Billet délicat à écrire tant par les circonstances de son écriture que par son contenu.
Circonstances tout d’abord car il est écrit plusieurs jours après les événements, donc la temporalité s’en trouve bouleversée. Je suis assis côté passager, l’iPad sur les genoux, sur la route vers San Juan en mode “houle” tant elle ne cesse de monter et descendre au rythme des gués de rivière que l’on traverse. Noah vient de se réveiller, et dans un de ses sourires dont il a le secret s’est exclamé « c’est la route des vagues » avant de se rendormir aussitôt. Si je ne vomis pas d’ici la fin de l’écriture de ce billet c’est que j’ai le coeur bien accroché, d’autant que la voiture affiche 41 degrés de température extérieure.
Circonstances aussi, car ce billet a été écrit une première fois par Virginie avec beaucoup de poésie (elle avait voulu l’écrire en tant que premier protagoniste de l’histoire du jour), mais une mauvaise manip de ma part sur l’iPad l’a effacée et elle préfère que je m’y colle. Je m’attèle donc à la tache, reprenant quand je le peux des tournures de phrase originelles de Virginie. Je suis donc à la fois l’auteur et le nègre de ce billet.
Pour lancer l’intrigue je tiens juste à dire que je ne suis pas assis dans la même voiture qu’il y a 3 jours et que ce n’était pas prévu au programme.
Revenons maintenant à ce matin du 30 janvier.
Il existe des situations délicates qui se transforment en moment de bonheur (ca c’est de l’écriture à 4 mains par exemple car si son billet avait commencé ainsi mes chastes oreilles se sont senties obligées de remplacer “situations de merde” par “délicates” même si la première mouture était sûrement plus proche de la réalité ).
Il est 9h15, je suis en train de me débattre avec Aurélio pour faire le check out. Lui veut se faire payer en euros ou dollars. Moi, j’ai bêtement cédé au conseil de dernière minute de ma chère maman de ne pas prendre trop d’argent en voyage et je suis en pleine galère car je suis presque à sec en euros et si chaque hôtel de la région me joue la même sérénade, dans 48h on est bon pour dormir dans la voiture). Tandis que je finis par transiger pour n’en payer que la moitié en euros et le reste en pesos, Virginie, elle, vit un mini drame.
En effet, impossible de remettre la main sur les clés de la voiture. Autant des clés de la chambre on en a autant qu’on veut, autant pour la voiture on en a qu’une, et s’il n’y a jamais de bon moments pour perdre des clés, 7h de route nous attendent pour gagner Villa Union donc il s’agirait de ne pas perdre la matinée à les retrouver. Le temps que je règle le problème avec Aurélio, Virginie a retourné tout l’appart, retracé chaque pas entre la voiture, la chambre et la réception.
De retour Victorieux de ma confrontation, je tombe sur l’air tout penaud de Virginie qui me raconte le problème. Je me mets à chercher avec elle, on retourne une nouvelle fois toutes nos affaires, nous mettons par vérifier des endroits totalement improbables, conduisons un interrogatoire musclé auprès de Noah (le pauvre) en mode « plaide coupable et si tu nous dis ou sont les clés on ne te disputera pas ». Mais 1h plus tard, il faut se rendre à l’évidence : si elles ne sont forcément pas loin, il n’est pas du tout évident qu’on les retrouvera un jour, et l’heure tourne.
Je retourne donc voir Aurélio et il m’aide à expliquer la situation à Alamo (notre loueur de voiture où personne ne parle anglais). Pas de problème, ils vont envoyer un taxi avec un jeu de clés. Ca va mettre 3-4h le temps de venir de Mendoza donc ce soir, à moins de rouler toute la nuit, on ne dormira Pas à Villa Union.
Je me retourne vers Aurélio pour lui demander s’il n’a pas une chambre pour la nuit. Oui il m’en reste une mais faudra quand même payer en euros. Je baragouine un vague mensonge sur le fait que je n’avais plus d’euros mais que Virginie en a peut-être un peu. L’épineuse question du mode de paiement réglé, il me sert d’interprète ensuite avec les hotels pour décaler et revoir les plans des prochains jours. En 1h tout est réglé. On n’a plus qu’à profiter de ce merveilleux endroit une journée de plus.
Moi, je suis en fait très détendu sur le sujet parce que depuis hier on avait envisagé avec Virginie de rester une nuit de plus pour se donner une chance de faire le char à voile et l’observatoire des étoiles. Je pars retrouver Virginie qui joue avec Noah au milieu des arbres.
Virginie, elle, avait un peu flippé (il parait que je ne suis pas toujours commode surtout quand le plan se déroule avec des accrocs) mais elle me voit arriver avec le sourire et donc elle se détend et me dit qu’elle vient de passer un merveilleux moment avec Noah qui a joué au bébé castor en se faisant un barrage, puis en inventant des histoires de pirates. Elle est sur la même ligne que moi, cette galère sera l’occasion de profiter du lieu. Faisons contre mauvaise fortune bon cœur.
Du coup, sans véhicule, la journée est passée à la cool dans la posada. Ils ne font pas à déjeuner ici donc on fini le reste du pique nique de la veille sous les arbres et on admire la vue désormais dégagée sur les 4 sommets de plus de 5 000 mètres enneigées qui se dessinent à l’horizon. Ici il fait 35 degrés. Au loin, il neige. Curieux pays.
14h30, Il faIt à nouveau très beau Aurélio me confirme que nous pourrons aller ce soir à l’observatoire. En prévision de la Longue nuit étoilée qui nous attend, je pars coucher Noah. Il faut dire que 2 nuits orageuses dans ce pays c’était déjà rarissime alors s’il y en avait eu 3… Je m’allonge à côté de Noah dans le lit et sent dans le creux de mon dos un truc pointu. La bonne blague. Les clés de la voiture ont miraculeusement réapparu dans le lit après le passage des femmes de chambre. – Je profite de cette relecture du billet 3 mois plus tard pour m’interroger sur une autre alternative possible et moins glorieuse qui me vient Subitement à l’esprit. Et si les clés de voiture n’étaient pas tout bonnement depuis le début dans la poche arrière de mon bermudas. C’est vrai que je n’y mets jamais rien et que ca parait absurde qu’en cherchant sur moi je ne l’ai jamais sentie mais ca expliquerait qu’en m’allongeant dans le lit elles aient glissé et se soit retrouvé sous moi. Le mystère reste entier.
Du coup on n’a plus besoin qu’on nous ramène de clés mais il est largement trop tard. Le gars ne va pas tarder à arriver. D’ailleurs 30 minutes plus tard, à 15h, le taxi arrive avec le deuxième jeu de clés de voiture. No comment. Dégoulinant de sueur et crevé par la route, il nous remet les clés. Virginie n’a pas le courage de lui dire qu’on les a retrouvé entre temps et qu’il est venu pour rien.
Noah a fait plus de 3h de sieste (oups aurait-on chargé un peu la mule ces derniers jours avec lui ?). Il est l’heure de se mettre en route pour le char à voile. On repart donc à 30 km de Barreal à la Pampa de Leoncito et au fur et à mesure qu’on se rapproche le ciel s’obscurcit à nouveau. Des pluies torentielles sporadiques se devinent à l’horizon. On a les boules. On connait l’adage jamais 2 sans 3 mais là on s’en serait bien passé. Finalement, avec l’illusion d’optique, on se rend compte en arrivant près de la Pampa que les pluies sont en fait au loin. Premier obstacle écarté.
D’ailleurs on distingue au loins des chars à voile sur une étendue de terre qui nous fait penser au salar de Uyuni en Bolivie. 2ème obstacle écarté, Toro le gars du char à voile est donc là lui aussi. Le lac semble avoir séché malgré les pluies torentielles de la veille.
Oui, mais comment on les rejoint, ces foutus chars à voiles ? On traverse l’étendue de terre en voiture ou on attend qu’il vienne nous chercher. Il y a bien une trace de voiture qu’on distingue à une centaine de mètres du bord du lac, mais on ne sait pas de quand elle date et si le sol est suffisamment sec pour supporter le poids de la voiture sachant qu’on n’est pas dans un 4×4. Si on pouvait éviter de s’embourber au milieu de nulle part…
Je sors tâter le terrain pour voir, et Virginie se fiche de moi et me filme (Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude après être déjà parti la veille à la recherche de la route invisible vers le Cerro los 7 colores). Toro, le gars du char à Voile reste là ou il est, donc après une brève hésitation, on se décide à y aller. Si on pouvait juste éviter de faire revenir le loueur parce qu’on a ensablé la voiture ce serait pas mal.
On traverse finalement l’étendue désertique sans encombres et on arrive près de Toro et ses chars à voile. Oui mais voila. Pas un pet de vent. Et il fait déjà 35 degrés dans le coin, alors là, au milieu de l’étendue du lac asséché, on regarde même pas le compteur. Noah lui est aux anges. Il se met à pousser les chars à voile, puis à me pousser avec moi dans le char à voile, puis moi à le pousser dans le char à voile, puis Virginie. Il amuse la galerie en attendant le vent.
Il est 18h30 et toujours rien. Une française, Salomé en vadrouille dans le coin est arrivée, quelques kékés aussi. Ils sont d’ailleurs repartis faute de vent. Toro et ses acolytes guettent le moindre signe, la moindre brise. On dirait la horde du Contrevent, pour les fans de Damazio. On a un peu le sentiment d’être maudits même si Noah au final se marre bien.
A 19h00, on est face à un dilemme. Si on attend encore, on se donne une chance de voir le vent se lever, mais on n’aura plus le temps de faire l’aller et retour à l’hôtel grignotter un truc avant d’aller à l’observatoire qui est pourtant non loin de la. Noah n’a rien mangé et la nuit s’annonce longue. Il va déjà falloir le tenir éveillé jusqu’à un bon minuit alors s’il n’a rien mangé du tout…
À 19h45, Toujours pas la moindre indication de vent. La mort dans l’âme, on joue placé. Tant pis pour le char à voile, on rentre grignoter un truc et on repartira pour l’observatoire.
21h, on se remet en route. Et là, que voit-on à l’horizon, là ou se situe approximativement l’observatoire d’après Google ? Des nuages, des éclairs, bref la totale alors qu’à 20h ce coin était encore parfaitement dégagé.
On se refuse au foirage total de la journée, donc on y va quand même et on emprunte une piste chaotique qui nous fait grimper aux 2 600m d’altitude ou est situé l’observatoire. Pendant ce temps, Noah compte le temps entre l’éclair et le tonnerre depuis qu’on lui a appris le truc pour évaluer la distance de l’orage. Arrivés à l’observatoire à 21h30, Noah vient très fièrement de compter 3 entre l’éclair et le tonnerre. Ca sent à nouveau le sapin.
Les nuages noirs sont au-dessus de nos têtes, mais étonnamment il y a du monde et on nous fait payer une somme modique à l’entrée. On recroise la petite Salomé qu’elle s’est renseignée et quand on paye c’est qu’ils savent qu’on va pouvoir voir les étoiles. La guigne nous aurait elle enfin quittée ? Pas totalement, 30 min après qu’on soit partis, le vent s’est levé et elle à pu faire du char à voile. (F…ck).
L’orage passe finalement à 300m de l’observatoire et vers 22h30 les nuages ont totalement disparus. Noah a été adorable. Il n’a rien dit malgré 30 min d’explications des étoiles dans le noir et en espagnol, alors qu’il fait froid et qu’il n’est pas couvert (il a fait 35 à 40 degrés toute la journée, mais c’est vrai qu’on est à 2 600 mètres. on a zappé…). On monte ensuite sur un terre plein un peu éloigné de l’observatoire ou sont installés 3 télescopes électroniques. Et la on passe un super moment. On s’allonge pour regarder la Voie lactée, on va de télescopes en télescopes tantôt pour voir un amas d’étoiles, tantôt pour observer la lune sous toutes ses coutures. Noah prend un peu de temps pour capter le truc de regarder à travers un télescope en fermant un œil, mais fait des cris de joie chaque fois qu’il y arrive. A la fin on regardait le télescope et on se remettait immédiatement dans la queue pour revoir s’il y avait Wallace et Gromit sur la lune ou les Monsieur / madame. Il faut dire qu’en prévision on lui avait pris des bouquins sur des histoires dans l’espace.
Question ouverte que notre méconnaissance de l’espagnol ne nous a pas permi d’éclaircir. Qu’est ce que cette excroissance qu’on a vu à la surface de la lune et qu’on ne voit jamais sur des photos ? Avis aux amateurs…
Voilà. Il est minuit moins dix. On est les derniers à partir de l’observatoire. On a peut-être perdu les clés de la bagnole et foiré à moitié le char à voile, au moins l’observatoire, on a pu le faire. Finalement cette journée se termine bien.
Le sentiment du devoir accompli, on reprend la route à minuit. Descente par la piste caillouteuse de l’observatoire avant de rejoindre la route 149 qui va nous ramener à l’hôtel.
Tout d’un coup, je sens la voiture qui part vers la droite, puis qui se met un peu à trembler. “C’est la galère” comme dirait Noah. Une seule voiture devant moi qui ne roule pas vite. La route 149, on la connaît bien pour l’avoir prise pour venir à Barreal. En journée on a du croiser 3 voitures sur 100km, donc à minuit en plein désert sur une route pas éclairée, je me dis que si on a une merde il vaut mieux avoir une voiture balais derrière nous. J’accélère et je la dépasse.
Et effectivement, bien m’en prends, car 2km plus loin ca se met à sentir le brûlé. Impossible de faire 1 mètre de plus avec la bagnole. On s’arrête sur le bas-côté. Virginie regarde derrière, on est sur la jante. Le pneu arrière droit est littéralement déchiqueté. (Photo prise le lendemain parce que dans la nuit on avait autre chose à penser).
Plutôt que de voir si on peut réparer, je me dépèche d’allumer la fonction lampe torche du téléphone (ici il ne sert qu’à ça vu que ni internet ni les appels ne passent jamais), prends Noah dans les bras pour attirer la sympathie et montrer qu’on n’est pas en train d’organiser un braquage de nuit sur la route, et fait des signes à la voiture qu’on a doublé il y a 3 min de s’arrêter. Vu qu’il y en aura probablement aucune autre avant demain, autant les avoir sous la main si ce n’est pas réparable et qu’on doit se faire déposer à Barréal qui doit à être à 20 bons kilomètres.
Le gars est sympa. il est avec sa femme et son fils qui doit avoir l’âge de Noah et qui dort. On va voir l’étendue des dégats. Heureusement c’est juste le pneu qui a éclaté. il nous file un coup de main pour changer la roue et on repart. Noah lu,i a à la fois été très excité par le changement de la roue et en même temps sûrement un peu inquiet. Avant de se coucher, il nous raconte en boucle l’histoire de la crevaison en disant que c’est trop rigolo. On le connaît, c’est aussi sa façon de se rassurer quand il ressasse comme cela.
Virginie avait terminé son billet par « On a 2 clés du bonheur », mais ca c’était à 15h quand elle venait de récupérer les clés. Maintenant, « On a 2 clés du bonheur, mais on roule sur la roue de secours ».
Pour les lecteurs assidus, vous vous demanderez peut-être pourquoi est-ce qu’on roule dans une autre voiture alors si on a réparé la roue ? Réponse dans le prochain billet.
Ps : alors que je relis le billet à Virginie on vient de se faire arrêter pour un contrôle sanitaire. Noah ouvre un œil. Vois virginie montrer au policier le sac de victuailles et nous crie « et ho, on ne me prend pas les chips ». Non mais fait pas déconner quand même.
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