Second jour au Landmanalaugar. A nouveau 54 km de piste pour rejoindre le campement et attaquer notre journée de rando. On a beau repasser par la même route, on ne peut s’empêcher de rephotographier sous une différente lumière cette montagne noire aux stries dorées.

Arrivés sur place, la routine se met en place. Je m’occupe des fringues, Virginie du ravitaillement en piochant dans le coffre dans les différents sacs à provision (sucré, salé, périssable…), Noah se précipite à son poste d’observation pour voir les 4×4 et autres Super Jeep se jeter à l’assaut du dernier gué de rivière avant le campement. A chaque franchissement réussi, Noah est en transe.

Tout le monde est en forme, les petits Prince sont cette fois bien dans le sac à dos, il ne fait pas beau mais il ne pleut pas. Est-ce un temps raisonnable pour faire la rando à la journée du Skalli de 15 km indiqué entre 6h30 et 8h30 de marche et considérée comme la plus difficile du secteur (niveau 3 sur 3) ? Probablement pas, mais on ne tergiverse pas cette fois et on décide d’y aller. allez on y croit !

On aurait bien aimé comprendre si la difficulté relevait de la longueur de la rando, du dénivelé ou de la présence de passages escarpés, mais le texte anglais et sa traduction française ne disant pas la même chose, on est un peu dans le flou. Sur une autre carte je vois 4 zones du parcours identifiée en rouge, donc on verra quand on arrivera à la première zone la tête que cela à. Ca donnera le ton.

On décide de faire l’impasse sur le point info vu l’expérience de la veille et qui en plus est full ce matin suite à l’arrivée d’un car en provenance de Reykjavik qui déverse son lot de randonneurs.

Il est 11h. Pour éviter de se traîner un groupe qui choisi pile poil ta rando et va au même rythme que toi alors qu’il n’y a vraiment personne dans le coin sinon, on démarre tout de suite. Le départ du Skalli se fait en traversant le campement ce qui donne l’occasion à Noah de scruter partout à la recherche de sa petite copine de la veille, mais sans succès. Une fois sorti du camp, on longe la montagne de cendre noire et grise du « mordor », de son vrai nom « Blahnukur », et un pan de montagne vert/gris des plus surprenants avant de couper à travers plaine.

Au loin, on distingue un premier couple de randonneurs qui commence à gravir un raidillon, et un autre couple un peu plus loin qui est déjà à mi-hauteur. Ca donne une idée de la direction vu que c’est la seule rando qui part dans ce coin du Landmanalaugar.

D’emblée Noah me demande de lui raconter la suite de l’histoire de Starwars. Tant qu’il est captivé, il marche, donc ça me va. Je me lance sur l’épisode V, celui de la rencontre de Luke avec Yoda. Ca fait la maille et on a tôt fait de traverser la plaine.

Au moment d’attaquer la première ascension on tombe sur un panneau indiquant notre rando du jour, par terre en morceaux. J’espère que ce n’est pas de mauvaise augure d’autant qu’immédiatement derrière on se retrouve à gravir une montée à 40 degrés, dans de la terre rouge qui ne demande qu’à se changer en boue aux premières gouttes. Là il ne pleut pas, mais pour le reste de la journée c’est moins sûr. Et bien sûr toujours un ravin sur le côté sinon c’est pas drôle.

Vu comment ça grimpe, je me demande comment il fait pour attaquer la pente de face. Son genou monte quasiment au niveau du sternum à chaque enjambée. Mais comme il découvre l’histoire de Yoda aux grandes oreilles, il monte ça comme si de rien pendant que je me mets à souffler comme un bœuf.

Après une centaine de mètres de dénivelés comme cela on arrive à un premier plat qui domine la vallée et le campement au loin. Je vérifie sur la carte, c’est bien la première portion rouge. Les 3 étoiles, ce n’est peut-être pas que la longueur de la rando du coup.

On reprend à flanc de falaise et j’ai déjà un peu le vertige. J’imagine tout à l’heure quand on s’attaquera au Skalli…. Le temps est incertain et on voit au loin les premiers signes de pluie sur les massifs environnants. Sur plus de 6 heures de marche ce serait un miracle qu’on ne se prenne pas de la flotte sur la figure à un moment ou à un autre.

Contrairement à ce qu’on pensait, on est totalement seuls au monde. De là ou on est, on voit le campement et pas une personne parmi la cinquantaine de randonneurs qui étaient sur le site n’a pris cette randonnée aujourd’hui. Pas sûr que ce soit une bonne nouvelle…

Du coup, entre le mauvais temps et l’absence de monde, changement de braquet. Même s’ils sont assez loin, je propose à Virginie qu’on se rapproche du couple qui était devant. C’est pas gagné car ils avaient au moins 20 min d‘avance et il est difficile de savoir à quel rythme ils vont vraiment avec tout ce dénivelé, mais ce serait mieux de garder au moins en vue des randonneurs si ça se gâte et qu’il se passe quoi que ce soit.

Noah entre temps a trouvé un caillou qui devient aussitôt un vaisseau spatial et nous explique que celui-ci le tire dans les montées, puis que ses batteries se déchargent, qu’il est tout raplapla mais qu’après il peut repartir. « oh la il a 50% de batterie », « Maintenant 40% ». L’astuce ça va être d’utiliser le vaisseau sans que le vaisseau tombe à 0% et que ça deviennent l’excuse pour une pause Petit Prince incompatible avec le fait de rattraper le couple devant.

Tout en continuant à raconter Starwars, on lui propose l’objectif de rattraper les randonneurs qu’on aperçoit au loin en mode défi. Ca le stimule et on accélère le rythme. En même temps, je lui propose si d’aventure le vaisseau tombait à 0% de le mettre dans ma poche pour qu’il se recharge tant que Noah est à 1000%.

1h plus tard, on en est déjà à 2 sommets de monté et on va s’attaquer après une légère pente à l’ascension du volcan Skalli le tout sans quasiment jamais s’être arrêtés ce qui fait qu’on a rattrapé une partie de notre distance avec le premier couple.

Le Skalli c’est une autre paire de manche. Il doit y avoir facile 300 mètres de dénivelé. Le chemin qui permet de grimper à flanc de volcan ne permet pas de marcher à deux de front.  et il est tracé dans une pente à 45 degrés faite de petite caillasse qui ne demande qu’à dégringoler quelques centaines de mètres plus bas.

Bonjour le vertige et le stress ! Je fais marcher Noah sur le chemin et moi je lui tiens la main de derrière. Je me casse le dos. J’essaye un temps de me mettre en surplomb dans la pente en lui tenant la main mais en fait c’est trop casse-gueule.

Comme je continue à lui raconter des histoires pour l’instant tout va bien. Puis tout d’un coup à mi-ascension, Yoda le saoule. Il veut une histoire de robots, mais uniquement avec R2D2 et C3PO et que ce soit moi qui invente l’histoire. Pour en être sûr, dès que j’introduis un personnage qui n’est pas un robot, il me rappelle à l’ordre.

Et me voilà à inventer une histoire où R2D2 et CS03 sont en vacances sur une planète. Au moment de repartir C3PO qui gardait l’argent pour les deux se rend compte qu’il s’est fait voler et qu’ils ne peuvent plus repartir. Pour se renflouer, ils ont l’idée de faire une partie de poker. R2D2 est un super compteur de cartes donc ils finissent par battre le super robot rose à 8 yeux et avoir assez d’argent pour rentrer. Mais les 2 robots se disputent car R2D2 ne veut pas tricher au poker en comptant les cartes au-delà de l’argent nécessaire pour acheter son billet de retour. Il quitte la table avec sa mise mais C3PO s’entête et perd tout son argent. Ils décident de se refaire au tournoi mondial de la Bonne Paye, mais alors qu’ils sont en train de gagner les sbires du robot rose les embarquent et les mettent en prison au sous-sol d’une usine. Ils réussissent à s’enfuir mais il reste une dernière porte que R2D2 n’arrive pas à ouvrir. Heureusement les ouvriers Bengalore arrivent et comme C3PO sait parler Benglaore, l’esprit de clan prévaut et ils acceptent de leur ouvrir la porte. Alors qu’ils s’enfuient vers l’astroport avec l’argent de la bonne paye que R2D2 avait subtilisé, des affichent montrent qu’ils sont recherchés. Ils se déguisent et embarquent incognito vers une planète qui organise un festival de musique. R2D2 fait promettre à C3PO de rester dans la chambre d’hôtel et de ne plus faire de bêtises, mais évidemment dès qu’il a le dos tourné, il s’enfuit par la fenêtre pour aller au festival. R2D2 le retrouvera dans la loge de DaftPunk qui a un gros rhume et cherche à convaincre C3PO de mettre un casque et de se peindre en couleur argenté et de faire le concert à sa place… Bien évidemment toute situation en rapport avec des éléments de nos premiers jours en Islande est totalement fortuite 😉

Grâce à cela, il monte super bien le Skalli avec un excellent rythme et moi ça m’évite de trop penser à mon vertige. Mais arrivé aux ¾ de l’ascension, je le vois se tenir le genou et il me dit qu’il a un peu mal au genou et au dos. En fait, il fait de telles grandes enjambées depuis le début de la rando qu’il se penche trop et se fait mal. On est en plein dans la pente, là où s’est à la fois le plus raide pour monter et le plus pentu en travers. Je décide de le porter dans mes bras ce qui le ravit, mais négocie de pouvoir interrompre l’histoire tant que je le porte. Si en plus je dois papoter ca doit faire beaucoup.

15 minutes plus tard on a fait le tour du volcan et on a passé la deuxième zone rouge sur la carte. On a même dépassé le premier couple de randonneurs. Ca tombe bien car le temps est toujours menaçant et je ne vois pas bien comment on aurait passé ce passage s’il s’était mis à pleuvoir.

On est parti depuis 2h et on a déjà dû faire 7-8 km. On est partagé entre ralentir un peu le rythme maintenant qu’on n’est plus totalement seul,  ou poursuivre pour échapper au mauvais temps avant d’atteindre les deux zones rouges qui sont à mon avis dans la descente.

Noah n’a pas l’air fatigué, n’a pas faim et surtout veut la suite de Daft punk. On tire ainsi jusqu’à 14h après avoir longé la crête, être passés dans des névés où Noah continue inlassablement à tracer des chemins énigmatiques dans la roche ou la neige. Tout autour de nous, les glaciers nous entourent.

On décide de s’arrêter peu après le second couple de randonneurs qui vient de s’arrêter pour casser la croute. On est près d’un petit ruisseau avec des mousses fluorescentes tout autour. On n’est pas bien, là, à la fraiche ? Décontracté…

Noah le plus sérieusement du monde indique à Virginie qu’elle peut se mettre en cuisine sur ce rocher pendant que nous deux on va se reposer au bord de la rivière un peu plus loin…. No comment. Par reposer, comprendre Noah va sauter au-dessus des petits ruisseaux jusqu’à finir par mettre un pied dedans. Après s’être fait disputer, il revient penaud et grignote à peine un demi-morceau de pain et 3 frites avant de retourner jouer.

Comment il fait pour marcher comme cela sans manger, boire ou se reposer reste un mystère… Toujours est-il qu’après 4h de route, avoir gravi 3 sommets dont le Skalli, marchés dans la neige etc… on retombe sur le sentier rouge du trek du Landmanalaugar et donc on se remet à croiser du monde dont une cordée de gens partis probablement pour faire le trek. Noah a un coup de mou à ce moment là et je le mets sur mes épaules pendant 10 minutes le temps qu’il recharge les batteries.

Un coup d’œil à la carte et il semblerait qu’il ne reste techniquement que 3km avant de retourner au camp. D’ailleurs on arrive sur la petite aire géothermale de la veille où on avait pris le chemin rouge qui était plus long au lieu de descendre par le chemin Orange du Granenagil. 15 km de rando pour la journée, c’est amplement suffisant, inutile de tirer sur la corde, donc va pour le Graneagli.

Et là, petite baisse de concentration et sans trop savoir comment c’est possible, on fait l’erreur du débutant. Après 12 bornes de petit chemin ou il était rare de pouvoir marcher à deux de fronts, on s’engouffre avec bonheur dans ce qui nous semble être l’allée royale où l’on pouvait limite conduire une manifestation de gilets jaunes. 100 mètres plus loin, l’allée se rétrécit et on retrouve un petit chemin d’une largeur d’homme qui serpente dans un champ de lave. Ca ne m’étonne pas plus que ça vu que j’avais vu sur une carte que la fin de la randonnée se faisait justement à travers un champ de lave.

On continue à papoter avec Noah dans ce dédale pendant 15 minutes et on commence un peu à s’étonner de ne croiser absolument personne alors qu’on se rapproche théoriquement du campement. A deux- trois reprises on perd un peu de vu le chemin mais à chaque fois on finit par le retrouver. Et puis tout d’un coup, Virginie se rend compte que ca fait quand même longtemps qu’on n’a pas vu un piquet orange. D’ailleurs ca fait très longtemps qu’on n’a pas vu de piquet du tout et c’est d’autant plus étrange que depuis 2 jours qu’on randonne ici c’est toujours super bien balisé et qu’on est censé être à moins de 2 km du campement.

Mais on n’est pas trop sur du truc non plus parce que le chemin est unique et que les piquets sont quand même plutôt faits d’habitude pour t’éviter de sortir de route. Je propose à Virginie de partir un peu devant vu que tout le monde fatigue et que le temps vire à la pluie. J’accélère le pas et continue 4 – 5 minutes sauf que je n’arrive toujours pas à savoir si on est sur le bon chemin ou non.

Le GPS n’est pas d’une grande aide car ca capte mal et je sais qu’il n’est pas précis. J’ai quand même l’impression qu’on dérive vers l’ouest par rapport au campement, mais sans certitude.

Et on a aucun point de repère dans ce labyrinthe car on ne voit jamais à plus de 15 mètres et on ne fait que serpenter. Tant et si bien qu’on pourrait tout à fait être en train de tourner en rond sans le savoir. Tout au plus on distingue de temps en temps quand on remonte un peu les sommets qui nous permettent de nous orienter, mais impossible dans cette lave où la roche est particulièrement acérée d’escalader quoi que ce soit pour essayer de trouver un point de vue.

Au bout d’un moment le chemin disparait totalement, et je crois deviner qu’il reprend une dizaine de mètres plus loin, mais la trace est de moins en moins facile à suivre.

A ce moment-là, cela fait bien 30 minutes qu’on marche. Impossible de savoir si au prochain virage on va arriver ou si on est en train de se perdre totalement. Une chose me semble certaine, c’est que si on perd la trace du chemin c’est un truc à rester perdu des heures dans le champ de lave.

En plus jusqu’à maintenant quand on perdait la trace on finissait par la trouver une dizaine de mètres plus loin, mais rien ne dit que dans le sens inverse, selon la déclivité on puisse le retrouver aussi facilement. Je propose donc à Virginie de revenir sur nos pas. Tant pis si on a perdu 30 minutes et donc si on a à nouveau 30 minutes à faire dans l’autre sens. C’est plus prudent que de risquer de se perdre, surtout que quelques gouttes commencent à tomber.

Virginie n’est pas trop chaude pour revenir, Noah est fatigué et la perspective de rajouter 1h au trajet ne l’enchante pas. Et puis Noah, il veut mettre de l’énergie dans les boucles, surement pas pour revenir en arrière. En même temps la situation et l’environnement deviennent franchement oppressant.

Du coup tout le monde finit par accepter et je prends Noah sur les épaules pour rentrer plus vite.

Et bien nous en prendra, car en effet le chemin n’en était pas un et pour avoir le lendemain sur une autre rando pu voir d’en haut où on était, c’était un truc à se perdre jusqu’à la nuit si on avait perdu la trace du chemin. (Vous voyez le grand champ de lave noir en dessous ? Et bien on était quelque part en plein milieu !)

Alors qu’on se rapproche de l’aire de géothermie on tombe sur 2 américains qui viennent vers nous. L’un des gars est nain. J’ai honte d’avouer que j’avais l’image de passe-partout en tête. Un moment je me dis qu’on a peut-être rebroussé chemin pour rien, puis on échange et eux aussi étaient perplexe sur le fait qu’ils étaient sur le bon chemin car ils ne voyaient plus de signalisation.

On décide tous ensemble de revenir jusqu’à l’air de géothermie qui selon eux est toute proche histoire d’en avoir le cœur net ; et en effet arrivés là-bas on comprend que les piquets orange étaient bizarrement indiqués et qu’attirés par la grande allée on a tous raté le petit cheminou qui partait lui aussi vers le champ de lave mais pas du tout là où on l’attendait.

On vient donc de se rajouter pas loin de 4 km au compteur d’une randonnée qui en comptait déjà 15 et il nous reste donc 3 kilomètres à faire. Peu après il se met à pleuvoir des cordes. On a juste le temps de mettre les k-ways mais pas les pantalons de pluie. On est déjà trempés donc c’est un peu trop tard pour ça. Je prends Noah sur les épaules à nouveau et on finira les 2 derniers kilomètres comme cela.

Arrivés au camp on se récompense avec un petit coca et on note qu’on a bouclé 15 + 4 kilomètres en 6h pour une rando de 15km de difficulté 3 qui se fait normalement en 6h30 à 8h30. C’est balo, si on ne s’était pas gourré, on bouclait la rando en 5h et sans prendre la moindre goutte sur la tête.

Tout est bien qui finit bien. Il nous reste une heure de route pour rentrer à notre « palace » et on autorise Noah à se voir un dessin animé pour le récompenser de sa journée.

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