L’homme est un animal sociable, très sociable même. C’est sûrement ce qui rend si difficile de contenir le développement du Coronavirus. On en fait l’expérience tous les 2-3 jours depuis qu’on est au ranch. Et aujourd’hui est un de ces jours.
Hier Garry nous avait gentiment proposé de nous emmener aujourd’hui en ballade à Montezuma. Toujours partants pour se dégourdir les pattes, on s’était donné rendez-vous vers 10h30, munis de notre pique-nique, pour se suivre en voiture.
Déjà, pour illustrer mon propos sur la sociabilité de l’être humain, c’est qu’avec quelqu’un sympathique qui t’accueille chez lui, te rend service, te proposes des compléments alimentaires et que tu côtoies quotidiennement, il est difficile de maintenir une barrière stricte lorsque tu parles, que tu te donnes des objets, ou que tu ouvres des portes. On peut dire ce que l’on veut, on est cablé pour percevoir comme une forme d’agression une personne qui se mettrait à nettoyer devant toi un objet que tu viens de lui tendre, ou à passer une lingette sur le tableau de bord ou le siège de la voiture lorsque tu l’invite à s’asseoir dedans.
Du coup, le confinement strict devient moins strict et on fini par considérer comme acquis que la personne proche avec qui tu vis n’es donc pas contaminé, sinon tu te mets à psychoter grave sur les 25 occasions de la journée de t’être transmis le virus. On fait donc attention quand même – et lui aussi – mais on accepte tacitement cette petite prise de risque au motif, précisément, de l’humanité.
Jusqu’à maintenant, quand on part avec Garry, on part juste lui et nous. Pourtant dans le ranch, il y a une autre famille de Denver avec 2 enfants de 5 et 8 ans qui sont arrivés il y a une bonne dizaine de jours pour se mettre au vert au moment du confinement de leur ville. On avait discuté avec eux à leur arrivée en anglant poliment notre souhait de ne pas voir les enfants jouer ensembles, sur le fait qu’on pouvait tout à fait avoir attrapé le virus lors des derniers jours passés à aller d’hôtels en hôtels et de restaurants en restaurants et qu’on ne voulait pas le leur refiler. Le sempiternel motif de rupture usé jusqu’à la corde du « ce n’est pas toi, c’est moi» qui veut dire, « non c’est bien toi le problème », appliqué ici au Coronavirus.
Bref, après 48h où l’on avait eu les pires difficultés à ne pas se croiser, et les enfants à ne pas se rapprocher les uns des autres, on ne les avait plus vus du tout.
Mais à la façon dont Garry en avait parlé la veille, je soupçonnais qu’il n’était pas impossible que la famille soit de la partie sur cette ballade. Ce n’était pas absurde. Après tout, pourquoi Garry ne ferait-il des trucs qu’avec nous depuis le début et pas avec eux ? La politesse sociale m’avait poussé à ne pas lui demander si c’était le cas – me voyant mal lui dire dans le cas d’une réponse affirmative que c’était eux ou nous. Sachant que la aussi, autre poncif amoureux, quand tu te retrouves avec un ultimatum du genre « c’est elle ou moi » , généralement la réponse devient « elle ».
A 10h30, alors que Noah prend dans son sac à dos les indispensables – selon Noah – de la ballade (papier, voitures, Légo…) ainsi que des branchages (on ne sait jamais), Garry vient nous chercher et nous propose qu’on se suive en voiture.
On s‘arrête au milieu du ranch et en effet voila notre famille de Denver en train de faire leurs préparatifs pour partir aussi. A leur tête, ils sont visiblement aussi surpris – et aussi gênés que nous – qu’on parte tous ensemble. Après, ca fait plus de 10 jours qu’on est tous confinés, donc le risque est mesuré.
Nous voila donc partis pour Montezuma. Garry et Ming, dans la voiture de tête. Les deux ont parcouru ce parc en long et en large à la recherche de Rock art (pétroglyphes) et de ruines. Virginie est habillée pour l’occasion en oiseau de paradis.
Ici, rien d’indiqué, ce sont des terres appartenant à l’état, donc on s’arrête sur le bas côté et on fait une courte marche en traçant notre chemin vers une hauteur où Garry y a trouvé il y a quelques années un rocher avec de jolis pétroglyphes.
Le contact entre enfants est inexorable. L’un des petits ramasse un caillou et le tend gentiment à Noah. Difficile là aussi d’empêcher ce type d’interactions. Cette paranoïa est un peu usante. A chaque fois on nettoie la main, le caillou, etc.. mais sans montrer qu’on le fait pour ne pas vexer, mais après depuis le temps qu’on est tous confinés dans le ranch ca devrait aller. Il vaut mieux d’ailleurs parce qu’au milieu du pique nique, pendant 20 minutes tout le monde reste chacun de son côté – miracle – et en 20 secondes d’inattention collective, on les retrouve tous les 3 à jouer avec des bouts de bois en forme de pistolets et à multiplier les « pan, pan » à 2 mètres les uns des autres à grands coups de postillons. Voilà, ca c’est fait. Si l’un est malade tout le monde l’est désormais. On peut se détendre maintenant. Je dois dire que c’est presque un soulagement.
Je reprends le cours chronologique de notre histoire. On s’arrête dans un canyon beaucoup plus verdoyant, et pour cause, car au milieu coule une rivière. On se met à nouveau sur le bas côté et on se met à escalader l’une des parois du canyon pour voir d’autres pétroglyphes. Noah au début préfère rester dans la voiture à jouer avec les autres enfants qui ne veulent pas monter, puis au bout d’un moment se décide à nous rejoindre vers le premier pan de mur où de nombreux animaux ont été dessinés.
Pour le second mur en revanche qui nécessite de longer préalablement le bord de la falaise, il est moins motivé. Sur ce mur je vois un premier rond dessiné qui ressemble selon ce qu’on veut bien y voir, à une méduse, une soucoupe volante, ou juste un rond. Je sors une pièce de monnaie que je cache sous une petite pierre à la verticale du rond et appelle Noah en lui expliquant qu’il y a peut-être des trésors ici. « Ah bon, il y a des pièces d’or ? ». Je ne sais pas, peut-être des pièces d’argent. Tu vois lui dis-je, les gens ont dessiné une carte au trésor sur le mur. Là c’est la forme d’une pièce donc ca veut dire qu’à côté, il y a sûrement une pièce cachée. Noah se met à fouiller le sol de ses petites mains et finit par tomber, triomphant, sur la pièce d’argent.
Il se retourne pour regarder à nouveau les pétroglyphes et me dit « regarde, il y a d’autres pièces ». Mince, je n’avais pas vu, mais en effet sur le côté il y a 2 autres ronds dessinés. Heureusement qu’il me reste quelques pièces dans ma poche. J’en profite pour en cacher 2 de plus sous un petit monticule pendant qu’il regarde ailleurs et l’invite à chercher les autres pièces. Il se remet à creuser de ses petites mains et fini par les trouver. Pas peu fier de trouver cette fois 2 pièces d’or. Il se dirige vers Garry et lui en donne une. Il faut dire que la veille, quand Garry parlait du trésor caché de Butch Cassidy, il avait dit à Noah que Noah pouvait chercher le trésor mais que s’il le trouvait, il faudrait en donner la moitié à Garry. Voilà c’est chose faite. Noah a donné une des 2 pièces qu’il a trouvé. Garry est très impressionné qu’il s’en soit rappelé et Noah a découvert la division par deux.
C’est l’heure d’une petite pause pique nique devant un troupeau de vaches incrédules et pas franchement ravie de nous voir troubler leur tranquilité.
L’occasion également d’une petite étude comportementale et alimentaire.
Garry : juste un pamplemousse en mangeant les ¾ de la peau avec.
La famille de Denver : des sandwichs, à l’américaine
Nous : une petite salade équilibrée concotée par Bouclette et agrémentée de ses œufs dur du potager. The French touch.
On reprend la voiture et notre petit garçon sombre comme à son habitude dans les bras de Morphée juste avant d’arriver à une Kiva restaurée. Les Kivas sont les habitations sous-terre datant de 1 000 ans environ qui étaient creusées 2 à 3 mètres sous le sol pour offrir à ses habitants un environnement iso-température toute l’année. On rentrait par le dessus, et à l’intérieure de la Kiva, sur un des côtés, un espace était aménagé pour pouvoir y faire du feu – une petite ouverture extérieure sur le côté permettant à la fumée de s’évacuer.
Pendant que Noah poursuit son petit somme, on s’arrête à un dernier endroit pour voir des ruines incrustées dans les falaises, à la manière de ce qu’on avait vu au Cliff Palace dans le Mesa Verde.
Mais cette journée au grand air n’aurait pas été complète sans un petite barbecue sou un magnifique coucher de soleil qui a illuminé le ciel en fin de soirée.
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