmiers. Et bien quand Virginie est revenue du petit déjeuner, les femmes de chambres avaient jeté les dits trésors, où du moins les avaient emportés. Noah et virginie étaient furax. Elle en avait parlé à Charlotte et Delphine qui, toutes deux, avaient laissé en partant leur éventail et une couronne dans leur chambre car elles n’avaient pas l’intention de rentrer à Manaus avec.
Virginie avait donc pris leurs clés et était repartie les chercher. Même si ce n’était pas les siennes au moins elle gardait un souvenir. Du coup elle était revenue en retard (rapport à la durée pour repartir vers son lodge si vous avez suivi). Comme je sais que Ralf n’aime pas les retards je lui avais expliqué le pourquoi, ajoutant qu’un cadeau c’était fait pour être gardé. Bref, j’avais senti que Ralf avait été touché par l’attention.
Je reviens à nos moutons. On était dans la forêt et comme il y a des palmiers un peu partout, voila Ralf qui en profite pour faire montrer aux russes par son aide de camp le tressage et pendant ce temps, se met à confectionner un encore plus beau criquet qu’il donne à Noah. Déjà heureux, Noah se voit ravi quand Ralf poursuit ses confections et lui fabrique cette fois un arc et une flèche, et une nouvelle couronne pour Virginie.. Pour la petite histoire, à la fin de la marche il aura aussi fait une couronne à Noah. C’est bon, en rentrant à Manaus on peut ouvrir notre propre boutique d’artisanat désormais !
On poursuit notre chemin, et Noah qui rêve de rencontrer d’autres espèces dangereuses, est ravi quand Ralf lui débusque une … tarentule. Très venimeuse au demeurant même si visiblement elle ne gaspille pas son venin sur l’homme et se contente de nous piquer si on s’approche trop. Par contre les proies plus petites, elles, n’ont pas ce traitement de faveur. Apparemment les petites araignées sont là aussi en général plus dangereuse car de peur elles balancent d’un coup tout leur venin. Le plus grosses, sûres de leur force le gaspille avec parcimonie.
On arrive ensuite aux 2 histoires les plus surréalistes de la journée, mais qui en disent long sur la fameuse loi de la jungle qui règne ici.
Ralf nous dégotte au pied d’un arbre plusieurs fourmis mortes et dont sort en même temps comme des tiges de leurs corps. Bienvenue dans les films d’horreurs. C’est l’œuvre ici du champignon zombie.
Quand une fourmi le touche, il pénètre l’organisme, prend le contrôle du système nerveux de la fourmi qui devient un mort vivant. Il l’a fait se ballade le temps de se développer pleinement dans son organisme, puis finit par la faire en général alors monter en haut d’un arbre et l’a fait exploser littéralement pour répandre ainsi d’autres spores du champignons sur la surface la plus grande possible. Du reste de la fourmi pousse alors un dernier champignon, dont ses filaments en forme de tige qui lui sortent de partout. Appétissant !
Apparemment les chercheurs s’inquiètent car récemment ce champignon aurait réussi à prendre le contrôle d’animaux plus évolués, en l’occurrence des rats, à qui il fait subir le même sort. Une hypothèse est qu’à ce rythme il s’attaquera aux singes, puis aux hommes. Pas besoin d’être très imaginatif quand on est cinéaste à Hollywood, il suffit de passer quelques jours en Amazonie pour avoir une idée de film interdit au moins de 16 ans.
Autre histoire ahurissante, la cueillette d’un des fruits les plus répandus ici, le Acai. En tant que tel, rien d’effrayant me direz-vous. Ralf demande à son collègue de nous faire une démonstration de comment aller chercher les fruits situés à plus de 20 mètres du sol. Avec une feuille de palme tressée, il se constitue une corde, puis en fait un cercle qu’il se passe aux chevilles et qui l’aide à monter à l’arbre, comme le font beaucoup d’indigènes sur la planète pour aller chercher des noix de coco.
Là ou cela devient intéressant, c’est lorsqu’il indique que l’arbre sur lequel pousse les Acai sont souvent les pieds dans l’eau (pour rappel le niveau d’eau varie ici de près de 12 mètres entre juin et novembre avec la saison sèche) et que dans ces cas, on ne monte jamais au tronc d’un Acai.
La raison ? Et bien dans l’Amazone et ses affluents, il y a nombre d’espèces marines qui se sont adaptées ici. On pense qu’originellement l’Amazone était un canal d’eau salé reliant le pacifique à l’atlantique et qu’il s’est séparé à la faveur de la remontée des plaques tectoniques dont sont origines les Andes, et qui explique que la source désormais de l’Amazone vient du Pérou. Nombres d’espèces océaniques ce seraient trouvées piégées et auraient évoluées dans un milieu d’eau douce. C’est ainsi qu’on y trouve des dauphins roses, des raies, et aussi des anguilles électriques.
Et c’est là que ça devient fou. L’anguille adore les fruits de l’Acai. Or le tronc de cet arbre est particulièrement ferrugineux. Aussi, les anguilles se collent au tronc et envoient une décharge électrique de 600 volts dans le tronc. Le choc de la décharge conduite par cette haute teneur en fer créé un tremblement violent dans l’arbre et fait tomber les Acai dans l’eau dont l’anguille se régale. Vous avez compris, autant ne pas être dans l’arbre au moment où l’anguille décide d’aller déjeuner..
Voila, il est midi. Quand je pense que parfois à midi on n’a rien fait de sa journée… Petite pensée comme ça.
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