La nuit fut courte et passablement mouvementée On avait passé 40 minutes hier soir à préparer et réorganisé nos 2 sacs à dos pour aller bivouaquer dans la jungle, on allait se coucher tôt, mais là, impossible pour Noah de trouver le sommeil. Monsieur avait les fesses qui le grattait, il était déjà 23h et aucun signe d’amélioration. Nous on avait surtout en tête que demain il faudrait qu’il marche 6h dans la jungle… Plus il allait aux toilettes, plus ça empirait (désolé Noah pour les détails si tu relis ça un jour).

J’en profite pour une petite digression sur notre ami Panji à ce sujet. Depuis le début du séjour il vient régulièrement me voir moi ou Virginie pour nous dire que « si on veut faire un pipi ou un caca, les toilettes c’est là-bas ». j’aurai pu lui dire qu’on ne dit pas trop ça normalement, mais en même temps ça un côté attachant, donc je ne me suis toujours pas résolu pour l’instant à avoir cette discussion. C’est un peu comme expliquer à son enfant comment on fait les bébés.

En tout cas, quand on pensait que c’était déjà la cata (pas la caca, hein ? ), Noah se met à dire qu’il a mal à l’œil. On allume, et bam, il a l’œil rouge et la paupière bien gonflée. Ca sent a minima la conjonctivite. Bon déjà moi je suis phobique des yeux, donc ça me touche, mais la conjonctivite quand tu t’apprêtes à partir bivouaquer dans la jungle avec des insectes gros comme le bras partout…

On joue les apprentis médecins avec Chat Gpt en retraçant ce qu’on a fait depuis 3 jours. Mais ici en Indonésie il y a une bonne dizaine de raisons et d’endroits possibles qui peuvent expliquer où c’est parti en sucette (piscine du premier jour avec toute la smala qui se baigne habillée, les heures passés dans l’eau de rivière, la propreté douteuse des chambres, la bouffe épicée… Chat GPT opte pour la conjonctivite aussi en tout cas..

Alors qu’on a pris une montagne de trucs en pharmacie au cas où, sur l’œil, on n’est pas nul, mais on n’est pas au top. Virginie trouve un dosage égaré d’Aziter, (l’antibio qui avait servi à la dernière conjonctivite de Noah) et on a un autre antibio qui peut faire le job potentiellement qu’on a en plus grosse quantité, mais qui est probablement moins puissant. Enfin, on a une dizaine de doses de sérum physiologique pour laver l’œil (rien que d’en parler avec ma phobie des yeux je tourne de l’œil tien)

Pendant que Virginie lui administre ce qu’on a, je sors dehors pour trouver un peu de réseau et tenter l’appel à un ami, en l’occurrence Mickael, qui est ophtalmo. Il est pas encore trop tard à Paris, bingo il décroche. Il confirme la conjonctivite et plutôt et de traiter plutôt avec de l’Aziter même si un peu juste pour faire un traitement complet.

Quand je reviens dans la chambre, Noah s’est endormi. Il est minuit et demi. On décide de voir dans quel état il est demain avant de statuer sur go ou no go dans la jungle.

Le décor enfin planté, je reprends mon récit car il est maintenant 8h15. On a rdv à 9h pour rappel, en plus avec 2 hollandais. On n’a pas voulu réveiller Noah avant parce que ça faisait déjà une nuit mini mini, mais tant qu’il a les yeux fermés dur de savoir dans quel état est son oeil. En plus à défaut d’avoir bien dormi, si on y va il faut au moins qu’il mange un truc avant…

Bref, on réveille doucement notre petit bonhomme et son œil va mieux. C’est pas top, mais ca a évolué dans le bon sens. On imagine les mamies hurler que ce n’est pas raisonnable et donc ça finit de me décider de partir quand même en bivouac. Arrivés au petit déjeuner, nos hollandais sont à la table d’â côté en train de déclarer forfait. Le mec n’a pas dormi de la nuit, probablement malade de quelque chose, et lui, il a dû écouter ses mamies. Nous revoici donc à nouveau seuls pour le bivouac, ce qui nous permet de partir 30 minutes plus tard en ayant moins la pression d’être les boulets qui retardent tout le monde.

Notre guide ne le sait pas, mais en fait il a bien failli se retrouver avec personne !

Au petit déjeuner, il a voulu lister tous les animaux qu’on pouvait avoir une chance de voir dans la jungle. On en a recensé 24 en écartant ceux qui vivent dans la jungle mais qu’on ne voit absolument jamais tels que le tigre ou les éléphants qui évoluent beaucoup plus au nord. Je dis Le tigre parce qu’il doit y en avoir qu’un là-bas. En tout cas le guide en 8 ans n’en n’a jamais vu.

On part à pied direct de l’écolodge, un peu chargé comme des mules, notamment parce qu’on doit prendre beaucoup d’eau, en l’occurrence 6 litres pour la journée ce qui pèse déjà son poids. Noah est fin prêt. Il a glissé dans la poche de son pantalon son petit carnet d’observation avec son crayon Legami panda.

On n’est même pas encore sortis de l’écolodge qu’on a déjà vu un serpent dans un arbre. Check ! Et voila maintenant des Thomas leaf Monkey ! Check. On longe ensuite un petit canyon où l’on repère une ruche avec des abeilles, puis une grosse araignée bien dégueu. Check check ! A chaque fois, Noah sort son carnet, parfois tellement vite qu’on se sent obligé de lui rappeler de d’abord regarder et qu’il aura tout le temps de sortir son carnet plus tard, mais rien y fait, c’est quasi compulsif chez lui.

On traverse ensuite la fin d’une forêt de plantation de caoutchouc et nous voici désormais aux abords du parc Leuser. Welcome to the jungle, comme dirait les Gun’s N’ Roses.

Après les Thomas Leaf, on observe les macaques à longue queue, puis les macaques à queue de cochon (parce qu’ils ont une toute petite queue un peu en tire-bouchon), un gibbon aperçu de loin, mais surtout nos premiers orangs outans vu de prêt !

Pour rappel, l’orang outan a quelques caractéristiques bien précises qu’il est important de rappeler en plus de sa fourrure marron caractéristique et son extrême grande taille. D’abord il est de la famille des gorilles et pas des singes.  Il est de loin le plus intelligent des primates alors qu’il est le seul à vivre seul ce qui pourrait être au contraire un handicap. Les plus grand spécimens pèsent 120 kg et mesurent 1m50 de haut, pour 2,50 m d’envergure. Ils sont 4 à 7 fois plus fort qu’un homme. Ils vivent de 35 à 55 ans.

Son rayon d’action est de 800 mètres par jour en moyenne, il se construit un nid dans les arbres et va se faire 2-3 siestes par jour en plus de bien dormir la nuit, contrairement à notre petit singe à nous qui fait des nuits bigrement courtes en ce moment. 

Les blogs de voyage que j’avais lu indiquaient du monde autour des orang outans aux abords du parc et c’est en effet le cas. En fait ce qu’il se passe c’est que la jungle est très dense et qu’ils ont donc fait (ou décidé d’entretenir) que 2-3 sentiers qui serpentent jusqu’au parc. Donc s’il y a un orang outan, automatiquement les guides se passent le mot et la cinquantaine de touristes qui sont dans le coin convergent. Comme l’observation dure longtemps, très vite effectivement tu as trop de monde.

Par ailleurs, beaucoup de gens viennent pour 2-3 heures seulement dans le parc. Ils n’ont donc le temps que d’effleurer les abords du parc. C’est la raison pour laquelle on a opté pour un bivouac car j’avais compris qu’au-delà de l’expérience elle-même c’est aussi l’occasion en s’enfonçant dans la forêt de retrouver une intimité avec les orangs outans.

En moyenne, ; les différents récits de voyage que j’ai pu lire indiquent 3 à 5 orangs outans vus quand on part en bivouac sur 2 jours dont la plupart assez hauts dans les arbres.

On en verra 9 dans la seule première journée jusqu’au bivouac, donc plutôt largement au-dessus de ce que j’avais lu. En plus, on verra toute une palette de situations. 3 femelles avec leur petit à chaque fois, 1 mâle alpha et 2 femelles seules. Parfois haut dans les arbres, mais à plusieurs reprises à seulement quelques mètres de nous.

Dès les abords du parc notre guide nous indique qu’un orang outang a été aperçu. Devant le monde qui s’approche je lui demande si ca vaut pas le coup d’aller plus loin dès maintenant, mais il me dot que c’est un mâle alpha et qu’on a peu de chance d’en voir d’autres. Le mâle dominant développe une caractéristique avec le temps, des larges coussins de peau sur les joues, appelés flanges qui attirent les femelles et impressionnent les rivaux potentiels.

Pour le voir, il faut quitter le chemin et s’enfoncer dans la jungle dans les petites collines. Celui-ci se prélasse dans son nid en haut d‘un arbre avant de finir par descendre jusqu’au sol. On le suit sur une cinquantaine de mètres mais à bonne distance. C’est celui qu’on a vu pour le coup avec le plus de monde autour mais en même temps ce fut un spectacle intéressant car autant lorsqu’il était en haut de l’arbre tout le monde cherchait à s’agglutiner juste en dessous, autant lorsqu’il s’est mis en tête de descendre et que les gens ont réalisé la taille et la force de l’animal, les gens se sont éparpillés en tous sens et pas toujours de manière très coordonnée.

Pour l’orang outan, lui, il est dans son habitat, donc il se déplace facilement et assez vite. Mais nos touristes dans la jungle, et dans ce cas précis sur un flanc de colline boueux enchevêtré de racines, de petits ruisseaux et de végétation dense, ce fut une autre histoire. Avec notre guide on a toujours été en anticipation du mouvement de l’orang outan donc on avait toujours un moyen de repli ce qui nous a permis d’être parfois à seulement quelques mètres de lui, mais jamais en situation délicate. Tout le monde ne put en dire autant durant cette séquence qui rendit l’orang outan aussi majestueux que l’homme pataud.

Mais l’orang outan, sûr de lui, fini dans la débandade par attraper un morceau de pastèque abandonné dans la panique générale et alla tranquillement la manger dans un arbuste à seulement quelques mètres de haut, nous permettant une nouvelle fois de profiter de l’instant.

Pour les autres observations, on ne sera jamais vraiment seuls, mais au fur et à mesure de l’avancement de la journée on se sera retrouvé avec seulement quelques autres personnes dans un cadre suffisamment intimiste pour que ce soit agréable.

Au final, mine de rien, on aura quand même marché 6h dans la jungle sur un peu plus de 300 mètres de dénivelé et dans des conditions de montée difficiles. Il a fait chaud, très chaud. On était déjà trempé avant de partir, alors inutile de vous dire que la perspective de se rafraîchir dans la rivière au bivouac fut un bon outil de motivation sur la fin. Noah comme d’habitude dans ces situations a été au top à tous points de vue. Il a avalé les kilomètres mieux que nous, est resté concentré et admiratif devant les animaux.

S’il n’a pas accroché avec les fruits du dragon qui restent probablement le plus beau fruit au monde – et le plus tachant ce qui aurait pu le motiver – il s’est découvert une passion pour les fruits de la passion qu’il n’a cessé d’engloutir à raison de 5 à 6 par repas et pause goûter.

Virginie a été super aussi comme d’habitude, spottant un perroquet magnifique qui n’était même pas sur la liste de Noah et que même le guide a pris en photo tellement on n’en voit jamais.   

Quant à moi, j’ai étonnamment survécu malgré mon opération récente de la cheville (2 arrachements du ligament externe et profond et un 3ème distendu il y a seulement 3 mois). Je me demande encore comment j’ai fait pour monter et descendre tout cela dans ce fatras de racines glissantes, de boue et de végétation, le tout sans chevillière (enfin j’en avais une dans le sac mais par plus de 30 degrés dans cette moiteur j’avoue avoir opté pour le confort).

Un grand merci à Monique pour le ventilateur électrique qu’elle avait offert à Noah et que tout ceux qu’on a croisé nous ont regardé avec envie. Un guide local est même venu essayer de le marchander à Noah en rigolant, et moi j’en ai bien profité j’avoue.

16h, nous voici arrivés au bivouac. On entendait le bruit de l’eau depuis 10 minutes déjà. On venait de se monter au moins 80 mètres de dénivelé d’affiliés dans une moiteur étouffante, on avait perdu Panji qui était en train de crever derrière de fatigue sous le regard amusé ou médusé je ne sais pas trop, de notre « jungle guide », et on redescendait maintenant probablement au moins le même dénivelé si ce n’est plus dans la boue et une forte pente au point de rendre la montée presque plus agréable.

Mais quel bonheur une fois en bas de retirer ses chaussures et de plonger nos pieds dans l’eau froide avant de s’y allonger tout entier. 5 petits campements ont été installés le long de la rivière séparés d’une quarantaine de mètres chacun au gré des coudes des rivières. Notre campement en bord de rivière est composé de 2 cabanes ouvertes sur l’extérieur qui se font fasce et 2 aires plates surplombant légèrement la rivière sur lesquelles des matelas ont été posés et qui nous serviront à dîner le soir.

Sur la cabane d’en face, une famille de 6 hollandais, Dans notre cabane, on a 3 petits matelas disposés côté à côté. 2 matelas regroupés sous une même moustiquaire et l’autre à côté sous une petite moustiquaire. Noah est parti arpenter la rivière de long en large, prenant plaisir à observer feuilles et morceaux de bois qu’il jette dans la rivière dériver de cascades en cascades. Depuis qu’il est tout petit il voue une véritable fascination au mouvement de l’eau, des vagues qui peut le plonger en transe des heures dans des phases quasi hypnotiques.

J’en profite pour bricoler un truc avec les 2 moustiquaires pour réunir nos 3 matelas, puis à caler les bords avec chaussures et sacs à dos pour rendre l’ensemble suffisamment stable pour que les moustiquaires restent efficace car côté insecte, il y a vraiment de tout ici, et pas que du petit et sympathique. Quand Noah revient, cette transformation des lieux le rempli de bonheur. Avec ses petits sujets de santé depuis 24h, et même si son traitement conjonctivite a l’air de faire effet malgré les gouttes ouvertes à l’air libre depuis ce matin, il est rassuré, et nous aussi de pouvoir rester contre nous ce soir.

Jeu de cartes ce soir au coin du feu avec les bruits de la jungle tout autour de nous tandis que les macaques passent d’arbres en arbres juste en face de nous. Magique.

%d blogueurs aiment cette page :