En arrivant hier soir, Aurelio, le propriétaire de la Posada, m’avait proposé de nous indiquer les choses à faire dans le coin, mais demain matin. tout au plus avais-je réussi à lui arracher le fait que c’était mieux de partir avant 9h car après il fait très chaud dans le coin. Alors que j’ai une propension en voyage à vouloir plutôt programmer les choses la veille, avec lui impossible. C’est presque une philosophie de vie pour lui. il sait ce qu’il va nous faire faire et ne voit pas l’intérêt de nous en parler avant que ce ne soit l’heure. Ca ne m’étonne qu’à moitié d’ailleurs car je n’avais eu de cesse ces dernières semaines de lui demander comment organiser une visite à l’observatoire astronomique de la région et alors qu’internet fourmillait d’infos sur le fait qu’il fallait le faire en avance, lui me réécrivait invariablement qu’on verrait sur place et qu’il n’y aurait aucun problème.
Toujours est-il que ce matin, on n’a pas eu le cœur à réveiller Noah avant 8h30 après les 48h qu’on vient de vivre. Il aurait pu dormir plus mais on s‘est dit que la ½ heure de sommeil en plus ne vaudrait pas les 5 degrés de plus quand on marcheraIt dans la journée.
Comme Noah est cool, on le réveille tout doucement et il est tout de suite joyeux à l’idée de prendre son petit déjeuner. En fait ce qu’il aime c’est aller se faire des assiettes gargantuesques au buffet mais après il mange trois fois rien comme d’habitude et on doit toujours se fâcher un peu pour qu’il ingurgite assez pour tenir jusqu’au soir vu que nos déjeuners sont on ne peu plus frugaux le plus souvent. Petite déception pour lui d’ailleurs car ici, pas de buffet mais de belles assiettes déjà préparées. Pour la vue en revanche, on a l’impression d’être devant un tableau.
Après le petit dej, le proprio de la Posada, en mode pince sans rire mais qui maîtrise bien son truc m’invite à le rejoindre. Il a décidé que c’était l’heure de me présenter notre programme de la journée.
Derrière le bar, il me sors une feuille blanche et se met à me dessiner une patate genre ce que Noah fait quand il commence à dessiner un fantôme. Puis me jète quelques noms sur la feuille à différents endroits de la patate. Puis retourne la feuille et me fait 5 traits et 2 triangles. Voilà. « Demerden sie sicht » (J’utilise mon rudiment d’allemand parce qu’il a une tête d’allemand).
Puis quand même, sympa, après un long silence, il me commente un peu les 2 cartes. C’est simple. Tu sors de la Posada, tu vas tout droit, puis tout à droite, puis tout à gauche, puis à un triangle, tu prends à droite et tu traverses Barréal. Après Barréal, tu roules 8 à 10 min et tu vas voir un panneau Cerro de los 7 colores (un autre que la veille je suppose puisque celui de la veille est à 130km d’ici). Mais attention ajoute t-il, personne ne voit jamais ce panneau donc regarde bien. Il me décrit ensuite 3 autres étapes avec le même niveau de détail (C’est à dire que dalle) et après m’avoir décrit Les 3/4 de sa « patate » qui devrait me prendre entre 2 et 3h, Il me dit qu’à un embranchement je suivrai la direction Finca Nocce sur 1 ou 2 km, et arrivé à la dernière maison sur la droite, je n’aurai qu’à demander Gretel de sa part et n’aurai qu’à lui demander si on peut faire un pique nique chez elle et si elle veut bien vous montrer des animaux. Ah, et que je n’oublie pas de m’arrêter à un supermarché à Barréal pour prendre de quoi faire le pique-nique bien sur. Et bien, pas une seule idée de kilométrage ou d’indications que reconnaît Google. On n’est pas rendu.
Je rentre dans la voiture, annonce la couleur à Noah et Virginie : aujourd’hui c’est journée chasse au trésor, et je montre les 2 cartes. On fait 50 mètres. On sort de la posada et là ou son plan ne montrait qu’une ligne droite, et on a un embranchement. Parfait on est perdu dès le départ. Ca, c’est fait.
Je mets la direction de Barreal sur Google maps et retrouve un chemin qui s’approche de ce qu’il a mis sur la carte. Je me mets en quête du triangle indiqué sur la carte – est-ce un vrai triangle ou une métaphore, va savoir, toujours-est-il que bien entendu, on ne le trouvera jamais -. On sort de Barréal après avoir fait un stop un peu folklorique à l’unique supermarché du coin, mais c’est vraiment pas clair de savoir à quel moment on n’est vraiment sorti de Ce village. Il nous reste donc l’indication approximative des 8 à 10 min de route pour trouver l’indication Cerro Los 7 colores, réputée introuvable. Comme il est introuvable, on roule doucement, du coup les 8 – 10 minutes qu’il nous avait indiqué ne veulent absolument plus rien dire. On ne sait déjà pas quand on est sorti du village qui est le point de départ des 8-10 minutes, et je doute qu’il ait calculé la durée en roulant à une vitesse d’escargot.
A un moment, on croise tout de même un panneau qui semble indiquer « le cimetière coloré » avec un chemin qui va vers les montagnes. On décide que ce n’est pas ça, mais après avoir roulé 10 min de plus ou l’on n’a pas vu l’ombre d’un chemin sur la droite et encore moins de panneau, on décide donc de faire demi-tour au prochain embranchement. Rien d’absurde à ce que le Cerro los 7 colores soit près du cimetière coloré. Et c’est la qu’un miracle se produit, qui nous étonne d’ailleurs un peu. Bien visible sur les panneaux de l’embranchement, « Cerro los 7 colores : 7km » à droite. En plus il indique aussi « Cerro Alcazar : 11km » qui est l’autre nom sur la carte du trésor.
On serait donc sur la bonne route, mais ca nous laisse perplexe. C’est bizarrement très bien indiqué pour un panneau introuvable et on a roulé 20 minutes plutôt que 8-10. On était si lent que ça ?
Trop content d’être officiellement toujours sur la « patate », On poursuit jusqu’à voir un nouveau panneau « Cerro los 7 colores 1,5Km ». La classe à Vegas. Je me souviens même avoir plié en 2 le papier avec la patate pensant que c’était gagné pour la première étape..
Sauf que voila, on voit peu après un nouveau panneau « Cerro Alcazar 800m ». Mierda. Cela ne vous a pas échappé, si Cerro Alcazar était 4km après Cerro los 7 colores et qu’on est à 800M du Cerro Alcazar, c’est tout bonnement qu’on a raté le Cerro los 7 colores. Mais comment on a fait ? On n’a même pas vu d’embranchement ? Comme dirait Ross dans Friends (la référence des vieux de 40 ans) : on n’avait qu’à être « Unagi » (en éveil). On repart dans l’autre sens et rassurés on voit rapidement un panneau Cerro los 7 colors 1,5 km. On regarde au compteur et après 1,5km on ne voit rien. Pourtant on voit bien des montagnes sur le côté qui ressemblent aux 7 colores. On continue encore 2 km, toujours rien tant est si bien qu’on finit à nouveau à l’embranchement du début « Cerro los 7 colores : 7,5Km » qui l’indique dans l’autre sens. On commence à comprendre le concept du « panneau que vous ne verrez jamais », à moins qu’on soit tombé dans un film de Stephan King et qu’on soit sur le point de vivre un truc horrible.
On repart dans l’autre sens doucement et on ne veut tellement pas se louper à nouveau, qu’on se met à imaginer que des bas côtés sont en fait des début de routes. On arrive à nouveau au panneau « Cerro los 7 colores : 1,5 km » avec une flèche vers la droite. On regarde, pas de route. On fait 100m et en me retournant, que vois-je ? « Le panneau dans l’autre sens indiquant lui aussi 1,5km ». A 100 m de distance, on a donc 2 panneaux en sens contraire qui indiquent le Cerro Los 7 colores à 1,5 Km, mais pas l’ombre d’un embranchement entre ces 2 panneaux. Est-ce qu’on serait pas gentiment entrain de se foutre de nous ?
A bien y réfléchir, la logique serait donc qu’entre ces 2 panneaux existait une route qui mène dans 1,5km au Cerro los 7 colores. Je demande à Virginie de s’arrêter, je sors de la voiture, et m’enfonce un peu à pied dans le désert pour voir, Virginie morte de rire. Et là qu’est-ce que je vois ? Il y a en effet une espèce de début de chemin de terre à une cinquantaine de mètres de la route, sauf que tout entre le début du chemin et là ou nous sommes a dû être emporté par une crue.
Je vous laisse voir en image, moi je suis au début du chemin et en face c’est la route. Mouais… Mais au moins maintenant on sait ou est le Cerro Los 7 colores.
Il est 11h30, largement plus de 30 degrès en plein cagnard, pas d’ombre bien entendu, mais les 7 colores à 1,5 km probablement dans cette direction. On se réjouit que les grands-mères ne soient pas avec nous pour nous objecter que ce n’est pas raisonnable, vu qu’on a décidé d’y aller. Comme ca cogne, on mettra Noah dans le porte bébé et on marchera vite. Le temps de se mettre en route, une autre voiture s’arrête. Le gars cherche aussi apparemment les 7 colores depuis un bout de temps. Moi je me demande s’il n’attend pas plutôt qu’on se barre pour nous braquer la caisse, mais Virginie revient en me disant qu’il se badigeonne de crème solaire, donc il doit juste être un touriste local paumé comme nous.
Rassurez-vous les mamie, on n’a finalement pas fait la marche en entier, mais la moitié. D’abord parce qu’on est raisonnable et qu’on voulait pas retrouver un Noah changé en saucisson sec dans ce four, et puis parce que la route a tellement été emporté qu’au bout d’un moment, il n’y avait carrément plus de chemin à suivre et qu’on ne se voyait pas finir à l’estimé dans le désert avec le petit bonhomme. On n’a donc pas été jusqu’au pied, mais pu quand même admirer les montagnes colorées.
Après cette première étape haute en couleur à tous les titres, direction le Cerro alcazar juste à côté, que pour le coup on trouve tout de suite (c’en est presque décevant), même si on aura l’impression de rentrer dans un coupe-gorge au début lorsqu’on se met à s’engouffrer dans un canyon dans un chemin de terre après avoir passé une camionnette louche à l’entrée avec personne dedans…
Sans surprise, on est absolument seuls dans le Cerro Alcazar. A la faveur de la structure rocheuse, au moins ici, on peut trouver quelques coins d’ombre de temps en temps. Noah en profite pour jouer dedans et se rafraîchir.
L’endroit est assez magique je dois dire, d’autant que la température baisse subitement à l’approche de nouveaux orages (Et oui, dans une des zones les plus désertiques du monde, on est sur le point de vivre en 48h notre deuxième orage). Mais en attendant on crapahute joyeusement Près d’une heure en profitant de cette vague de fraîcheur inattendue.
Après l’effort, le réconfort. Noah s’endort et on passe les autres points du plan « patate » sans vraiment s’arrêter – un peu parce qu’on ne trouve pas toujours le point d’intérêt, et aussi pour laisser souffler notre petit bonhomme. Avec ces températures, on fatigue plus vite.
Ceci nous amène au fameux embranchement qui doit nous permettre d’arriver chez la fameuse Gretel pour le pique nique. On se retrouve à nouveau dans un chemin à peine praticable, et tandis qu’on s’échange à suivre des indications toujours aussi improbables, on en vient à délirer avec Virginie au fur et à mesure qu’on s’avance dans ce coupe gorge sur le fait qu’on est sur le point de revivre à la mode argentine l’histoire de Hansel et Gretel. On déboucherait sur une maison en friandises à la fin qu’on en serait à peine étonné.
Après s’être à nouveau trompé et fini dans la grange de quelqu’un d’autre, on trouve Gretel. Si, si, promis. Et même à se faire montrer la petite ferme (des chevaux et des poulains de 15 jours, 2 lamas, des cochons qui puent, des meules de foins ou Noah ne résiste pas à l’envie de monter tout en haut, des chèvres avec un petit qui est né il y’a à peine 2h. La petite maison dans la prairie.
Puis on nous emmène à un endroit ou l’on peut pique niquer avec vue sur un champs. Le tonnerre gronde tout autour de nous mais à part quelques gouttes, on fini par faire notre pique nique tranquille.
Il est 15h, on reprend la route pour la Posada de los Patos se reposer brièvement car on a en tête de faire du char à voile en fin de journée et aller ensuite à l’observatoire dans la nuit (Non, mais ils ne sont pas un peu dingos les Barto-Larher !!!).
A 40 minutes de Barreal il y a en effet 2 des plus grands observatoires d’Amérique du Sud. A 2 500 mètres d’altitude, doté d’un ciel dépourvu de toute pollution lumineuse dont le ciel est sans le moindre nuage plus de 310 jours par an.
Et là on mesure les probabilités qu’on a eu d’avoir 2 orages en 48h quand il n’y a que 55 jours nuageux par an. D’ailleurs pour la deuxième soirée d’affilé, nous confirme qu’il n’y aura pas d’observation possible, mais qu’en revanche pour le char à voile ca devrait le faire.
Aurélio se remet derrière son comptoir, prend une feuille blanche et se remet à dessiner une nouvelle carte incompréhensible pour trouver le lieu des chars à voile situés à 30 minutes environ de la Posada.
Bien évidemment pour qui n’y a pas déjà été, la carte reste énigmatique, mais comme le nom du lac asséché (Pampa de Léoncito) où se pratique le char à voile apparaît sur Google on a au moins une localisation. Pour le reste, une fois sur place, on doit chercher à l’horizon les chars à voile et demander un certain « Toro » qui nous en fera faire.
On se met en route par beau temps, mais 30km plus loin, c’est le déluge total. Les orages sont arrivés d’un coup des sommets de la cordillère. On croise sur la route dans l’autre sens sous une pluie battante une camionnette qui tire des structures de char à voile. A tous les coups, c’est le dénommé Toro qui a lâché l’affaire vu le temps. On pousse quand même jusqu’à la Pampa del Leoncito, le lieu de rdv, histoire de ne pas s’arrêter à 2km du but, et ce qui doit être un désert de terre sur lequel faire le char à voile est devenu un immense lac. Pas de Toro en vue.
On rentre à la Posada « Brocouille » comme on dit dans le Bouchonnois après 1h de voiture. Un peu déçu car demain on doit partir à Vila Union à 7h de route de là. Le vent ne se levant jamais avant 18h sur la Pampa de Léoncito, il faudra attendre un prochain voyage pour pouvoir en faire ici.
Évidemment ici il fait un temps magnifique donc pour récompenser Noah de sa patience, petit tour tous les 2 dans la piscine gelée mais dans laquelle il m’imposera quand même d’aller jusqu’au cou Parce que je suis son “petit papa d’amour”.
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