Voila, il est 9h30, on n’a qu’une petite demie heure de retard théorique sur l’heure de départ qu’on s’était fixée hier. Les affaires sont dans le coffre, la maison est propre comme un sou neuf.
Il nous reste juste à dire au revoir à Garry et Ming et donner une pomme à Mickey. Mais comment dire au revoir en 10 minutes après avoir passé 3 semaines ensemble dans ce contexte si particulier ? Impossible bien sûr. On monte donc en voiture chez eux, et de la, naturellement, on papote un peu en haut, puis on prend la voiture pour traverser tout le ranch pour aller donner une pomme à Mickey, que Noah va comme d’habitude vouloir que je donne à sa place dans un énorme éclat de rire parce qu’il a un peu peur quand même.
Puis on reste un peu sur place pour voir Diego le Long Horn. En repartant, Garry qui a un peu la tête ailleurs, se fait rappeler à l’ordre par Noah qui lui rappelle de fermer l’enclos des vaches alors qu’il vient de dépasser la barrière à toute vitesse en oubliant de le faire.
Direction maintenant les « incredibles ». Comme ils sont un peu loin dans le champs, on va les voir avec des chips. Ils nous sautent littéralement dessus pour aller les chercher dans le paquet.
On va voir les autres moutons, on cherche un peu les chats puis on remonte pour aller dire au revoir à Ming. Sur l’application Air France, l’enregistrement ouvre dans 15 minutes, alors je me dis autant attendre pour qu’ils nous impriment les cartes, ce sera toujours un contact physique de moins à l’aéroport. On re papote, on dit au revoir à tous les chiens à grands coups de papouilles, puis finalement vient le moment des adieux.
Et l’humain étant un être sociable (je sais c’est ma marotte depuis quelques billets, moi qui ne suis quand même pas très sociable), tout le monde se fait des embrassades pour se dire au revoir, avec un petit Noah qui cette fois ne rate pas ses adieux en allant se jeter dans les jambes de Garry (lors de notre premier départ il y a presque 1 mois, il avait fait la tête et refusé de dire au revoir). Tant pis pour le virus. De toute façon s’ils l’ont ou si on l’a déjà, c’est impossible avec le temps qu’on a passé dans la voiturette ensemble et à papoter qu’on ne se le soit pas déjà refilé.
Voila, tout le monde a la larme à l’œil. L’ambiance est un peu lourde dans la voiture le temps de traverser une dernière fois le ranch, d’ouvrir et de refermer les 2 barrières. Il faut dire qu’on sait ce qu’on perd en partant et on sait aussi ce qui nous attend. Si tout se passe bien, dans 72h, modulo 2 000 km en voiture et 12 000 en avion, on sera de retour en France, et si possible, à Biarritz.
A la manière d’un Colombo, je lève le suspense insoutenable dès maintenant. On est à Biarritz ! Mais comme dans tout bon Columbo, la question n’est pas de savoir qu’on a réussi, mais comment et par quoi on n’en est passé pour y arriver.
Voici notre dernier récit en terre US sur ce voyage :
- Après avoir roulé plus de 8h en traversant 3 états confinés jusqu’à Las Vegas, mais sans déroger à notre sacro sainte règle de prendre du bon temps en visitant le horse shoe bend à Page (et vus en plein confinement une gamine de moins de 20 ans juste enceinte jusqu’aux dents faire sa séance photo devant le Horse shoe étant habillée en tout et pour tout – photo du bidou oblige – d’une culotte et d’une capeline à faire en rougir le petit chaperon rouge), Noah en est tombé par terre de rire) ;
- Après avoir traversé un Las Vegas dont les seules lumières de la ville visibles furent les gyrophares des voitures de Police stationnées à chaque carrefour pour protéger les coffres forts des casinos fermés (et oui la place de l’arc de triomphe vide se situe à Vegas, mais doit bien ressembler à celle de Paris en ce moment) ;
- Après avoir dormi dans un appartement trouvé par Bruno en ayant la difficile tache de savoir combien de lingettes utiliser pour s’assurer que celui-ci soit pour autant sans risque, sans pour autant vider notre maigre stock de lingettes qui seront nécessaires pour des endroits autrement plus problématiques ; et discuté avec Bruno venu gentiment nous voir, tout en restant à 5 mètres les uns des autres alors qu’on ne s’était pas vu depuis au moins 25 ans ;
- Après avoir passé une quasi nuit blanche à dormir tous les 3 dans le même lit à cause d’un Noah qui s’est tortillé entre minuit et 4 heures avant qu’on ne comprenne que ce n’était pas de l’excitation mais juste qu’il avait envie de faire pipi et pour une raison obscure n’y a pas été spontanément ; puis un réveil horrible à 6h15 pour pouvoir partir à 7h et enquiller 5h de route jusqu’à Las Vegas dont une bonne partie s’est avérée être sous une tempête tropicale doublée d’un brouillard digne de San Francisco qui nous fera passer à travers 4 accidents de voiture en moins de 50 kilomètres ;
- Après avoir fait faire pipi à Noah dans la rue au milieu de Los Angeles pour éviter les toilettes publiques (jusque là, rien d’anormal), mais plus rare, vu Virginie en faire de même (désolé, on n’a pas dit que ce qui se passait à L.A restait à L.A) ;
- Après avoir mangé dans la voiture un casse croute confiné dans le parking d‘un quartier pourri de L.A près de l’aéroport ;
- Après avoir laissé notre voiture chez Hertz sans jamais croiser personne (juste un panneau laissez la voiture avec les clés dessus) ce qui fait d’ailleurs qu’à date, soit plus de 4 jours après, ils considèrent visiblement toujours qu’on n’a pas rendu la voiture et continuent de me facturer des journées malgré mes appels. Allô, y a-t-il encore quelqu’un de vivant à l’aéroport de Los Angeles ou chez Hertz !! ;
- Après avoir pris un bus Hertz totalement vide pour le terminal international de l’aéroport (nous étions les seuls dans le bus, séparés par un cordon de sécurité nous empêchant d’approcher à moins de 3 mètres du conducteur, lui-même ganté et masqué ;
- Après avoir déboulé dans un aéroport international aussi désespéremment vide que le bus (seuls 3 vols partaient ce jour là) à croiser du personnel d’aéroport en tenue d’hôpital faisant penser aux scènes de Virus avec Dustin Hoffman ;
- Après s’être rendu compte à la porte d’embarquement de notre vol qu’on était arrivé jusque la sans même avoir franchi la douane ou montré nos passeports pour quitter le territoire américain mais avec des cartes d’embarquement illisibles trempées par les multiples couches de gel désinfectant reçues après chaque présentation de billet ;
- Après avoir vu que la majorité des passagers de notre vol étaient des asiatiques en combinaison intégrale (protection de chaussures, combinaison intégrale d’hôpital blanche par-dessus les vétements, masque, lunettes de protection et gants) ce qui est à la fois rassurant sur le peu de risque qu’ils nous transmettent le virus, et tout aussi inquiétant de voir comment les pays asiatiques se protègent pendant que l’on dit en France que le masque n’est pas nécessaire, voir non recommandé (bon, ok ne soyons pas dupes, le masque est une mauvaise idée parce que comme personne n’en a, le gouvernement aurait l’air con de dire que c’est indispensable mais qu’ils ont juste aucun stock 1 mois après le début de la crise) ;
- Après être rentrés dans l’avion pour se rendre compte que la business qu’on avait pris pour être plus espacés et donc moins à risque, étaient en fait pleine, tandis que la premium eco et l’éco étaient vides ce qui rendait probablement la place business la moins sûre de l’avion (Tout le monde avait du faire le même raisonnement et cassé sa tirelire);
- Après avoir cramé nos dernières lingettes pour nettoyer nos sièges pour se rendre compte que dès le premier passage, elles ressortaient noires (merci Air France); et avoir eu le plaisir en regardant nos écrans de télé de voir que mon siège et celui de Noah avaient été occupés par des italiens (pays le plus touché d’Europe), tandis que Virginie, elle, découvrait avec résignation que le menu de son écran de télé était en chinois ;
- Après avoir passé une nuit blanche dans l’avion (pour être honnête j’ai quand même dormi les 2 dernières heures) parce que Noah – qui cela a dit en passant a été un petit champion en acceptant de garder pendant 14h un masque alors qu’il enlève d’habitude ses lunettes après 4 minutes – a eu comme corollaire qu’il ne voulait pas dormir et préférait voir des dessins animés. Oui bon ben ça va, le truc des écrans avec les enfants en bas âge. On jouait notre survie quand même ! Ca méritait bien une entorse au reglement ;
- Après être arrivés à Charles de Gaulle dans un aéroport encore plus vide que celui de L.A. (le seul autre vol de la journée à part le notre ce jour là était en provenance de Beyrouth) ;
- Après avoir vécu un condensé en 1h de tout le « brio à la française » à savoir un document dans l’avion d’autorisation de déplacement sur le territoire moitié en français, moitié en anglais et de toute façon incompréhensible pour le commun des mortels au point que je n’avais pas la moindre idée de la case à cocher nous concernant ; puis découvert que malgré tout ce qu’on dit sur le coronavirus, la douanière te prend les passeports sans porter de gants ou de masque et en te parlant la bouche bien ouverte à 40 centimètres de ta tête après t’avoir préalablement demandé d’enlever ton masque (un peu plus et elle claquait la bise à Noah parce qu’il était choupinet) ; que chez Avis, ils sont 5 au comptoir alors que je devais être la seule location de la journée, la aussi sans gants, sans masques et en se parlant bien les uns contre les autres avant de te donner une voiture clairement pas nettoyée, un siège auto qu’elle sort d’un bac à ordures à l’extérieur – avant de se raviser et de te tendre gentiment une housse crado dans ses mains toutes sales qui est parti direct à la poubelle une fois qu’elle avait tourné le dos ;
- Après avoir traversé la France en croisant probablement moins de 20 voitures sur 800km, mais avec une tripoptée de camions qui heureusement assurent le service pour acheminer les produits dans l’hexagone ;
- Après avoir prévenu Virginie, copilote d’un jour, qu’il ne fallait surtout pas se tromper à la sortie de Roissy pour suivre l’itinéraire permettant d’éviter de repasser par Paris et d’augmenter les barrages de flics… et avoir vu Virginie se planter au 3ème embranchement nous faisant finir in extremis en pleine banlieue pour éviter d’entrer sur le périphérique (quand je vous disais que pour la paix des ménages, le duo gagnant c’est Virginie qui conduit et moi qui guide) ;
- Après avoir flippé sur les fameux barrages de police risquant de nous dérouter sur notre logement parisien pour découvrir qu’on ne croisera finalement aucun flic avant la rocade de Bordeaux, soit 650 Km après notre départ de Paris, Policier qui s’est trouvé on ne peut plus compréhensif en 30 secondes après que je lui ai montré l’attestation en fran-glais incompréhensible et nos cartes d’embarquement délavées par la montagne de gel désinfectant qu’on avait mis dessus à chaque passage ;
(Petit rajout ce 3 juillet : et pris une contravention et un retrait de 1 point sur son permis pour avoir dépassé de 2km/h la limite de vitesse !!!)
- Après avoir vu Noah sombrer à Orléans – juste après avoir offert un bouquet de fleurs à sa maman sur une aire d’autoroute – pour se réveiller… à Biarritz ce qui m’a permis de rouler 7h d’affilée peinard sans alterner avec Virginie. Vous n’allez pas le croire mais après ces 2 derniers jours, j’étais frais comme un gardon pour faire ce dernier trajet. Le corps humain est épatant ;
- Enfin, après avoir orchestré avec Laurent et Joana un changement de voiture milimétré à la gare de Biarritz pour rendre la bagnole de location et repartir avec l’Espace, et avoir discuté 10 minutes sur le parking à 10m les uns des autres, avant de finir la discussion à la fenêtre, distance de sécurité oblige ;
On est finalement arrivés à Biarritz, 65h après notre départ du Ranch..
Un peu trop tôt pour dire que le plan s’est déroulé entièrement sans accroc. On saura vraiment dans 10 jours si on a ramené le Coronavirus Chinois dans les bagages ou pas, et si ce n’est pas le cas, on fêtera cela au champagne comme il se doit (quoi que mon petit doigt me dit que si on le chope, et qu’on n’est pas obligé de passer par la case hôpital, on sera plus tranquille pour reprendre notre périple si une compagnie aérienne est encore debout à ce moment là)..
Enfin, Il ne m’est pas possible de ne pas finir ce billet sans vous demander de vous lever et de faire une standing ovation pour Noah.
Non, je ne dis pas cela parce que je suis un papa gâteau – enfin si, je le suis ca n’aura échappé à personne -, mais là c’est vraiment mérité.
Noah, si tu nous relis dans 10, 20, 30 ans, tes parents ne sont pas peu fiers de toi. Ces derniers jours avant de partir, tu étais super mignon comme d’habitude, mais tu n’écoutais franchement pas grand chose ; mais tu as su être parfait au moment où on en avait vraiment besoin.
Je ne connais pas beaucoup d’enfants qui à tout juste 4 ans ont compris avec une telle justesse l’importance de nous apporter la sérénité dont on avait besoin durant cette épopée qu’a été notre retour.
Tu as su rester sage et te raconter tes petites histoires dans ton petit monde pendant les plus de 20h de voiture qu’on a fait en 2 jours, accepté de manger trois fois rien pendant ce temps, partagé ta joie de vivre habituelle, et dormi aux moments ou l’on avait besoin d’être concentrés.
Tu as accepté de mettre un masque pendant 14h d’affilée dans les 2 aéroports et dans l’avion sans l’enlever une seule fois et sans te toucher le visage et ce, malgré la gène évidente que cela t’a occasionné pour dormir – bon ok tu n’as pas dormi.
Tu as su garder tes distances durant tout le trajet, ne pas t’énerver et ne pas nous distraire de notre principal objectif de ramener tout le monde à la maison en bonne santé (croisons les doigts là-dessus).
Alors, tu as gagné le droit de mettre ton empreinte, comme dans le film Arlo que tu aimes tant, en témoignage de ta contribution pour la famille. Tu es officiellement membre de la famille des Coatis.
Tu ne poseras pas ton empreinte sur le silo à grains comme dans le film, mais sur la pierre de la rhune en forme de cœur que Laurent a posé en mémoire de papi Georges sous l’eucalyptus ou nous avons mis ses cendres.
Alors comme disait Papi Georges (et un petit ajout que vous saurez tous reconnaître) : BRAVO, tu es un BARTOLI – LARHER
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