Cette nuit on a rendez-vous avec les tortues qui viennent pondre sur la plage de Sukamade. Je cherchais à savoir via Google Maps combien de temps on mettait pour atteindre le parc de Meru Betiri, mais pour une raison que j’ignorais à ce moment-là, Google s’évertuait à me dire que ce n’était pas possible d’avoir un itinéraire compte tenu du fait qu’il n’existait pas de route.

Départ en jeep à 9h. Comme pour la jungle, on a du se préparer un sac à dos avec nos affaires pour dormir une nuit Car il n’est pas possible d’aller là bas avec des bagages. On les récupèrera donc demain.

Le guide, dont le nom est aussi imprononçable qu’il est sympathique, apprécie tout de suite Noah. Il parle fort et est très enthousiaste. C’est Noah en plus grand en somme ! Le trajet est assez Rock’n’roll. On passe notre temps à doubler des motos dont absolument aucune n’aurait le droit de circuler en France, tant est si bien qu’on se met à essayer de les prendre en photo en chemin pour passer le temps. Chacun sa marotte. Virginie se sont les gars avec les chargements de plantes qui font 3 fois la taille de la moto et ceux qui ont des chapeaux pointus. Moi ce sont plutôt celles avec les marchés ambulants à l’arrière ou les motos avec 3, voir 4 occupants dessus dont des enfants toujours plus petits à l’avant, les mains sur le guidon comme si c’était eux qui conduisaient. On s’est bien marré. 

En plus d’une pause café qui nous permettra de peaufiner nos photos de motos, On fera 3 stops pour un trajet qui nous prendra au final presque toute la journée jusqu’à Sukamade.

Le premier pour voir comment on fait du sucre roux. L’occasion pour Noah d’essayer de monter aux palmiers pour voir comment on accroche des bouteilles au niveaux des fruits pour récolter le liquide des palmes qui est ensuite chauffé pendant 4h au four pour donner une texture de pâte qui deviendra le sucre roux, mais qui ressemble en attendant à une barre d’Ovomaltine pour ceux qui se rappellent ce que c’est.

Puis Noah ira se payer avec Virginie des barres de rire à imiter les chèvres au milieu des biquettes dans un enclos légèrement excentré à imiter le bruit des chèvres. C’est sa période Lost in TRanslation de la journée.

Le second à la plage de Rajegwesi pour pique-niquer et profiter d’un moment de calme avec un cerf-volant abandonné sur la plage. Noah prend son envol et va négocier les boissons avec son joli porte-monnaie.

Enfin le troisième à la plage de Telus Ijo, également appelée Green Bay. Après 1km à monter et descendre dans la jungle des marches en pierre pas droites rendues glissantes par la mousse et l’humidité où j’ai bien failli faire un vol plané dès les premiers mètres et dont seule ma grâce naturelle m’a permis de me rattraper in extremis, on débouche sur une première plage de galets. Après y avoir croisés quelques macaques, on traverse la plage et en enfilade, on atteint la plage de Telus ijo. Là aussi, virtuellement dépourvu de touristes, entourés de quelques locaux. Noah a tôt fait de se précipiter dans les grandes vagues pour se rafraichir ta dis qu’on éloigne les macaques un peu trop curieux à coups de bâtons qui tentent d ‘approcher de notre serviette. C’est bien le genre à nous piquer un truc si on leur en laisse l’occasion.

Vers 15h notre guide me dit qu’il serait judicieux d’envisager d’y aller parce qu’il reste encore 17 km pour Sukamade. C’est bizarre s’il nous reste aussi peu de route qu’il semble si pressé alors qu’on n’a rien de prévu d’autre cet après-midi. En même temps il me semble bien avoir entendu aussi qu’il parlait de plus de 1h30 de route pour rejoindre notre campement. Mais comme son anglais est très rapide et pas toujours parfait je ne sais pas laquelle des deux affirmations est la bonne.

Je décide dans le doute d’obtempérer. J’arrive à sortir péniblement Noah de l’eau si se verrait bien y rester toute la journée (en plus c’est vrai qu’on fait beaucoup de voiture, il a besoin de se dégourdir un peu les pattes), mais il finit par accepter contre la promesse d’aller se rincer à la cascade.

Et nous voici plongés dans un exercice de contorsionniste tous les trois qui a dû laisser les locaux pantois devant notre acharnement à essayer de retirer les tonnes de sable que Noah s’est fourré partout à force de se faire rouler dans les vagues et qui a conduit à un résultat médiocre et à ses fringues trempées de la tête au pied.  Vous savez c’est le fameux dilemme de sortie de plage de comment se débarrasser du sable si au moment de se rhabiller nos pieds sont constamment toujours plein de sable mouillés …

Rhabiller Noah s’avère objectivement une mini catastrophe, quand à moi je finis par résoudre – un peu tard – le problème en me rappelant sur le chemin de l’aller avoir vu une jeune fille du coin nettoyer ses pieds non pas à la cascade mais à une rivière de cailloux juste après la plage de galets ou au moins on a les pieds sur les rochers et pas dans le sable.

On refait ensuite notre kilomètre de marche dans la jungle probablement encore plus périlleux maintenant qu’on a les chaussures trempées. Alors que je dis que les n’arrêteraient pas de nous rabâcher sur la dangerosité de ce sol glissant si elles nous voyaient ici, Noah se met à vouloir faire une photo de lui comme s’il avait perdu une jambe en tombant. Bon j’avoue on s’est bien marrés car il était super bon dans l’imitation.

Lorsqu’on récupère notre jeep et qu’on voit le chauffeur enclenché la marche avant au lieu de la marche arrière, on se rend compte que contrairement à ce que l’on pensait, là où l’on s’était arrêté n’était pas un cul de sac, mais que le chemin abrupte rempli de caillou qui s’offre à nous n’est pas un autre départ pédestre de randonnée, mais bien la route que va emprunter notre jeep.

La route est dantesque ! 20 degrés de pente, des cailloux de hauteur équivalent à un tiers de la roue de la jeep… Cela dure une minute, puis deux, puis cinq… Google persiste à me dire qu’on n’est pas sur une route – d’ailleurs il n’y en a aucune de mentionnée dans cette direction – et là je comprends que j’ai bien compris ce qu’avait dit le guide un peu plus tôt. Il reste bien que 17km à parcourir, mais on mettra bien plus d’une heure 30 pour les faire.

Ceci se vérifie d’autant plus qu’alors qu’on ne pensait pas cela possible, la route empire progressivement à mesure qu’on gravi la colline et qu’on s’enfonce dans la jungle. On alterne les zones de cailloux avec les zones marécageuses, les endroits ou la route a été emportée par les arbres tombés en plein milieu et dégagés à la hâte.

On ne quitte virtuellement jamais la première courte de la boite 4 roues motrices. Tout au plus de temps en temps passe-t-il la seconde pour soulager le moteur dans une descente.

On a baroudé aux 4 coins de la planète et avec Virginie on a aucun souvenir d’avoir jamais vu une route dans un tel état. Impossibilité d’ailleurs de se croiser avec une voiture ici. Il n’y a pas le moindre emplacement sur les 17 km pour se mettre sur le bas-côté. On a déjà du mal à se faire doubler par une moto.

Et en effet, renseignement pris, la route être ouverte aux voitures dans un sens le matin et dans l’autre l’après-midi. Voilà pourquoi on ne croisait jamais aucun véhicule !

Arrivés à l’entrée du Parc Meru Betiri – porte d’entrée pour la plage de Sukamade – on est contents de sortir quelques minutes à la faveur des formalités d’entrée, pour se remettre le dos en place et se remettre la tête à l’endroit. Pourtant on a roulé qu’une heure. A peine fait-on quelques mètres qu’on tombe sur les derniers types de singe noirs que Noah n’avait pas vus à Sumatra, les Siamang, puis un Hornbill dans un arbre, puis 2 hornbill volant au-dessus de notre tête. Les hornbill se sont des espèces de Toucan qu’on voit très difficilement comme tous les oiseaux dans la jungle. Noah, check – check !

Arrivés à Sukamade, on découvre notre campement, un logement sommaire en dur tout de même en mode dortoir avec 5 lits simples en rang d’oignon, mais qui fera largement le job d’autant qu’on sera tous les 3 dedans uniquement. On y mangera simple, mais bon.

Noah part avec notre guide en Vespa (première fois de sa vie qu’il fait de la vespa !!) puis va grimper aux palmiers avec Virginie avant qu’on arrête ce jeu devant la noix de coco qu’un singe à fait tomber d’un palmier à moins de 10 mètres de nous. Ce serait dommage de finir la tête fracassée à cause d’un macaque quand même !

Il se lance ensuite dans un de ses fameux « Ou est Charlie » qu’il avait déjà fait en Afrique du sud. Toujours habillé par Virginie en parfaite harmonie avec son environnement, voici notre Noah en saumon / vert pomme qui nous appelle mais qui reste totalement invisible. Il a grimpé dans un arbre pourtant à seulement quelques mètres de nous, mais caché dans le feuillage c’est un vrai caméléon.

19h départ pour la plage de Sukamade et ses tortues marines.  Et oui, malgré une grosse partie de la journée passée dans la jeep, il nous reste encore 30 minutes d’une route tout aussi impraticable pour atteindre la plage. On peut dire qu’on est loin des sentiers battus là. C’est même plutôt non qui sommes battus à la réflexion après une journée à être ballotés en tous sens.

Arrivés sur place, il nous reste encore 700 mètres à pied à faire à la lampe torche avant de déboucher sur la plage de Sukamade dont la mer apparaît illuminée comme par des centaines de petites lucioles – qui s’avèrent en fait être les lanternes des petits bateaux de pêche.

On nous fait asseoir à la belle étoile dans le sable le temps que les rangers partent en quête des tortues. Temps estimé de 0 à 4h pour voir probablement une green turtle car il y en a presque chaque soit qui viennent pondre sur cette plage protégée. Noah piaffe d’impatience, mais on réussit à s’allonger tous les 2 la tête sur le bidou de Virginie à regarder les étoiles.

Heureusement ce soir c’est assez rapide. Moins de 20 minutes plus tard on nous fait signe. On suit le ranger sur à peine 150 mètres avant de tomber sur la trace que la tortue a fait en venant de la mer. Elle a déjà creusé profondément dans le sable et est sur le point de déposer ses œufs. On s’en sort pas mal car s‘il y a virtuellement tous les soirs des tortues (il y en aura 9 cette nuit, dont 2 qui pondront effectivement, les autres faisant du repérage pour décider où pondre), elle se répartissent sur une plage de plusieurs kilomètres et d’habitude c’est plus long et plus loin.

Là on en revient à un petit soucis d’organisation que j’avais déjà vécu il y a presque 30 ans maintenant en Australie pour observer une ponte similaire, à savoir l’incapacité des rangers à rendre ce moment intime pour la tortue comme pour nous. Ce n’est pas tant qu’on soit vraiment nombreux, ce soir je dirai une vingtaine de personnes, c’est que sur une plage de 4 km, à chaque fois les rangers ne trouvent rien de mieux que d’amener tout le monde en même temps voir la même tortue et laisser les gens s’agglutiner autour.

C’est pourtant pas compliqué de scinder le groupe en 3 par exemple et soit d‘orienter les gens vers des tortues différentes quitte à devoir attendre un peu plus longtemps dans la nuit, soit si c’est la même tortue, d’y aller à notre tour. C’est un peu un marathon pour la tortue, la ponte, donc on peut pas vraiment dire qu’on observe Husain Bolt battre le record du monde du 100m  donc si on arrive 5 minutes avant ou qu’on repart 5 minutes plus tôt on verra peu ou prou la même chose..

Bref, partout sur la planète visiblement cela ne se passe pas comme cela depuis 30 ans, donc Noah joue des coudes et profite de sa plus petite taille pour se planter juste à 1 mètre de la tortue accroupi et n’en décollera plus, regardant celle-ci pondre en tout 104 œufs, tandis qu’avec Virginie on y va ponctuellement en se disant que si on montre le bon exemple les gens en feront autant ce qui bien sûr est mal avisé car si les gens étaient intelligents et altruistes, ça se saurait depuis le temps.

La tortue finie son calvaire (on voit bien que sur le sable elle fait ce qu’elle peut, rien à voir avec la grâce de l’animal une fois qu’elle est dans l’eau) et se met à grands coups de nageoires à refermer le trou qu’elle a creusé profondément dans le sol.

L’occasion aussi pour elle de se débarrasser bien involontairement des touristes trop proches à chaque fois qu’elle envoie des pelletées de sable à plusieurs mètres à la ronde. Et oui le touriste n’est pas altruiste, mais déteste le sable en pleine figure. Comme quoi faut toujours revenir aux fondamentaux pour obtenir ce que l’on veut.

On s’éloigne un peu pour s’allonger à nouveau dans la sable à la belle étoile le temps qu’elle finisse de reboucher ce qu’elle a mis une bonne heure à creuser.

30 minutes plus tard, la tortue qui a fini de reboucher son nid se dirige dans un dernier effort vers la mer. On l’a suit jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans l’eau.

Le temps qu’elle atteigne la mer, les rangers ont déterré les œufs et les ont disposés en carré sur la plage. Il y en a 104. Noah se voit offrir la possibilité d’en prendre un dans ses mains. On dirait une petite balle de golf un peu gélifiée.  Puis avec 2 autres enfants, ils empoignent les œufs et les mettent dans un grand sac. Dans le cadre du programme de conservation de Sukamade, les rangers récupèrent chaque soir tous les œufs, il les incubent pendant 50 à 60 jours, puis relâcheront les bébés tortues le jour de l’éclosion des œufs ce qui augmente grandement le nombre de tortues qui arriveront au moins à rejoindre la mer.

Normalement, Noah aura la possibilité demain aux aurores de relâcher des tortues qui ont éclos aujourd’hui.

21h30. Il est temps de rentrer car on a encore 700 mètres à pied, 30 minutes de jeep et le réveil demain est prévu pour 4h30 du matin. Vive les vacances !

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