A destination dantesque, moyen de locomotion dantesque. Aujourd’hui c’est pas ravioli, c’est Laki.

Nous sommes le 8 juin 1783 et la plus grosse éruption du monde est sur le point d’avoir lieu. Tous l’appellent par facilité l’éruption du Laki, mais techniquement, il s’agit de celle du Grimsvôtn, situé au nord-est sous la calotte glaciaire du Vatnajökull qui va en être à l’origine. Plutôt que d’exploser sous la calotte glaciaire, la lave du Grimsvôtn va s’écouler sous terre pendant 8 mois via une fissure de 28 km le long de laquelle près de 140 cratères vont se former et éjecter la plus grande éruption lavique des temps modernes.

Incidemment, il est également appelé le volcan de la révolution, car l’éruption du Laki va obscurcir le ciel d’un tiers de l’humanité pendant des années, s’étalant des Etats-Unis à l’inde et la Chine. Il en résultera des baisses de température importantes, de très faibles récoltes, et une forte mortalité du bétail provoquant notamment d’énormes famines en Europe. Cette succession de famines est ainsi en partie à l’origine de la Révolution française, créant les conditions de désespoir et de révolte du peuple face à une monarchie incapable de prendre la mesure de la gravité de la situation.

En Islande, on estime que 80% du bétail et près de la moitié des Islandais mourut dans l’année du fait de l’éruption et de ses conséquences climatiques.

Donc ce qu’on va voir aujourd’hui, ce sont les Lakagigar, plus simplement appelés les cratères du Laki d’où jaillirent la lave. Et pour le faire sans se prendre la tête, on y va en SuperJeep. Quoi ? Pas de filp en traversant les gués de rivière ou en gravissant des côtes pleines de caillasses ? Et bien non, le laki en voiture cadenas c’est rarement possible en fait. Trop accidenté.

Rdv donc à 8h30 devant l’hôtel. La plus grande super jeep qu’on ait jamais prise vient nous chercher. Noah fait la taille de ses pneus et il faut 3 marches pour arriver en haut. C’est sûr qu’il galèrera moins que nous ces derniers jours.  Avoir la plus grosse n’est parait-il pas toujours le plus important (quoi qu’à mon avis cela soit propagé par ceux qui en ont une petite), mais là, force est de constater que ca va aider.

En revanche, on n’est pas seuls sur cette excursion à la journée. On va donc chercher 2 français et 2 suisses Allemands. Petit aparté sur le sujet, c’est le deuxième couple de suisse allemand exécrable en 3 jours. En même temps, dans Suisse-Allemand, il y a Suisse et Allemand. Fallait pas s’attendre à un miracle non plus.

On s’enfile donc un tout petit morceau de la route 1 et déjà on aperçoit des impacts de cette éruption titanesque alors qu’on est encore à plus de 60km de Ground 0. En effet entre la route 1 et la mer on distingue un paysage vallonné de petits cratères à perte de vue. Il s’agit en fait de pseudo cratères. La zone était avant probablement des marais. Lorsque la lave du Laki a atteint cet endroit elle a vaporisé la majeure partie de l’eau, mais pas toute l’eau ce qui fait qu’une partie de celle-ci s’est trouvée piégée sous la lave. Tandis que la lave se refroidissait, elle a continué à transformer les poches d’eau piégées dessous en vapeur d’eau jusqu’à ce que la pression devienne telle qu’elles explosent la lave refroidit au-dessus, créant des cratères. Et oui, on est donc face à des cratères liées à l’explosion de l’eau et non de la lave…

On bifurque vers l’intérieur des terres pour le Laki. 1h30 de route F pour atteindre la base de la montagne du Laki alors qu’il y a moins de 60 km. Le temps est radieux. Pas un nuage et c’est tant mieux car sinon c’est une excursion où globalement le guide t’explique que tu ne vois rien, ce qui arrive assez fréquemment au passage.

Il a très peu plu ces derniers jours dans le coin ce qui fait que les rivières sont asséchées. Le conducteur est moins excité de l’accélérateur que les autres au grand désespoir de Noah car les passages de gués ne se font pas à toute allure et n’envoient pas des gerbes d’eau monumentales. Mais Noah reste excité comme une puce quand même à chaque flaque. Je pense que son imaginaire carbure à plein des précédents voyages en SuperJeep. On apprendra après que le guide fait gaffe car avec le covid il y a eu une pénurie totale de ces pneus très particuliers qu’ils utilisent et doivent importer des US. Ils ont bouffé les derniers pneus il y a 10 jours donc il a à cœur de les préserver pour finir la saison.

Autre conséquence de la taille de la super Jeep, et des pneus très sous-gonflés, c’est qu’on sent beaucoup moins les graviers et autres roches qui parsèment la route (en dégonflant les pneus il augmente la surface des pneus en contact avec les cailloux ce qui absorbe les chocs), mais résultat c’est remplacé par un léger roulis qui commence à filer un peu mal au cœur à Virginie, et chose surprenante à Noah aussi.

Mais une fois que Virginie a pris Noah sur les genoux, ça va mieux et nous voilà désormais au pied de la montagne Laki a peu près en forme.

Pour rester dans les incongruités du lieu, la montagne Laki paradoxalement n’est pas issue de l’éruption volcanique. C’est en fait un volcan éteint depuis près de 10 000 ans qui, comme beaucoup de montagnes en Islande, provient de volcans de l’aire glacière qui se sont formés sous la calotte glacière sans devenir explosif (comprendre éruption qui vaporise des centaines de mètres d’épaisseur de glace créant un raz de marées dévastateur – charmant l’endroit -) Ils ont donc une forme bombée sans cratère visible et sont apparus avec le recul progressif de la glace à la fin de l’aire glacière.

L’idée c’est donc de gravir la montagne Laki (qui n’est pas un cratère du laki), pour pouvoir observer d’en haut la longue ligne formée des cratères du Laki (vous suivez ?).

Nos suisses allemands aimables comme des portes de prison se lancent tout de suite dans l’ascension. Viennent les 2 français (des papis – comme ils s’appellent eux même- plutôt sympas). Et nous, bons derniers, car on met toujours des plombes pour faire nos sacs.

Ce classement a néanmoins tôt fait de s’inverser car notre petit fauve part en trombe et 15 minutes plus tard on a dépassé tout le monde allégrement. (Vidéo à écouter avec le son. Noah papote pendant que je souffle comme un boeuf :). Ah, la vieillesse…)

De toute façon avec Noah c’est facile, plus ça monte, plus il gagne du terrain sur les autres car lui, il accélère dans les montées. Ca monte assez fort mais finalement comme souvent je m’en rendrais vraiment compte sur la descente quand elles font crisser mes vieilles articulations.

En moins de 45 minutes nous voilà donc tout en haut à contempler les cratères en plein soleil. Séance pause photos pour immortaliser tout cela.

Noah fait même une petit gigue pour narguer nos Suisse-allemands qui n’arrivent que maintenant au sommet.

Vu de haut on voit parfaitement la formation de ces derniers. Au moins à une vingtaine de kilomètres de là, le glacier Vatnajokull sous lequel se trouve le volcan responsable de ce carnage (désolé pour la périphrase mais ces noms sont résolument imprononçables et je suis fatigué de remonter dans les textes pour en retrouver l’orthographe).

On trace ensuite aisément du glacier une ligne droite qui va jusqu’à la montagne du Laki sur lequel on se trouve. On voit parfaitement la succession des cratères, qui reprennent ensuite dans la même ligne droite dans notre dos sur des dizaines de kilomètres.

L’autre caractéristique des cratères, c’est qu’ils sont recouverts d’une mousse verte/grise qu’on n’a presque jamais vu en Islande. Incapable de vous dire pourquoi elle est comme cela, mais elle fait ressortir les cratères du paysage et c’est vraiment très beau.

Après 20 minutes à profiter en haut, on redescend, puis on se rajoute une petit boucle de 15 minutes autour d’un cratère qu’on avait observé d’en haut avant de revenir pique-niquer pas loin de la voiture. Enfin quand je dis pique-nique c’est surtout pour Virginie et moi car Noah va trouver beaucoup plus drôle, en prenant le prétexte d’offrir du saucisson au guide d’en profiter pour se mettre au volant et de monter et sauter de la SuperJeep.

En tout cas, au Laki, ils sont très stricts sur les zones où l’on peut marcher à pied. Le moindre brin de mousse met 20 ans à sortir de terre et meure dès qu’on marche dessus donc on essaye de préserver le lieu.

On reprend la route à peine un petit quart d’heure, mais Noah s’endort illico presto tant et si bien que lorsqu’on arrive il dort à poings fermés.

Le guide propose qu’on y aille et il garde Noah entre temps. Il s’agit de marcher une petite heure pour aller voir le seul lac qui s‘est formé dans l’un des cratères du Laki. Comme ce n’est pas une boucle, le guide avait prévu de nous laisser là et nous récupérer 1h plus tard au point B.

On a quand même bien envie que Noah voit cela, alors on le sort de sa torpeur et pour une fois, au lieu de se mettre en mode marche, il se réveille exécrable.

Nos Suisse-allemands toujours aussi sympas sont partis devant, les Français aussi, tandis qu’on négocie avec sa seigneurerie Noah. On arrive à un compromis. Il vient si je le porte sur les épaules.

J’accepte en sachant très bien que dans 5 minutes je le poserai par terre et il faudra bien qu’il mette un pied devant l’autre. Le bon point de tout ce petit retard à l’allumage, c’est que lorsqu’on arrive au fameux cratère, on est seul au monde. Et c’est vrai que l’endroit est aussi inattendu que canon.

Noah aussi trouve cela très joli, d’autant que Virginie lui a réservé une surprise, des bonbons ! Alors ? C’est qui la plus chouette des mamans ?

La suite de la petite rando se déroulera dans les méandres d’un champ de lave, et on rattrapera nos 4 « compagnons » de journée juste avant la fin, ce qui permettra à Noah dans un dernier sprint sur les 100 derniers mètres de déposer tout le monde et de finir premier. Un Suisse-Allemand, ça mérite bien d’être dernier où bien ?

Sur le retour, on traverse le Sandar qui porte bien son nom car ça veut dire un truc du genre « morne paysage » en Islandais. C’est en effet un champ de lave totalement désertique assez monotone issu de l’explosion du Laki. Il a tôt fait d’avoir raison de nous, combiné au léger roulis de la SuperJeep, et on somnole pendant 1h jusqu’à arriver à la cascade Fagrifoss.

Celle-ci est assez inattendue car dans un paysage finalement ici assez peu montagneux, on la découvre au dernier moment à pied au détour d’un chemin alors qu’elle doit faire 70 mètres de haut. Il y a un gigantesque affaissement de plaque qui fait que c’est plat et puis tout d’un coup ça reprend plat, mais 70 mètres plus bas !

On clôture la journée sur un joli canyon du doux nom imprononçable de Fjadrargljufur qui aurait mérité d’être vu lorsque le soleil est au zénith tellement il est encaissé. Il y a quelques années, on pouvait le voir d’en bas, mais depuis c’est interdit et d’en haut en plus d’être moins impressionnant, il est surtout noir de monde (enfin pour l’Islande).

La faute à qui ? La faute à Bieber. Bieber ? Le chéri de Jennifer ? Mais non, Justin Bieber. Il y a 5 ans ce canyon était inconnu (je confirme on est passé par là en 2015 et on ne l’avait pas du tout repéré. Or Justin Bieber y a tourné un clip. Du coup des dizaines de milliers de fan ont accouru pour aller sur le lieu de sa « sainteté ». Les autorités ont dû construire les parkings pour accueillir tout ce monde, refaire des sentiers plus large (avant apparemment tu marchais sur les crètes du canyon qu’on aperçoit encore d’ailleurs, mais c’était un truc à avoir un mort par jour surtout que si tu es fan de Bieber c’est que tu n’es quand même pas bien malin). Bref ça a perdu le gros de son charme.

En plus de massacrer la musique, notre pauvre Justin s’est aussi occupé d’un très beau canyon…

Voilà, il est 17h30, on rentre. On aurait probablement pu en sacrifiant nos amortisseurs et nos pneus faire aujourd’hui le Laki dans notre Duster car le beau temps des derniers jours rendait les gués praticables. Mais cela relève apparemment de conditions exceptionnelles. Il a parlé de vague de chaleur (18 degrés c’est dire 😉 ). En tout cas, la majorité du temps, et plus particulièrement par temps pluvieux à part les Super Jeep, rien ne passe dans le coin dixit le guide.

On finit dans une pizzeria plutôt sympa qu’on avait repéré la veille. Allez, au dodo, pour changer la journée de demain s’annonce chargée en émotions.

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