Aujourd’hui, si on y arrive, on va tenter un morceau du Kalalau trail, considéré comme le plus beau trek de Hawaii. Noah, a à peine 6 ans, entamerait ainsi son 3ème trek « mythique » après le W à Torres del Paine en Patagonie et celui du Landmanalaugar en Islande.

Qu’est ce qui rend ce trek si intéressant ? Le kalalau trail est le seul qui permet de longer la célèbre Napali Coast en empruntant une succession de ridges pour atteindre au bout de 11 miles, la plage de Kalalau. Ce trek est réputé particulièrement difficile du fait du franchissement des ridges et de la nature boueuse du terrain qui dès qu’il pleut rend les franchissements hasardeux. Ce trek se fait en général en 2 à 3 jours en aller-retour. Il n’est donc pas question de le faire entièrement, mais d’en emprunter le premier tiers.

Mais avant de se lancer dans l’aventure sportive, il va falloir passer la barrière administrative qui s’annonce au moins aussi compliquée. Je m’explique. Quand j’avais regardé en 2020 pour préparer notre tour du monde, il fallait demander un permis uniquement pour pouvoir bivouaquer à l’intérieur du parc ce qui n’avait de sens que pour ceux qui faisaient l’intégralité du trek.

Sauf que voila, la réglementation a changé depuis. Pour faire face à l’affluence, le permis est désormais obligatoire depuis avril juste pour rentrer dans le parc national. Les résas ouvrent 30 jours à l’avance et bien sûr avec les places limitées tout est complet depuis belle lurette.

Heureusement -enfin je l’espère- les hollandais qu’on a rencontré dans l’hélico il y a 2 jours et qui nous ont fait part de cette galère ont aussi partagé une astuce qui leur a quand même permis d’entrer.

J’ai parlé de cette astuce à la réceptionniste de notre hôtel pour voir ce qu’elle en pensait. Elle a fait des yeux de poisson globe en nous disant que c’était illégal et probablement impossible et qu’on serait en gros damnés si on le faisait. Non, le mieux selon elle, serait de me connecter toutes les 10 minutes à la plateforme, de préférence de nuit pour voir si un désistement se ferait.

Ben voyons. Je me suis connecté à 23h juste pour le fun, et il n’y a toujours pas de créneau dispo avant le 16 août ….

S’il est inconcevable pour un Américain ne serait-ce que d’envisager de franchir la ligne jaune, étant français je ne me sens pas lié par ce mantra et je vais tenter le plan hollandais. Et comme chacun sait le hollandais est roublard, ça peut marcher.

Je vous fais saliver là, hein ? C’est quoi le plan Hollandais ? On creuse un tunnel sous la barrière du Parc et on se faufile incognito dessous ?

Et bien non. C’est plus simple que ça heureusement. Et tant mieux d’ailleurs car depuis le kayak mon avant-bras droit a mystérieusement gonflé et je ne peux virtuellement même plus battre les cartes quand Noah me demande de faire un rami tellement ça me fait mal. Alors de là à manier une pelle et une pioche…

Donc Mr Hunt, votre mission si vous l’acceptez, consiste à tromper la sécurité du parc pour aller au Kalalau trail.  Un ingénieux dispositif a été conçu pour vous y empêcher. Un permis nominatif, daté, non transférable, non vendable est exigé avec contrôle d’identité à l’entrée. Il ne peut être obtenu qu’en ligne.

L’astuce réside en réalité dans la façon de te rendre au parc car le mode de contrôle diffère. Si tu y vas en voiture, le contrôle à l’entrée du parc est draconien car le parking est minuscule et ils ne te laissent donc pas rentrer si tu n’as pas un billet valide. Mais si tu choisis de prendre la navette gratuite pour aller au parc, alors l’histoire est différente et le contrôle plus laxiste.

Dans notre cas c’est un peu couillon car on dort à littéralement 10 minutes en voiture de l’entrée du parc en voiture alors que pour prendre la navette il va falloir rouler 25 minutes dans l’autres sens puis se cogner ensuite 40 minutes de navette et donc repasser joyeusement devant notre hôtel. Mais on n’a rien sans rien donc nous voici partis pour le parking de la navette.

Sur le parking de la navette, il y aurait donc selon nos Hollandais une complice. En moyen d’identification, elle se balade avec un parapluie même quand il fait beau. Tu l’abordes et quand tu lui exposes ton problème, elle propose la combine suivante. Tu achètes un permis avec billet navette pour la première date que tu trouves (même si c’est dans un mois). Tu te pointes comme une fleur à la navette et tu demandes si tu peux quand même prendre la navette. Sur un petit signe de sa part à son collègue en charge du contrôle des billets, il te met alors sur une liste d’attente et dès qu’une place se libère sur la navette, hop ils te font monter, et le tour est joué car arrivé au parc tu n’es pas recontrôlé.

Mais pour cela il faut acheter les billets avant d’arriver au parking de la navette car par de réseau sur le parking donc nos Hollandais avaient dû retourner en ville pour avoir du réseau et acheter les billets. Ensuite, eux, en arrivant à 10h du matin, ils ont attendu 1H30 (il y a une navette toutes les 30 minutes) et ont fini par avoir deux places dans la navette.

Leur conseil, se pointer plutôt à 11h car les navettes sont alors moins remplies vu que c’est un créneau pourri car il faut être de retour pour 17h et le trek est long même quand tu n’en fais qu’un bout. Donc plus tu pars tard plus ça perd d’intérêt et moins la navette est chargée.

Moi je ne vois pas la logique du raisonnement vu que tous les créneaux sont full, mais donc comme je veux nous laisser une chance d’avoir le temps pour randonner, je ne raconte pas tout cela à la petite famille, et nous voilà à 8h50 muni de nos billets achetés pour le 16 août (alors qu’on est le 29 juillet), à chercher la femme au parapluie sur le parking. J’espère qu’elle bosse ce jour-là, sinon j’ai acheté des billets pour rien.

Premier bon point, je la repère tout de suite. Facile en même temps, c’est elle qui nous indique où se garer. Elle me demande si je suis sur la navette de 9h. J’avais plein d’idées en tête pour expliquer une erreur sur la date des billets mais en fait les billets indiquent en énorme quand ils ont été achetés, soit il y a 20 minutes, donc j’opte pour l’honnêteté, car comme chacun sait, l’honnêteté paye parait-il.

« Non,  je suis sur la navette du 16 août, mais je me disais que vous pourriez peut-être me mettre sur une liste d’attente et si jamais quelqu’un ne vient pas on serait content de prendre sa place ». Ca a l’air tellement bien rodé leur truc qu’elle hoche à peine la tête, me dit de me garer là, et m’envoie direct sur sa collègue en lui faisant un signe. La collègue note mon nom sur une feuille de papier, récupère mon billet et note consciencieusement billet du 16 août.

Je m’attendais à attendre 2h et à affronter l’ire de Noah et Virginie dont j’avais abrégé un peu violemment le petit-déjeuner, car je ne vois pas bien à la réflexion pourquoi des gens qui payent cher un billet ne viendraient pas. Mais à peine 5 minutes plus tard, on nous appelle pour nous embarquer sur la navette de 9h. Virginie prise au dépourvu a même dû se presser pour boucler les sacs ce qui fait qu’on n’aura pas vraiment ce qu’il faut pour le trek au final.

Ce qui me permet une petite réflexion. S’il y a autant de places de libre dans la navette c’est qu’en fait nous sommes des tonnes à acheter des billets pour dans 3 semaines qu’on utilise tout de suite…

En tout cas, après 40 minutes de bus et avoir fait coucou à notre hôtel par la vitre du bus, on arrive à l’entrée du parc et la barrière s’ouvre sans le moindre contrôle des gens à l’intérieur du bu. Les coatis sont dans la place et vont faire le Kalalau trail ! Merci les Hollandais.

Après un rapide briefing d’un ranger sur la dangerosité du trail qu’on n’écoute que d’une oreille parce que depuis qu’on est là on ne fait que voir des panneaux qui nous annoncent des morts horribles par noyade ou écrasement de rocher chaque fois qu’on randonne, on prend la direction de la plage de Ke ‘e d’où un panneau annonce enfin le départ du Kalau trail.

Le chemin annonce tout de suite la couleur de la rando, on s’enfonce direct dans la première ridge par une première grosse montée. Il fait assez moite et on a vite chaud en montant mais on est dans le cœur de la végétation et donc le plus souvent à l’abri du soleil. Il n’a pas plus depuis un bout de temps et le chemin n’est pas boueux. En revanche ils annoncent possiblement de la flotte dans l’après-midi.

Comme les superlatifs ce n’est pas trop mon truc, regardez les photos, elles parlent d’elles-mêmes. Que c’est beau, que c’est beau !

2H plus tard à monter et descendre pour franchir chaque ridge, nous voici arrivés sur la plage de Anakapi. On pourrait doubler la mise et aller jusqu’à une cascade, mais ça passe la rando à 8h de marche. Le temps devient nuageux, voir potentiellement pluvieux donc on décide de s’arrêter là et de profiter plutôt de l’endroit que de tout faire au pas de course en mode exploit sportif.

Ceci plait d’autant plus à Noah que très rapidement cette plage va s’avérer son paradis ultime.

Je m’explique. Pour atteindre la plage, on longe d’abord une petite rivière qui oblige de crapahuter dans les rochers (1er kif). Arrivée à la plage, celle-ci oblique alors à 90 degrés une dizaine de mètres à l’intérieur de la plage créant un cours d’eau – gelé – naturel pour patauger dedans voir faire des châteaux de part et d’autre (2ème kif). Puis 100 mètres plus loin, la rivière arrive en bord d’un ridge qui délimite la plage et plonge sous-celui-ci dans une anfractuosité de la roche (3ème kif).

Quand Noah découvre qu’il peut pénétrer par l’interstice de la grotte de moins de 1m de haut en barbotant dans la rivière et ressortir 30 mètres plus loin de l’autre côté de la grotte (qui entre temps fait désormais 20 mètres de haut) pour déboucher sur la mer, il exulte (4ème kif). D’autant qu’à cet endroit deux rochers encadrent un bras de terre et que d’énormes vagues non seulement s’écrasent dessus mais en plus créent régulièrement une contre vague qui remonte le cour de la rivière jusque dans la grotte (5ème kif).

Rajoute à cela le fait qu’on découvre des crapauds d’eau de mer qui voyagent l’un sur l’autre (6ème kif), Noah est comblé et ne s’intéresse mais alors plus du tout à nous.

Noah s’en paye une bonne tranche jusqu’à la première alerte pluie qui nous pousse à nous réfugier sous les cocotiers un peu en hauteur sur la plage le temps que ça se calme.

On aurait pu repartir d’ailleurs une fois l’averse passée, mais Noah se rue une nouvelle fois vers la grotte tandis que Virginie part de l’autre côté de la plage prendre des photos. Me retrouvant pour changer écartelé entre 2 volontés, je vais utiliser mon talent de médiateur qui va être l’occasion d’une rencontre bien sympathique.

Et quand j’y arrive enfin et qu’on se met à traverser la plage, on se rend compte qu’en plein milieu de la plage, près de l’eau, ce que tout le monde prend pour 2 rochers sont en fait 2 énormes phoques qui se prélassent au soleil.

Noah court chercher Virginie qui n’en croit pas ses yeux car elle non plus ne les avait pas remarqués alors qu’elle est passée virtuellement devant il y a 10 minutes, et nous voilà tous les trois allongés à 2 mètres de nos 2 phoques comme si on était 2 familles en bord de mer à Biarritz sur la grande plage.

On s’est vraiment bien marrés d’autant qu’à part un autre couple personne sur la plage n’a tilté sur les phoques. Tellement d’ailleurs qu’on n’a pas vu vraiment venir la deuxième averse qui cette fois va s’abattre sur nous avec toute la force des pluies tropicales pendant plus d’une heure à peine 2 minutes après qu’on ait eu le temps de remettre nos chaussures et de quitter la plage.

On va faire les ¾ du retour sous une flotte battante, littéralement trempés, ce qui aura pour avantage d’accélérer le rythme. Ce qu’on avait fait en 2h, on le ferait en moins d’1h30. Mais le soleil ressort pour la dernière demie-heure, on sèche vite et les couleurs de la végétation sont rendus encore plus éclatante par la pluie qui vient de s’abattre.

Il est 16h quand on finit notre rando. On a même 1h pour se prélasser sur la plage de Ke’e au pied des ridges avant de prendre notre navette de retour à 17h. On est totalement pouilleux de la boue et de la flotte qu’on a pris, mais heureux de cette journée.

Du coup on va dîner une nouvelle fois à l’Hotel ce soir. Pas le courage de reprendre la voiture pour sortir. Et c’est ainsi que Noah va s’endormir pour la deuxième fois du séjour dans son lit. Incroyable !

%d blogueurs aiment cette page :