Dernière journée qui s’annonce haute en couleur.

  • 8h :  départ pour l’arbre qui a servi d’inspiration pour le film Avatar
  • 15h : marche dans la foret
  • 19h : sortie nocturne caïman épisode 2

Ce matin, la Team Ralf est prête. Nous et les 2 anglais. Les russes sont partis ce matin.

Ce matin, on prend le bateau en compagnie de Bernard, le dragon. Direction « l’arbre monde ». Il fait chaud, très chaud. 100% d’humidité. Ca tape ! Bon en même temps à Paris ils sont apparemment sous la canicule avec 35 degrés. En remontant le fleuve, on aperçoit une floppée d’oiseaux qui ne cessent de plonger pour pêcher, avec un certain succès je dois dire.

Juste derrière, alors qu’on est à plus de 200 mètres encore, Ralf a déjà spotté un groupe de dauphins. Rien à voir avec les expériences de dauphins en mer où ces derniers viennent souvent jouer près des bateaux. Ici, ils vivent leur vie, et sans fondamentalement chercher à t’éviter, très clairement ils ne viennent pas à toi, voir gardent une certaine distance.

On les voit donc d’assez loin. Les roses sont les plus vieux, les noirs sont les jeunes et les gris sont au milieu. La raison de leur couleur est multiple. Mais la principale tient au fait que dans cet environnement, ils ont développé des vaisseaux sanguins juste sous la peau très denses. Lors d’une activité physique ou pendant la période des amours, leur peau devient plus rose du fait de l’afflux sanguin. Vient ensuite l’âge. Plus ils sont âgés, plus ils sont roses, et enfin la pigmentation liée aux sédiments. L’idée selon laquelle ils tireraient leur couleur d’une alimentation type crevettes est en fait séduisante,  mais totalement inexacte.

Après avoir tourné autour de la zone alternant entre oiseaux divers et dauphins, on reprend notre route vers l’arbre monde. On en aperçoit un qui domine la canopée de la foret environnante, mais on s’arrêtera 15 minutes plus pour voir THE TREE.

Ce qu’ils appellent l’arbre monde, a pour nom indigène, TAWARI. Ce n’est pas tant la hauteur de l’arbre, bien que celui-ci qui aurait 300 ans environ semble aller jusqu’au ciel quand on est en-dessous, que l’épaisseur de ces racines et de son tronc, liées à la pauvreté du sol qui pousse l’arbre à chercher la nourriture sur la partie superficielle du sol. Au milieu on se sent petits, mais alors, tous petits.

Les indigènes viennent sous ces grands arbres lorsqu’ils ont une faveur à leur demander. Ralf incite Noah a demander la protection de l’arbre Tawari pour l’aider à pêcher des piranhas. Noah qui était sorti brocouille de la pèche d’hier et qui en avait gros sur la patate nous regarde avec un air interloqué en nous disant qu’il n’y a pas de pêche aujourd’hui.

Comme il aime bien Ralf, il s’exécute en posant la main sur l’énorme tronc tout en formulant sa demande. Mais on sent à son air qu’il est à la fois content d’avoir une deuxième chance d’aller pêcher, mais aussi qu’il ne croit pas du tout qu’il attrapera le moindre piranha. Tawari, vient nous en aide !!

Le temps qu’on passe autour l’arbre laisse au co-guide de Ralf le temps de monter à un arbre (on se demande bien comment il fait vu à quel point le tronc est lisse) et de nous faire gouter des Capiba, qui ressemblent un peu à des petites prunes au niveau forme. Premier bon fruit je trouve d’Amazonie, même si celui-ci ne fait pas l’unanimité sur le bateau. Tu l’épluches, puis tu l’ouvres en 4 assez facilement. Dans chaque quart, une chair blanche assez goûtue qui recouvre une graine non comestible.  Franchement, j’aime bien, c’est rafraîchissant par cette chaleur.

On rebrousse chemin et on tombe sur des buffles d’eau. Ils ont été importés depuis quelques années suite à la mort de près de 100 000 buffles il y a quelques années au moment d’une crue particulièrement importante de l’Amazone. Sans vouloir verser dans le scatologique, les buffles se noient en cas de crue car ils se retrouvent à moitié dans l’eau sans pouvoir trouver de zones sèches. Or les buffles ne savent pas resserer leur sphincter. Ils se noient ainsi à cause de l’eau qui rentre par leur anus. Voilà, c’est fait, bon appétit. Les indigènes ont donc importé suite à cet évènement des buffles d’eau, dont l’arrière train est mieux équipé. NOn loin de là on voit une véritable colonie de papillons. Pourquoi sont-ils là, mystère…

Noah remarque qu’on revient au spot des dauphins de tout à l’heure. C’est pas si facile croyez-moi, car même moi qui ai un très bon sens de l’orientation (je me jette des fleurs sinon je ne reçois jamais de compliments), je peux vous dire qu’ici il y a tellement de méandres dans tous les sens qu’il n’est pas si facile de s’y repérer.

Dans un recoin de la rive qu’on n’avait pas remarqué, il y a des hautes herbes. Ralf nous dirige là et sort les cannes à pêche. Au début juste une pour Noah. Il lui fait pratiquer le geste à plusieurs reprises à vide pour ferrer le piranha lorsque celui-ci commence à mordre à l’hameçon. Ca parait idiot, mais c’était un de nos plus gros problèmes dans la pêche d’hier. Le piranha a une faculté d’abord a grignoter l’appât sans se faire avoir, mais surtout une fois que tu l’as plus où moins hameçonné, il est tellement combatif qu’à de nombreuses reprises il trouve le moyen de s’échapper dans l’eau, et même parfois lorsqu’il est hors de l’eau.

Une fois que Noah a répété le geste plusieurs fois, Ralf l’aide à mettre son appât. Sans mentir, il ne s’écoule pas 15 secondes avant que le fil ne se tende et que Noah dans un coup de main expert choppe son premier piranha. C’est un petit rouge, le plus agressif. Noah n’en croit pas ses yeux de bonheur. L’arbre y serait-il pour quelque chose, ou est-ce juste le fruit du hasard ?  

On observe le piranha à bonne distance quelque temps. C’est vraiment une sale bête. Tu sens qu’il ne lâchera rien jusqu’au bout et la moindre chose qui approche de sa gueule se retrouve instantanément déchiquetée.

Ralf, met un deuxième appât, et vlan. 20 secondes plus tard, un nouveau piranha vole dans les airs, passe presque de l’autre côté du bateau avant de rebondir dans le dos de Virginie qui pousse un petit cri. Noah n’en revient pas.

Et vlan, 15 secondes plus tard, un troisième.

Du coup, l’anglais qui ne voulait pas pêcher pour n’en avoir pas eu non plus la veille veut s’essayer et demande une canne à pêche. Sauf que lui, pendant qu’il voit Noah continuer à enquiller les poissons à un rythme tellement effréné que même Ralf en vient à se demander ce qu’il se passe, ben notre anglais, lui, retombe dans la journée d’hier où il se retrouve à nourrir gratos les piranhas, changeant sans cesse d’appât au fur et à mesure qu’ils sont mangés.

Moi je rigole, Noah en est à son sixième. Ca fait même pas 5 minutes qu’on pêche.

Virginie demande elle aussi une ligne et finit quand même par en attraper un après quelques minutes. Elle est presqu’aussi ravie que Noah. Mais celui-ci réplique en en choppant 2 de plus.

En moins de 10 minutes, Noah a pêché son dixième piranha. Virginie en a eu 2. L’anglais 1.

Aucun doute possible, TAWARI existe. D’ailleurs Noah vient de trouver un trèfle à 4 feuilles. c’est un signe ça non ?

Ralf qui avait bien empiété sur notre programme avec cette pêche inopinée, met un terme au record mondial de pêche de Piranha au Juma Lodge. Noah a la banane.

On reprend notre route comme pour retourner vers le lodge, puis on bifurque d’un coup et nous voici dans des pans de forêt inondés. Ralf s’est positionné en tête de bateau et semble chercher quelque chose de très particulier.

Même attitude que le soir lors de la capture du caïman. Avec des petits signes précis il indique au conducteur quand avancer, tourner. Parfois il prend la machette pour couper des branches, parfois il joue de la rame pour avancer là où le moteur risque de s’emberlificoter dans les lianes et autres plantes d’eau. On essaye de passer entre les troncs, parfois on revient sur nos pas quand on tombe sur une zone infranchissable.

Du coup nous aussi on se met à scruter tout azimut mais sans avoir la moindre idée de ce que l’on cherche. Et Ralf a l’air tellement concentré, qu’on n’ose même pas lui demander.

Au bout d’une bonne vingtaine de minutes a errer ainsi dans cet espèce de marécage rempli d’oiseaux, on s’extirpe enfin de la forêt pour déboucher sur une première étendue d’eau calme, puis une seconde qui s’avère être remplie d’énormes nénuphars sur lesquels des centaines de papillons volent.

Ralf affiche un sourire satisfait. Ce n’est pas un animal qu’il cherchait depuis le début, mais cette semi clairière de nénuphars particulièrement difficile d’accès.

Enfin un endroit bucolique qui aurait sûrement inspiré Van Gogh. Enfin, jusqu’à ce qu’on découvre que cette zone est le paradis aussi des anacondas… En en reparlant à table à midi, on a tous eu de notre côté l’image féérique de ces beaux papillons d’où jaillissait soudainement de l’eau un serpent de 11 mètres de long fondant sur nous gueule ouverte.   

Sur le retour, Noah chipe un bon coup de chaud. il faut dire qu’aujourd’hui c’est à la limite du soutenable et cela fait presque 3h qu’on est en plein cagnard sur un bateau sans toit. Noah vide une gourde d’eau, la moitié d’une autre sur sa tête, puis il se fabrique tout seul une tenue Touareg.

Même s’il va donner le change jusqu’à 15h, à peine débarqué du bateau pour le début de notre marche en forêt du début d’après-midi, Noah, un petit arbre à planter en main, se courbe en deux de douleur de ventre.

Les anglais avaient décliné la randonnée parce qu’ils étaient eux aussi crevés, et un groupe de nouveaux arrivants suisse Allemands avaient pris leur place. Ralf s’inquiète un peu pour Noah car la marche dure 1h30 et dans la jungle c’est long de revenir, et compliqué de se séparer.

Noah essaye de faire bonne figure, plante son arbre, Virginie aussi. Mais peu après, il a à nouveau des crampes d’estomac. Dans le doute, on indique à Ralf que Virginie va rentrer avec lui au lodge. Il faut qu’il soit en forme pour la sortie caïman de ce soir.  Mais oui, je vous dis, le programme de cette journée est fou !!

Alors que le deuxième guide repart avec Noah et virginie, Ralf me demande de fermer la marche tandis qu’il donne les consignes aux nouveaux arrivants. Ca y est, je suis promu guide en second. Le privilège de l’ancienneté. Eux c’est des rookie, moi j’ai déjà 4 jours d’Amazonie à mon actif. Respect.

Je ne sais pas si ce sont les têtes des Suisses qui ne lui revient pas, ou s’il a été touché par le mal de ventre de Noah, mais il s’avère assez sec avec les nouveaux arrivants. Plus agressif dans son phrasé que pince sans rire. Pour les mettre dans l’inconfort, il va chercher des graines d’Acai et leur dit qu’ils vont pouvoir manger des sushis d’Amazonie. Pour la mise en scène, il coupe une feuille de palmier en guise d’assiette, taille deux tige pour en faire des baguettes puis les tend à la suisse de 18 ans qui pour l’instant sourit toujours.

Quand il coupe en deux la graine et en extirpe deux larves bien juteuses qui bougent encore, la Suisse ne rit plus et perd de son assurance.

Il lui dit que Noah qui vient de nous quitter est un vrai aventurier et qu’il a mangé les sushis deux fois. Il me redemande l’âge de Noah, je réponds 8 ans. Il se tourne vers la suisse et lui :  « Eat ! »

Elle vire au blanc, un moment on pense qu’elle va y aller puis refuse. Les parents déclinent aussi. La deuxième famille qui sont eux, des hollandais, ont 2 enfants de 20 et 24 ans. Le garçon va finir par goûter, la sœur suivra aussi mais recrache assez vite.   

On reprend notre route. A la différence des 2 autres randos où sans parler de chemin, on suivait tout de même une sorte de trace légère d’animaux, là on est dans la forêt vierge. Ralf procède à coups de machette. Tout le monde se suit. A peine passé (alors que je suis le dernier de la file), quand je me retourne, le chemin qu’on vient d’emprunter a disparu. On comprend mieux la légende de Kurupira, l’esprit de la jungle qui, lorsque les hommes tuent des animaux pour le plaisir ou coupent des plantes sans nécessité, se font entraîner dans la forêt par Kurupira qui imite des bruits d’animaux avant de les perdre dans la forêt.

Sur les 10 premières minutes, le bruit des sécateurs est presque assourdissant. L’occasion de voir un des nids du sécateur et d’en mesure à l’aide d’une tige de palmier sa profondeur. Plus d’un mètre alors que le nid ne comporte qu’un seul individu qui ne fait que quelques centimètres.

A part lors d’un passage près d’une fourmilière ou Ralf me demandera là aussi de suppléer à Noah en apposant ma main sur la fourmilière pour montrer comment on masque son odeur pour chasser, on aura très peu d’explications sur les plantes. Outre la marche qui probablement s’y prête moins devant sa densité, je soupçonne Ralf de juste ne pas aimer ce groupe.

En revanche on aura l’occasion de tomber au milieu d’une colonie de capucins qui traverseront la canopée au-dessus de nos têtes, et nous permettra d’apercevoir fugacement un couple de Macao  passant précisément juste au-dessus à ce moment-là.

Après la marche, on repart pour une grosse heure de balade en bateau. Là aussi, peu de choses à se mettre sous la dent à part 2 toucans mais vu à une longue distance et à contre-jour. L’Amazonie c’est ainsi. Tu entends beaucoup, parfois tu vois, souvent tu ne vois pas. Mais j’en suis sûr, au nombre de fois ou Ralf m’a demandé si je pensais que Noah était malade à cause du soleil de ce matin, il avait la tête ailleurs, c’est sûr.

Quand on retourne au lodge, je vois une jolie sirène debout à nous regarder de la rambarde de la piscine. Ma femme ! Outre le plaisir de chaque instant de la voir depuis presque 25 ans, cela veut dire que Noah a repris du poil de la bête car il doit faire des cabrioles dans la piscine.

Et en effet, en arrivant là-bas, tout a l’air d’aller mieux. Enfin, il ne tarde pas à me passer devant en courant et à manquer de se fracasser en glissant sur le bord en bois de la piscine, se rattrapant de justesse avant de finir dans l’eau. Puis quand il vient avec une petite coupure, je vois qu’il a les yeux rouges d’un lapin. Comme il se baigne dans l’eau du fleuve en réalité (il n’y a pas de produits et l’eau coule librement entre le fleuve et la piscine, seuls les filets empêchent les piranhas et autres caïmans de venir batifoler avec l’enfant), je préfère proposer d’arrêter la session piscine qui dure depuis visiblement plus d’une heure. Autant désinfecter tout de suite plutôt que barboter dans l’eau qui doit être bien chargée en bactéries dont on n’a pas l’habitude. Puis traitement antibactérien des yeux au cas où. On est en Amazonie, ou bien ?

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