Ce matin, alors qu’on attend Virginie qui finit les derniers préparatifs, je vis un moment assez rare pour le souligner de zénitude dans le hamac avec notre petite pile électrique, Noah.

Du coup lorsqu’on s’apprête enfin à partir, et que je découvre un nouvel énorme pet sur la portière côté passage – aucune idée de comment et quand on a aussi pu faire celui-ci – flegmatique, je me dis qu’au point où on en est avec le pare-chocs massacré de la veille, à la limite plus la voiture est défoncée, plus je pourrais plaider qu’elle était comme cela dès le début vu qu’on ne peut pas conduire mal au point de défoncer la voiture de tous les côtés en aussi peu de temps. Mouais. Je suis d’accord. Va falloir que je travaille encore un peu mon speech, ce n’est pas tout à fait au point.

Bref, revenons à notre histoire du jour. On avait réservé l’hélico pour 7h50 avec comme objectif d’enquiller immédiatement derrière une super rando de type triathlon (Kayak, rando à pied, baignade dans la cascade) car après 9h30, il y avait, je cite « risque de pénurie de Kayaks ». C’est loin des préoccupations occidentales de pénuries d’énergie sur fonds de guerre en Ukraine, mais bon quand même faut s’en préoccuper…

Mais voilà, les impératifs du capitalisme nous ont forcé à changer nos plans, car étant les seuls dans l’hélico à cette heure-là, au lieu de nous filer l’hélico pour nous tous seuls, la compagnie a préféré nous décaler abitrairement sur l’horaire suivant à 9h20 probablement pour fusionner 2 groupes à moitié vide en un groupe bien plein. Money money money.

Notre plan kayak tombant à l’eau (c’est le cas de le dire), cela va s’avérer nous sauver peut-être la mise pour le Kalalau trail qu’on a prévu de faire dans quelques jours.

Le rapport ? On va partager le vol avec un couple d’Hollandais avec qui on va sympathiser et qui vont m’apprendre que contrairement à ce qu’indique les guides, il est désormais obligatoire depuis mars d’obtenir un permis pour le Kalalau trail même si on n’a pas en tête de bivouaquer le long du trail qui se fait normalement en 2-3 jours.

Bien évidemment, il faut réserver un mois à l’avance pour cela et tout est complet jusqu’au 16 août. Font chier avec leurs résas un mois à l’avance… Mais entre européens qui n’aiment pas se plier aux règles, on se serre les coudes, et ils m’indiquent une technique qui leur a permis quand même de faire le trail. Je vous expliquerai dans 2 jours quand on sera face au problème pour vous dire si on s’en est sorti ou pas. Suspense.

Revenons au tour en hélico. Vu le prix, on ne le fait pas par snobisme ni pour offrir un baptême de l’air à Noah qui l’a déjà fait à 4 ans au-dessus du Grand Canyon, mais parce que Kauai est une ile de dingue dont le cœur est inaccessible autrement que par hélico.

Pour vous donner une idée, alors qu’on séjourne dans le sud-ouest de l’ile à Waimea et qu’on se rendra demain sur la pointe nord-ouest, il nous faudra faire l’nitégralité du tour de l’ile en suivant la côte est faute de route sur la côte ouest ou même de route traversant l’ile, tant est si bien qu’au bout du Waimea Canyon hier, on était techniquement à 7 km à vol d’oiseau de notre hébergement du nord, mais que pour l’atteindre, il faudra qu’on parcoure plus de 120 km pour l’atteindre.

Et qu’y a -t-il à l’intérieur qui rende l’ile si impénétrable ? Et bien tout simplement un enchevêtrement de pics rocheux vertigineux entourés d’une jungle tropicale au milieu duquel se trouve l’un des endroits à la pluviométrie la plus importante du monde. Bref, le paysage de Jurassik park ou de Godzilla qui ont tous les deux été tournés justement là, le tout sans besoin de recourir aux effets spéciaux.

Du coup pour voir les merveilles de Kauai, impossible de faire l’impasse sur l’hélico.

Après le traditionnel briefing de sécurité, placement dans l’hélico en fonction du poids. Virginie tire le numéro 1 à côté du pilote, Noah et moi respectivement les numéros 6 et 5. Noah est malheureux d’être le dernier, mais son regard s’illumine lorsqu’il apprend que les derniers sont les premiers et qu’il va donc monter en premier dans l’hélico. Comme quoi le gars qui a inventé le concept des derniers sont les premiers avait vraiment tout compris.

Une fois dans l’hélico, on met notre casque anti-bruit et on s’apprête à décoller ce qui est toujours un moment magique je trouve. Noah est parfaitement à son aise, son premier vol encore bien présent dans son esprit.

Alors qu’au Grand Canyon on avait décollé sur la musique de Fortunate son de Creedence Clearwater ( la musique de début de Good Morning Vietnam quand ils balancent du napalm partout), ici on décolle sous la musique d’Indiana Jones.

Pourquoi ? On découvre rapidement que les premières scènes de jungle du premier Indiana Jones ont aussi été tournées à Kauai.

Bon les photos et vidéos, ça ne rend jamais bien en hélico à cause des reflets. Il fallait parait il s’habiller en couleur sombre pour cela – ce qu’on a fait – mais comme le pilote était en pantalon blanc… Bref, on s’en fout, on en a pris plein les yeux. On a survolé des forêts entières d’albizzias gigantesques émergeant de la canopée, on a slalomé entre des pics vertigineux d’où coulent des cascades. On se prend même à se demander pourquoi on ne voit pas un ptérodactyle dans le ciel et un tyrannosaure en train de chasser un diplodocus en contre bas.

Après 45 minutes on se pose dans un décor irréel dans un canyon proche de celui de Waimea dans une zone aride. En 100 mètres on est passé d’une zone tropicale avec des cascades à foison au remake du Grand Canyon. En cause, les vents qui viennent presqu’exclusivement du Nord-est qui se prennent dans les pics rocheux et qui déversent des tonnes de flotte à leur aplomb, puis plus rien sur quelques kilomètres avant que les nuages se rechargent à nouveau en humidité.

Autre fait amusant avant que j’oublie. Il y a une autre raison moins connue au fait que le cœur de l’ile soit vierge de toute présence humaine. Les Robinson. Hein ? Mais que fait Robinson Crusoé là ? Non, ce n’est pas Robinson Crusoe mais la famille Robinson, même si c’est plutôt amusant qu’ils s’appellent ainsi au vu de la suite de l’histoire. En effet, on découvre que la quasi-totalité du cœur de Kauai appartient en fait à une seule famille, les Robinson. Et que ces derniers en ont fait une sorte de sanctuaire. Ainsi on survole en fait une gigantesque propriété privée. Autant dire que le choix des prochains héritiers ne sera pas anodin sur le devenir de l’ile. Les banquiers disent qu’il faut 3 générations pour dilapider même la fortune la plus importante du monde. Qu’en sera-t-il de cette fortune écologique ?

Après ce petit stop bien sympathique, on redécolle direction la Na-pali coast qui est le joyau de Kauai. On longe la côte nord et on s’enfonce ponctuellement dans les failles de ses pics rocheux.

La vue est tout simplement sublime.

Et quand on pense qu’on a tout vu, on repart dans le centre de l’ile vers le mont Waialeale, à moitié plongé dans une brume quasi-permanente et considéré comme l’un des endroits le plus humide du monde avec 12 m d’eau par an en moyenne et un record à 17 mètres. Pour avoir un ordre de grandeur, Paris c’est 720 mm par an. Donc si en novembre vous en avez marre d’être dans la grisaille parisienne, multipliez cela par 24 et vous aurez une idée de l’endroit qu’on est entrain de survoler. En revanche pas de photos car on était tellement dans une bruine nuageuse que toutes les vitres se sont couverts instantanément de goutelettes.

Voilà, il est 11h30 et notre rêve éveillé prend fin. Enfin, techniquement, pour Noah c’est littéralement le cas car pour partie bercé par la musique et aussi  pour se gérer face au roulis de l’hélico pris dans les turbulences générées par les pics et les zones humides, il s’est endormi 10 minutes avant l’arrivée.

On quitte nos Hollandais qui nous donnent un dernier conseil pour Big Island. Gravir si possible le volcan Mauna Kea à 4 200 mètres d’altitude, même si l’âge de Noah peut poser un problème et qu’il faudra changer de voiture de location car seuls les 4×4 sont apparemment autorisés à monter à cette altitude par les gardes du parc. Mais ça c’est une autre histoire.

N’ayant plus de plan Kayak, en sortant de l’hélico, on fait un bref stop à Menehune Fispond overlook pour voir une petite zone de mangrove avant de filer vers Kalapaki Beach, qui est la plage emblématique de Lihué pour grignoter vite fait un truc.

Puis en route pour Popiu et son Spouting Horn. C’est sûr, Noah va adorer. C’est un phénomène analogue apparemment à ce qu’on a vu à Oahu. En bord de mer, les vagues s’engouffrent dans des trous dans la roche et forment des geysers d’eau de mer.

Mais celui-ci, en plus d’être plus impressionnant et situé sur une partie de la côte plus escarpée et plus sauvage présente un autre intérêt insoupçonné. De très grosses tortues de mer évoluent dans l’eau déchaînée autour des rochers. On doit être à 80 mètres environ d’elle et on les distingue parfaitement, tant est si bien qu’on va rester plus d’une heure à observer les geysers et les tortues pour le plus grand bonheur de Noah qui, en transe, va passer d’un poste d’observation à un autre.

Virginie elle, qui a des courbatures depuis hier et un mal de tête type casque, craint d’avoir chopé le covid et se met donc un peu en retrait de nous. Elle se testera en fin de journée et pour l’instant rien de bien probant. De toute façon ici, plus personne ne porte le moindre masque. Le Covid est redevenu une grippe.. Le Covid est mort, longue vie à la Grippe.

« Ou là !». Comme dirait Noah, avec tout ce temps passé là, on serait presque en retard sur notre planning. On avait promis à Noah une séance plage avant de faire une petite marche en fin de journée et l’heure tourne. Mais bon, après la surprise du Spouting Horn, nous sommes les « meilleurs parents du monde car il n’a jamais vu un spectacle aussi magnifique », donc tout va bien.

Direction donc la plage de Popiu à quelques minutes de là. Evidemment, on n’est pas vraiment seuls au monde, car Popiu est considéré comme le centre hôteliers et points de restauration du sud de Kauai. Mais je dois dite que c’est plutôt bien fait. Les pelouses entre les cocotiers menant à la mer donnent un certain style à l’ensemble et on débouche ainsi sur une anse coupée en deux par un banc de sable qui disparait à marée haute. De part et d’autre de la hanse, une bande de rochers à proximité de la plage casse les vagues ce qui permet d’avoir des bassins protégés de chaque côté et des vagues plus conséquentes au centre. Ca aurait été fait exprès pour sécuriser la baignade qu’on aurait pas fait mieux.

Noah adooorre ! Pouvoir voir les grosses vagues se casser sur les rochers à quelques mètres de lui alors qu’il peut barboter dans de l’eau calme, puis aller se frotter aux grosses vagues en se décalant de seulement quelques mètres, c’est le pied.

Mais comme il faut faire plaisir à tout le monde et que Virginie a aussi envie de faire une balade le long du littoral, on réussit à l’exfiltrer vers 17h30. Direction le Maha’ulepu Heritage trail qui s’étend en aller – retour sur 6 km.

Mais l’originalité du lieu va aider à faire passer la pilule de l’exfiltration du paradis des vagues. A partir de l’extrémité nord de Shipwreck’s beach, on part entre les pins dans les dunes de sable à travers des chemins qui ne cessent de se démultiplier et de se rejoindre, passant régulièrement sous des grottes naturelles de végétaux enchevêtrés.

Il fait bon à cette heure-ci. Les vues sur l’océan sont superbes et on débouche alors que le soleil devient rasant sur une nouvelle plage, déserte cette fois, en contre bas d’un golf.

Après s’y être attardé un certain temps, on rebrousse chemin car la nuit ici tombe vite. On n’aura pas eu le temps de faire tout le trail, mais on a vu apparemment le point le plus chouette. De retour à Shipwreck’s beach, on a presqu’une heure devant nous avant de dîner au Beach House restaurant non loin de là dont on a fini par acharnement à choper une résa pour 20h15 sur OpenTable.

Pendant qu’on reste assis tranquille sur un tronc d’arbre sur la plage à observer un groupe qui est monté sur la falaise et qui saute de 10m de haut dans la mer, Noah s’est mis aux avant-postes et contemple comme à son accoutumé les vagues avec des grands signes expressifs qui le met en transe.

21h15. Après avoir bien dîner, Noah s’effondre dans la voiture pour le 5 ème jour d’affilé. On n’aura plus qu’à le porter dans son / notre lit pour qu’il finisse sa nuit.

Mais ça y est, le décalage horaire est enfin passé.

En me relisant je me dis que j’ai raconté au moins 3 jours de voyage, mais non, on a fait tout ça dans la même journée. Les grands malades !!!

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