Les cinéphiles reconnaîtront la référence à “un jour sans fin” avec Bill Murray. Pour les autres, je m’explique. Notre ami Bill se réveille un matin et se rend compte qu’il est forcé revivre la journée de la veille, mais qu’il est le seul à s’en rendre compte. Le soir il se recouche et au réveil rebelote, il revit encore et encore la même journée, cherchant par tous les moyens comment faire pour sortir de ce cycle infernal. Il en vient à connaître les moindres détail de la journée, anticipe les mouvements et paroles de ceux qu’il rencontre, corrige chaque erreur qu’il a pu commettre et fini par être sauvé par … l’amour.

En me réveillant, moi aussi j’ai l’impression de vivre le jour de la marmotte. Comme hier, on doit quitter Barreal pour Villa Union, et comme hier, on ne voit pas bien comment on va pouvoir le faire. Certes on est en possession de non pas un mais deux jeux de clés voiture, mais maintenant on roule sur une roue de secours de type galette, donc Il nous est toujours impossible de faire les 450 Km prévus sur des routes de piste avec cela. Je me dirige tout penaud vers La marmotte, euh pardon, vers Aurélio pour lui raconter nos nouvelles mésaventures, sauf que cette fois, Aurélio me le dit tout de go. Ce soir la Posada affiche complet, donc on est prié de trouver un autre endroit où dormir.

Je lui demande s’il y a un garage dans le coin. Il y en a bien un à Barreal mais il est à peu près sur que le gars n’aura pas le bon pneu. Sinon je peux revenir 100km en arrière à Uspallata pour tenter ma chance, mais sans garantie d’en trouver non plus et ce garage ne peut pas être joint par téléphone pour savoir s’ils ont un pneu de ce type. Sinon on peut rappeler Alamo. Le sketch. Hier, on leur demandait des clés. Aujourd’hui, un pneu. Foutue journée de la marmotte.

Un moment de honte étant vite passé, on les appelle quand même. Pas de problème on vous envoie un taxi avec un pneu neuf. Vous payerez le taxi et le pneu et il viendra non pas dans 3-4h mais plutôt dans 4-5 heures cette fois car il faut compter le temps de trouver un pneu. Avec les 7h de route qui nous attendent on n’est pas rendu. Ok. Je vais d’abord tenter ma chance à Barreal et je vous rappelle.

Je pars (sans savoir parler espagnol), chercher mon garagiste. Aurélio me donne des indications en mode carte au trésor comme d’habitude et me dit tu ne peux pas te tromper, il y a une pile de pneus devant. Ok. J’arrive devant la Gomeria et là je comprends pourquoi Aurélio était dubitatif sur mes chances de trouver un pneu. Il y a en fait une pile de 5 pneus tous crevés et le « garage » n’est pas la pour me rassurer sur mes chances.

Je tape à la porte. Des gros chiens se mettent à m’aboyer dessus. Super. Personne répond. Je recommence. Bis répétita. Au bout d’un moment je regarde dans la rue et je vois un gars dans son jardin. Je baragouine 3 mots. Il finit par comprendre mon problème et me fait comprendre qu’il faut revenir au moins dans 1H, le garagiste dors et il n’aime pas être réveillé.

Ok j’ai compris, ca ne va pas le faire. Retour à la posada et on confirme à Alamo qu’ils peuvent venir. Mais tant qu’à faire qu’ils ammènent une autre bagnole parce que la Peugeot 406 n’est vraiment pas taillée pour ce genre de route et je crains que ce qui a éclaté le pneu arrière ait abîmé le pneu avant et qu’on en soit quitte dans 2 jours à demander un nouveau pneu. Ok pas de problème. Ce qui est bien avec Alamo, c’est qu’il n’y a jamais de problème. On se croirait au magrheb.

On reprend donc la même routine qu’hier en attendant cette fois la nouvelle voiture. (Un jour sans fin quoi). Noah semble avoir le même épi dans la main mais si vous regardez bien il est tenu verticalement par rapport à celui d’hier). Je coure avec lui, on ne peut toujours pas manger à la Posada, on pique nique à nouveau avec pour le coup plus que des restes de restes…

Vers 14h30, qui je vois arriver avec une nouvelle voiture ? Obdulio. Le gars qui nous avait fait le sketch à la Mr Bean à 23h le soir de notre arrivée à Mendoza. Et quelle nouvelle voiture il nous a ramené ? Une Peugeot 406. La même quoi. Le sketch. 

En voyant Obdulio aussi épuisé par la route, je lui souris et on se prend dans les bras. Il ne parle toujours pas anglais, et moi toujours pas espagnol, mais un câlin, c’est universel. Je lui dis tu m’as ramené la même voiture là. Il me répond non, celle la elle est gris clair.

Du coup je l’invite à prendre un verre dans le Posada. Obdulio retrouve des couleurs avec un Seven Up et est en fait hyper content car il n’est jamais venu à Barreal. Noah le voit, le reconnaît et le prend par la main pour lui montrer un truc. Il l’emmène à notre voiture et lui montre notre pneu crevé dans le coffre et commence à lui raconter l’histoire.

Noah ressasse un peu on dirait, mais c’est trop mignon. Tout le monde se marre et on se retrouve à tous s’embrasser, Obdulio le loueur de voiture, et Aurélio et sa femme Claudia.

Voilà, c’est comme je vous disais. Le jour de la marmotte. En fait pour être libéré de cette journée, il fallait de l’amour.

Bon c’est pas tout, on a nos 6-7h de route qui nous attendent et il est maintenant 15h bien tapé.

Google nous avait proposé un itinéraire de 6h passant par la route 412. Je vérifie auprès d’Aurélio par acquis de conscience. Avec cette voiture ? Même pas en rêve. D’ailleurs je vérifierai sur le guide du Routard plus tard. Il était indiqué. “Uniquement pour ceux qui se prennent pour des oiseaux“. Merci Google, on vient de s’éviter une nouvelle journée de la marmotte on dirait. 

On se met en route, Noah s’endort assez vite, mais pas avant de m’avoir prodigué le plus sérieusement du monde le conseil de ne pas crever de pneu aujourd’hui.

Après avoir bien ri, nous on ne voit pas le temps passer. La route 149 est tout simplement sublime les 3 premières heures. 

Au moment de rejoindre la route 40 avec une demi-heure d’avance sur l’horaire indiqué par google, un barrage de Police. La marmotte serait de retour ?

On nous fait signe de se garer sur l’aire de parking à côté. Il y a une compétition de vélo qui doit bientôt passer par là. On comprend mieux pourquoi depuis 20 minutes on voyait des drapeaux jaune et rouge (emblème de la région de San Juan) et surtout pourquoi il y avait des familles qui avaient l’air de pique niquer le bord de la route dans un endroit franchement hostile mais pour lequel notre esprit bien pensant se refusait à critiquer le choix en mode « les pauvres ils ont pas d’argent ils pique niquent ou ils peuvent et là ou il y a de l’ombre » (Jennifer sors de ce corps). 

Noah est maintenant parfaitement réveillé et a très envie de voir les cyclistes. Un rapide coup d’œil sur le tableau de bord de notre Peugeot (on avoue elle a une meilleure motorisation que la précédente, une meilleur clim et des meilleurs pneus, ce n’est pas juste la couleur) indique 42 degrés au compteur. Noah, on va rester dans la voiture moteur allumé avec la clim et on sortira au dernier moment pendant que maman fait la sentinelle Guanaco.

Je m’apprête à prendre une photo du tableau de bord indiquant 42 degrés. Malheureusement, la température a changé, elle indique maintenant 44 degrés. Noah veut de l’eau. Je lui en donne. Je regarde le tableau de bord. 45 degrés. Je supprime la photo initiale et en reprends une. Quand Virginie nous fera signe de sortir, on aura stabilisé à 46 degrés !!!

Les voitures de la caravane passent, nous on trépasse.

Il s’agit de la Vuelta de San Juan. Si les gars sont bien partis de San Juan, ils pédalent depuis 130 Km par 46 degrés. On les voit passer. 5 coureur en tête, puis un peloton bien compact. Noah applaudi. 

Ca y est, on peut reprendre notre périple. On bifurque sur la route 40. C’est la route mythique qui relie la pointe sud de la Patagonie à Cap Virgenes (au sud de RIo Gallegos) et qui remonte toute l’Argentine en suivant la cordillère des Andes jusqu’à la frontière bolivienne à La Quiaca. 5 000 Km de route, 27 cols andins traversés et elle culmine à 4 895 m d’altitude.

On passe le kilométrage 3 697. L’occasion pour Noah d’apprendre ce que c’est qu’un mirage. Il faut dire qu’avec de l’asphalte chauffé à 50 degrés, ce n’est pas bien difficile de voir « de l’eau sur la route ».

La route est un peu moins belle que la 149 mais reste assez majestueuse avec des déserts et des montagnes qui virent au rouge en cette fin de journée de part et d’autre.

Surtout, après une centaine de kilomètres elle oblique vers l’est et là Noah est aux anges. Tous les 100 mètres, on passe des gués de rivière ce qui fait que la route s’apparente à des montagnes russes. Noah lui, dit « qu’elle fait des vagues ». Et c’est l’éclate totale à chaque montée et descente sur 100km soit environ toutes les 40s. 

On hallucine un peu sur ce que ca doit être quand il pleut (on a appris plus tard qu’elle est d’ailleurs interdite à la circulation chaque fois qu’il pleut) et on comprend pourquoi pour avoir vécu ce même genre de phénomène vers Barréal. La pluie provenant des montagnes ravine les sols Ultra secs des plaines transformant l’eau en des torrents se déversant dans la vallée.

Aujourd’hui il fait 40 degrés et il ne pleut pas donc tout va bien. On profite du paysage ou l’on a maintenant le désert avec en arrière plan un sommet de 6 000 mètres enneigé. 

Après avoir roulé sans discontinué et sans respecter trop les limites de vitesse sur la fin, on arrive vers 21h à l’hôtel Talampaya qui a le seul mérite d’être prêt du parc éponyme que l’on va visiter demain.

Pour le reste, c’est étonnant de voir à quel point un aussi mauvais hôtel s’évertue toutes les 30s à te rappeler de mettre ton avis sur booking. Du coup pour une fois, je l’ai fait. Pas d’eau dans la douche, pas de clim, chambre lugubre, petit déjeuner microscopique et pas bon. Voilà, c’est fait.

On se trouve un petit restau pas loin dans Villa union et malgré la chaleur et le bruit de la clim, on s’endort comme des souches, d’autant que demain, on se réveille tôt pour visiter le parc de Talampaya.

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