Ce matin, c’est Pipiwai trail. Je ne me lasse pas de dire ce nom, il me faire trop rire.
Initialement pour optimiser le trajet, on aurait dû faire cette rando plutôt demain matin car elle se situe sur notre route vers le sud, mais comme ils annoncent de la pluie demain matin et qu’elle n’est qu’à 35 minutes de route de l’hôtel, je me dis autant le faire aujourd’hui quand il fait beau.
Pour accéder au Pipiwai trail, il faut donc aller presqu’au bout de la route de Hana. Ce coin-là est très peu emprunté pour 2 raisons. Nos amis américains aiment ce qui est simple et bien entretenu, or après la ville de Hana, la Highway 360 (nom officiel de la route de Hana) se détériore à vitesse grand V au point qu’une majorité de loueurs refusent même d’assurer le véhicule sur cette portion de route qui longe ensuite tout le sud – sud-ouest de l’ile. Si on rajoute à cela, que dès qu’il faut faire de la marche on perd 80% des gens, on passe d’une route fortement encombrée comme hier au désert sidéral. Et c’est tant mieux !
Dès la sortie de Hana, on troque l’asphalte pour un revêtement de terre en nid de poule. On a beau être sur la fin de la route aux 624 virages, des virages, il y en a toujours autant, mais ces derniers se font désormais beaucoup plus tortueux et de plus en plus en voie unique obligeant à anticiper les voitures d’en face quand on le peut pour trouver un endroit où se rabattre et éviter de se retrouver nez à nez avec un véhicule.
En même temps, comme il n’y a vraiment personne sur la route, c’est plus un sujet de vigilance au cas où une voiture arriverait. Du coup, lorsqu’on arrive aux très jolies Wailua falls, il n’y a qu’un autre couple en plus de nous et ce n’est pas plus mal car l’accès à la cascade est franchement un peu casse-gueule comme souvent dans le coin, et je ne vois pas comment on pourrait être plus de 5 ou 6 en même temps sur un tel chemin pour s’y rendre sans dévaler la pente 10 mètres en contrebas.
Un petit quart d’heure plus tard, nous voici déjà arrivés à l’entrée de ce qui est en fait la partie sud du Parc du volcan Halaekala. A l’entrée, la ranger taillée en mode déménageur pas sympathique embraye direct sur le fait que si on a l’intention de faire le Pipiwai trail, il y aura un panneau à une centaine de mètres de l’arrivée qui interdit désormais l’accès d’aller au pied des chutes suite à de nombreux accidents.
Je ne peux même pas dire qu’on est étonné. D’abord, où qu’on aille depuis le début, on a à chaque fois 3 à 4 panneaux qui nous indiquent les morts atroces qui nous attendent (le top 3 étant la chute d’une falaise, la mort par noyade à cause d’un flash floods, et l’écrasement par chute de rochers, mais pas toujours dans cet ordre), et dans le cas présent, 2 blogs nous ont indiqué avoir été bloqués vers la fin du trail par ce fameux panneau.
Bon, on promet d’être bien sages, et on se met en route parce que mine de rien, il fait vite chaud ici et on ne sait jamais quelle partie du trek va se faire dans la jungle à l’abri des arbres et quelle partie sera en plein cagnard. On commence une fois n’est pas coutume par monter assez sec pendant 15 bonnes minutes jusqu’à atteindre un premier point haut qui domine une végétation luxuriante de type jurrasik park. Au loin sur une première chute au nom imprononçable qui donne envie à Noah d’immortaliser l’endroit par un de ses légendaires pipi avec vue 360. Virginie, ne résiste pas à l’idée de le prendre à nouveau en photo tandis qu’un touriste redescend. A sa tête clairement il comprend pas le concept de prendre un enfant en train de faire pipi. Virginie baragouine un truc du genre on s’en fout mais il doit penser qu’on est trop chelou, voir pervers. Ca tombe bien il nous dit “bonjour”. Et oui, il était français.
Un moment de honte est vite passé. On reprend l’ascension jusqu’à déboucher cette fois sous un gigantesque Bagnan Tree sur lequel Noah va jouer aux acrobates jusqu’à ce qu’avec Virginie on se dise que le jeu n’en vaut plus la chandelle et qu’on aimerait bien récupérer notre intrépide en un seul morceau, d’autant qu’il se cramponne désormais tant bien que mal à l’hôrizontal à une branche en mode koala au-dessus de notre tête.
Une demi-heure plus tard, et après avoir traversé quelques ponts, nous voici maintenant dans une gigantesque bambouseraie naturelle que Noah s’emploie à essayer de traverser en dehors du sentier ce qui, vu la densité des bambous devient un challenge même pour sa taille. Lorsqu’il trébuche pour la seconde fois, là aussi on met un petit stop à l’aventurier pour éviter de le retrouver par terre transpercé par un morceau de bambou (mort atroce non prévue sur les panneaux et pourtant plus probable que toutes les autres annoncées au vu de la première heure de marche).
Frustré de ne plus pouvoir prendre de chemin de traverse, Noah part devant et nous met 50 mètres dans la vue, au point que je me retrouve à devoir courir pour le rattraper au cas où l’un des panneaux de morts annoncée trouve une justification dans un danger réel à un détour de chemin.
Après avoir croisé 2 couples qui me confirment que Noah est devant (à leur tête je les vois un peu rassurés de voir un parent car l’enfant seul les avait un peu interloqués vu le lieu), je rattrape enfin Noah juste avant la traversée d’un ruisseau en forme de mini cascade. Je pense qu’il m’attendait quand même pour traverser mais sans grande certitude vu le loustic.
On traverse et quelques mètres plus tard nous voilà devant le fameux panneau nous interdisant d’aller plus loin et nous menaçant d’amendes et autres dangers divers en cas de transgression.
Tandis que Noah revient sur ses pas pour « aider » Virginie à traverser le ruisseau, j’en profite pour dépasser un peu le panneau (on est français ou bien ? ) et constate qu’il y a une petite rivière d’eau vive d’où l’on aperçoit d’ailleurs un peu plus loin on voit les Waimaku falls.
Je reviens en zone neutre, y retrouve Virginie qui a traversé entre temps le ruisseau, et en contournant le panneau sur notre droite on aboutit à la même petite rivière en contrebas. Techniquement, on n’a pas transgressé le panneau là, mais du coup on voit à peine les chutes d’ici.
Noah profite qu’on papote avec Virginie sur le bienfondé de respecter les règles pour se faire la malle et traverser la rivière en allant de rochers en rochers. Une fois de l’autre côté, pas peu fier, il nous fait un salut d’artiste avant de revenir dans l’autre sens et de finir les pieds trempés après avoir raté un saut entre deux rochers.
Pendant que je garde Noah, Virginie part en reconnaissance en remontant la rivière par le côté. Elle revient peu après en me disant qu’elle a été jusqu’aux pieds des chutes, que c’est quand même vraiment chouette et que je devrais y aller. On inverse les rôles et pendant qu’elle garde Noah je vais voir aussi.
Je trouve cela tellement chouette que je reviens et propose d’embarquer Noah car franchement le danger ne semble pas très évident. Trop content de partir en escalade dans les rochers au milieu de la rivière, il nous suit gaiement. On passe ensuite à travers un chemin dans les fougères que bizarrement Virginie n’avait pas vu et nous voici au pied des chutes comme dans un amphithéâtre. C’est super. On n’est pas seuls. Une dizaine de personnes ont décidé de braver l’interdit et eux aussi s’attardent dans ce bel endroit.
Après s’être rafraichi sous une petite bruine qui descend de la roche, il est temps de rebrousser chemin. Arrivés au panneau d’interdiction, on tombe nez à nez avec 2 rangers du parc dont l’un est en train de pourrir des randonneurs qui s‘apprêtaient à passer le panneau. On profite qu’il a la tête qui regarde de l’autre côté pour passer en douce et aller récupérer les sacs qu’on avait laissé au bord de la rivière. Quand on revient au panneau, les 2 rangers sont partis déloger tout le monde de la cascade. C’était moins une.
Noah en profite pour poser devant son trophée de chasse en mode défi !!!
On a de la peine en croisant sur le retour quelques randonneurs dont certains étaient carrément venus avec des serviettes car on les recroisera au parking plus tard et clairement plus personne n’a pu s’approcher des chutes après nous.
Alors, est-ce vraiment dangereux ? Ce jour-là, probablement pas au vu de la météo. Dans d’autres circonstances sûrement, ce qui explique qu’ils envoient 2 rangers se faire 2h de rando pour sortir les touristes de là.
En fait on comprendra mieux le sujet le lendemain quand on retournera dans la zone pour faire une courte rando et en voyant les photos des lieux à 2 moments différents. Ce qui se passe c’est qu’on est en fait au pied du Volcan Haleakala qui culmine à 3 000 mètres même si son sommet est à plusieurs kilomètres d’ici à l’intérieur des terres.
Ici, on est presqu’au bord de la mer donc le temps est le plus souvent très dégagé. Mais le fait qu’il fasse beau ici ne présume absolument pas du temps à 3 000 m d’altitude qui lui est plutôt souvent pluvieux voir orageux.
Ainsi, ce qui se passe avec une fréquence plus ou moins fréquente, c’est qu’il se met à pleuvoir à torrent sur les hauteurs. Toute l’eau dévale de 3 000 m, les torrents s’agrègent sur la descente et finissent sur cette chute.
Au vu des photos, on passerait ainsi d’une chute en mode « pipi de chat » comme on l’a vu aujourd’hui en torrent de plusieurs dizaines de m3 par secondes, et ce en quelques minutes. Dans ce cas cela devient en effet compliqué car l’amphithéâtre doit se remplir d’eau très vite et surtout le chemin de retour se retrouve coupé car il faut passer par la rivière qui doit en effet devenir impraticable. Du coup le risque que ça parte en sucette doit devenir élevé entre ceux qui se retrouvent bloqués à devoir se réfugier comme ils peuvent dans les hauteurs (le bon choix) et ceux qui ont essayé de revenir sur leur pas et qui n’ont pas réussi à temps.
Bref, nous, on était dans un jour de beau temps, on est rentré tranquille et on a passé un super moment.
Mine de rien , il est 12 heures bien passé, et on voulait cet après-midi faire le tunnel de lave, situé à 40 minutes de route au nord. Noah y avait en plus repéré un food truck pizzeria en face qui avait donné l’eau à la bouche de tout le monde, donc tandis que Noah tombe dans un sommeil profond 40 secondes après être rentré dans la voiture, nous voici à refaire la route inverse, première étape, le food truck.
Malheureusement pour nous, les hawaiien facturent tellement cher la moindre bouffe ou boisson en bord de route, qu’ils travaillent un peu quand ils en ont envie et notre food truck s’avère fermé ce jour-là. On va donc finir dans le seul truc ouvert pas loin – franchement mauvais de chez mauvais– et à 50 dollars en plus. Un truc où ils vendent des beignets de crevettes plein de graisse. Mais bon on a quand même rigolé un peu à défaut de bien manger.
Bref , ce mauvais épisode culinaire passé, nous voici devant le tunnel de lave prêt à réparer la tristesse de ne pas avoir pu faire celui de Big Island pour cause d’activité volcanique.
Sauf que notre malédiction semble se poursuivre car le gars à l’entrée ne prend que du cash. Or le peu de cash que j’avais, je venais de le passer dans les beignets de crevette dégeu. On est au milieu de nulle part, à 25 minutes de Hana. Ca sent le sapin et Noah se met à bouder dans un coin quand il comprend qu’on n’a pas d’argent.
Heureusement pour nous, le gars qui est assez malin pour imposer le cash et faire tout au black a poussé le concept jusqu’au bout et fait installer dans son bureau un distributeur de billets !!! Heureusement que j’ai pensé à lui demander ! Nous voilà sauvés et le gars, sympa, décide d’offrir l’entrée à Noah.
Et voilà comment on finit tant bien que mal, munis de nos lampes de poche respectives à arpenter pendant 30 minutes dans un noir absolu les 600 mètres du tunnel de lave. Même s’il y a des panneaux pour expliquer, on ne comprend pas tout et comme il n’y a aucun éclairage autre que nos lampes torches, on a parfois du mal à voir ce qu’on devrait voir, obnubilés qu’on est à pointer avant tout les lampes torches vers le bas pour voir où on met les pieds.
Ce qu’on a compris : La dernière coulée date de 900 ans environ. Le tunnel s’est formé comme presque tous les tunnels de lave, de la même façon. D’abord c’est une rivière de lave, car à Hawaii la lave est très chaude et très fluide. La rivière de lave creuse son lit en faisant fondre la roche en-dessous et en l’emportant sur son passage. Les bords de coulée refroidissent plus vite et finissent par former un lit de lave solidifié. Quand la coulée de lave commence à se tarir, le flot de lave en surface qui est en contact de l’air et parfois de la pluie se met à refroidir plus vite et finit par se solidifier, isolant par là-même la lave en dessous qui de ce fait reste très chaude et donc toujours fluide. Lorsque l’activité volcanique se tarit, le flot de lave diminue jusqu’à s’arrêter totalement. La lave en fusion finit de s’écouler et il reste un tunnel.
A de nombreux endroits au plafond du tunnel de lave on voyait comme des incrustations de pépites d’or. Il s’avère que bien sûr cela n’en est pas, mais que ce sont en fait des organismes vivants qui sont les seules bactéries au monde à se nourrir de roche volcanique.
Rajoutons à cela que quelques insectes et vers ont fini par réussir à s’adapter et à survivre exclusivement dans un environnement dépourvu de végétation et de soleil et on se dit que la vie trouve des chemins pour se développer décidément vraiment partout.
Voila, la journée est bien avancée, on a décidé de retourner à l’hôtel se reposer. Virginie voulait aller à la red sand beach en contrebas de l’hôtel. Techniquement faisable, mais fortement déconseillée suite à l’effondrement d’une grosse partie du chemin.
On a finalement décidé qu’on en avait fait assez pour aujourd’hui et qu’avec la rando dans les pattes et mon bras en attelle ce n’était pas utile d’aller braver les falaises avec Noah.
On s’offre donc un petit moment de repos à la piscine de l’hôtel avant de retourner au restau d’hier soir, cette fois-ci au complet.
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