Qui n’a pas fait le Tongariro Alpine Crossing (trek du Tongariro) ne peut pas vraiment dire qu’il a fait le nord de la Nouvelle-Zélande.
Pour les fans du seigneur des anneaux, le Tongariro, c’est le lieu de tournage de toutes les scènes du Mordor. Pour les autres (il y en a malheureusement dont Virginie !), le parc du Tongariro se situe au centre de l’ile du Nord et englobe les 3 volcans les plus célèbres de la Nouvelle-Zélande : le Tongariro, le Ketetahi et le Ngaurohe, ce dernier étant le seul encore en forte activité.
On est certes des baroudeurs de l’extrême, mais comme on aime bien notre petit confort, installation au Bayview Tongariro Chateau, le seul 4 étoiles+ de la région, avec vue sur le Ngaurohe encore partiellement enneigé (oui, oui, c’est la petite bicoque qu’on voit sur la photo)
Comme le trek fait 19,4 Km et qu’il ne fait pas une boucle, on doit prendre un mini-bus dont le premier départ est à 5h30 du matin (nous on prendra celui de 8h, faut pas déconner), pour y aller, mais surtout ne pas rater le dernier bus de retour à 17h (à mon avis si tu arrives en retard ils ne te laissent pas mourir là bas, mais ça plante un peu le décor).
8h40, début du trek. Temps radieux. Vent : sud-sud ouest quasi nul.
On nous avait prédit un trek noir de monde (il faut dire qu’il est réputé pour être l’un des plus beaux au monde), mais franchement c’est très supportable. Le monde ce serait-il levé beaucoup plus tôt que nous ? Possible.
On a un peu plus de 8h devant nous pour rallier la fin du trek. Ca tombe bien, le dépliant nous indique 6 à 8h de marche pour faire les 19,4 Km.
Mais on a en plus la possibilité de faire 2 “side walks”, soit des marches supplémentaires qui viennent se rajouter au 19,4 Km minimum.
– la montée du Tongariro (1967m) qui est notée “fairly easy” et qui prend 2h.
– l’ascension du Ngauruhoe (2287m), notée “very challenging” 2 heures également. Vous avez noté la différence sémantique utilisée dans le guide par rapport à la “montée” du Tongariro. Important pour la suite. Ce sentier n’est pas balisé, mais après tout, il suffit de viser le sommet parait-il.
Un rapide calcul montre que si on se considère comme des champions de la marche, on fera le trek “classique” en 6h (temps minimum indiqué) + 2h pour l’une des 2 marches = 8h et des brouettes. On sera juste pour la dernière navette, mais ça passe. Le ton est donné.
Je chope le chauffeur de la navette et lui demande laquelle est la mieux. Sans hésiter, il dit l’ascension du Ngauruhoe car le volcan est encore en activité et en faisant l’ascension on peut aller au bord du cratère qui est très beau. Le Tongariro a moins d’intérêt car dans le trek lui-même de toute façon on passe quasiment à la même altitude et sur le même axe que le Tongariro donc à part le fait de dire qu’on l’a fait, pas grand chose d’autre à voir.
Prudents quand même, même si avec Virginie on est déjà décidé à faire le Ngauruhoe, on se dit qu’on va commencer le trek et qu’on verra en cours de route puisque le début de cette marche ne commence qu’après 2h de marche environ. Ca permettra de nous jauger sur les distances indiquées.
On ne va pas s’étendre sur la beauté des paysages qu’on a vus dans cette journée. On a pris 230 photos et chacune aurait été un crève-cœur de la supprimer tellement les paysages sont incroyables. Dans tous les autres endroits du globe tu fais en général 8h de marche pour voir un beau truc. Sur ce trek on aura vu une dizaine de lieux époustouflants pour lesquels on aurait signé 8h de marche juste pour en voir un.
Revenons à notre histoire. Après 40 min de marche, on arrive à Soda Spring. Bonne nouvelle, on l’a fait dans les temps minimums indiqués. Mauvaise nouvelle, il semblerait qu’on ait raté le début de la marche du Ngauruhoé. Je dis rien, mais je suis hyper furax contre moi-même de l’avoir raté. Virginie stoïque : “on fera le Tongariro”
40 minutes plus tard, on arrive à South Crater. On tient la forme. Moins d’1H30 pour un parcours de 2h30 et oh joie, on voit le panneau indiquant l’ascension du Ngauruhoe. Fausse alerte donc. En revanche, devant la taille de la “bête” (c’est toujours pareil en montagne, quand tu es loin, c’est pas impressionnant quand tu te rapproches, tu fais moins le malin), je sens Virginie moins partante d’autant que la dernière partie qu’on vient de faire a été rude et était déjà notée “challenging”.
Vue du Ngauruhoé.
Alors, les petites lignes verticales, ce sont les chemins possibles pour monter. Sauf que quand tu es dans la montagne, tu ne les vois plus. Etonnant non ?
Vue du cratère du Ngauruhoé. Oups !
Comme tout le monde regarde et photographie le panneau indiquant le Ngauruhoé mais que tout le monde passe son chemin penaud, je commence à me lancer auprès de Virginie dans une campagne de mobilisation à gagner une élection présidentielle, lorsqu’une française vient m’interrompre pour me demander de les prendre en photo (ça ne m’étonne pas je dois dire car depuis 10 jours tout le monde me le demande en permanence. Je dois avoir la tête du gars qui dit oui aux photos à chaque fois).
Ce qui m’étonne un peu plus, c’est quand elle m’appelle Fred. Et oui, Bingo. Même à 20 000 km de Paris, je tombe sur Anna Chiche, qui travaille chez Lagardère au pôle jeunesse à 12m à vol d’oiseau de mon ancien bureau : “Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi !”
10 minutes très sympa à refaire le monde, une petite tentative de l’emmener avec nous sur l’ascension du Ngauruhoe non couronnée de succès et alors qu’ils reprennent la route du trek normal, j’embarque Virginie dans un élan d’enthousiasme, même si elle reste très dubitative sur l’ascension.
Aurait-on pu objectivement savoir qu’on allait en baver des ronds de chapeau ?
PS : photo non truquée on vous le jure !
Franchement, on a eu quelques indices, notamment le “very challenging” et le “non balisé”, mais tout a été fait pour nous embrouiller. Tout d’abord, les indications de durée étaient contradictoires entre les panneaux de la ballade, le guide papier et le temps qu’on a mis.
– Sur la première portion de référence avant l’ascension, le guide et les panneaux disaient 2h30 et on a mis 1h30. Mais pour l’ascension, le panneau disait 3h et notre guide 1h30 à 2H. Pour info, on mettra 3h pour l’ascension au final.
– Le mec de la navette qui nous avait bassiné sur la sécurité, les équipements etc… n’a jamais soulevé ni une question d’équipement, ni une question de difficulté quand je lui ai demandé laquelle il serait mieux de faire. Il m’avait dit : le Ngauruhoe est plus joli, “it’s up to you”.
J’y suis donc allé franchement confiant, même si la confiance de Virginie s’était elle bien étiolée au pied du volcan.
RECIT :
Les 15 premières minutes nous ont permis de rejoindre sans trop d’encombre le pied du volcan à proprement parlé.
Mais après, rien de balisé. Même pas un poteau blanc pour indiquer a minima le sens de la marche, comme souvent on en trouve quand il n’y a pas de sentier. Alors ok, pour monter, il suffit de regarder devant soi et de viser le sommet, mais là on se retrouve très rapidement en face d’un mur et on aimerait bien savoir si on l’attaque du bon côté.
30 à 45 degrés de pente minimum avec des rochers et des pierres instables, du sable, de la neige et le plus souvent, un peu de tout en même temps.
On a croisé une vingtaine de personnes en tout qui montaient ou descendaient durant ces 3 heures. Personne ne prenait le même chemin à la montée ou à la descente, mais tout le monde était à la peine. La descente surtout. C’était tellement raide, que certains n’osaient plus mettre un pied en avant. On en a vu à plusieurs reprises déclencher des mini-éboulis. Des pierres grosses comme des têtes ont dévalé la totalité du volcan sans s’arrêter. Résultat : personne ne montait ou descendait dans le même axe qu’une autre personne.
Et nous pendant ce temps, on montait. Pour Guillaume qui l’a vécu avec nous dans notre voyage en Namibie, c’est un peu la même sensation qu’en montant les dunes du Sosusvley. Tu fais 2 pas dans ces éboulis, et tu redescends d’1 pas tellement le sol est instable. Et tu ne peux pas t’arrêter trop longtemps sinon tu glisses tout seul dans la pente. Donc grimpette en utilisant ces mains sur toute l’ascension.
Tu ne regardes jamais derrière toi tellement c’est à pic (moi avec mon vertige, je ne te dis pas). Et puis tu avances à 2 à l’heure. Après une petite heure d’ascension, alors qu’on pensait être proche du sommet, on croise enfin un mec qui descendait. “its far ?” – “No you’re almost there. 40 minutes” – “it’s worth it ?” – “oh yes ! Good luck though”.
Bref sans faire un dessin, passé un certain point, tu sais que tu en as tellement bavé que tu iras jusqu’au bout. Tu essayes juste de ne pas penser à la descente qui sera beaucoup plus dure. Alors un pied devant l’autre, tu montes. Cela a duré 1H30 dont plus personne au-dessus de nous pour nous orienter sur les 40 dernières minutes.
Mais arrivé en haut, si on excepte le fait qu’entre les odeurs de souffre, les grondements du volcan au fond du cratère qui te rappellent le panneau en bas disant qu’en cas d’activité trop forte, il faut descendre tout de suite (au fait c’est quoi une activité trop forte ? C’est ça ?), la fatigue de la montée et l’appréhension de la descente, les coups de vent et surtout le vertige qui te prend, ça vaut VRAIMENT le coup. Hein Virginie ?
Vue de la corniche du cratère actif, vers le cratère principal enneigé.
Vue du cratère en direction du cratère rouge et du lac émeraude au fond (qu’on fera tous les 2 plus tard dans la journée)
Il faut dire que côté vertige là tu es servi. En haut, tu es sur une crête de 3 mètres de large de roche rouge sang qui borde les 2 cratères. Le cratère principal couvert d’un manteau neigeux avec des volutes de fumées sur ses bords. Le cratère secondaire, d’une profondeur abyssale et concave sur le bord que tu longes et d’où sort les grondements. Dantesque !
Vue d’un des bords du cratère actif. Avec le vent, trop dangereux de s’approcher plus pour prendre la photo du cratère. Pour mieux se rendre compte des dimensions le petit point en haut à gauche sur la crête du cratère est bien une personne !
Vue de la corniche en lave rouge séparant les 2 cratères.
Mais outre les 2 cratères du Ngauruhoe qui filent des frissons, c’est la vue qu’on a des lacs acide sur les autre sommets, le mélange des vapeurs, de la neige, des roches rouge, noirs, brunes qui fait que tu ne regrettes pas, mais alors pas du tout de l’avoir fait.
Vue du Blue Lake. A 3h de marche environ.
Vue des émanations de gaz qui bordent les 2 cratères.
Le temps presse. Il faut redescendre. De toute façon le souffre commence à nous filer la nausée. 2 solutions : Soit par la ou on est monté qui a l’avantage d’avoir un début plus facile en passant par la neige, puis des rochers auxquels s’agripper, soit “tout schuss” par un autre versant (celui d’où dévalent les pierres du sommet jusqu’en bas dès qu’elles tombent). En montant on a vu des gens descendre par ces 2 voies, et franchement il y en a aucune qui nous tente.
On opte pour une voie médiane. Le manteau neigeux (tellement facile quand tu n’es pas équipé)…
Vue du cratère enneigé qu’on empruntera pour descendre alors que la lave est à 50m de là.
Virginie adooore descendre dans la neige sans équipement ! Ca lui rappelle le ski !
… Puis en suivant les rochers, mais dans la pente ensablée. Au final, on aura mis autant de temps pour descendre que pour monter tellement c’était casse gueule, soit 1h30 de plus au compteur.
Alors ? Je suis pardonné ?
PS 1 : Merci papa pour m’avoir donné tes genoux et ton vertige. Heureusement que j’ai pris toutes tes autres qualités au passage…
PS 2 : Anna, c’est quand même mieux de le voir en vrai que sur les photos, mais si on avait su à quoi cela ressemblerait on aurait fait comme toi et passé notre chemin. Bonne fin de séjour en Nouvelle-Zélande.
0 Commentaire
Pat
Félicitations pour ce trek qui met l’eau à la bouche !
Ca me rappelle un trek que j’avais fait dans l’UTAH à 15 ans quand j’étais encore frais, dynamique et que je n’avais pas de bedaine… 😉
C’est marrant, sur une des photos, on croit voir Frodon sur une des pentes enneigées…
Encore bravo
PS : après ce tour du monde, il va vous falloir des vacances pour vous reposer de toutes ces marches ! 😉
Anne et Patrick
Moi je dis BRAVO à Virginie qui, même en plein very challenging trek, arbore une manucure irréprochable !!!! La grande classe !!!!
Anne
partirauxantipodes
Tu as l’oeil en effet. Mais en revanche ca fait 2 mois qu’elle ne s’est pas maquillée. Si c’est pas incroyable pour une citadine ça ?
Chocolate Shavings
Super la photo de Virginie avec le chapeau de nuages!
Jenn
Sylvaine
Lire ça depuis notre ordinateur du bureau nous envoie une bonne bouffée de rêves et d’évasions. Vous avez bien fait de le faire, ça a l’air juste … incroyable.
On va vous sembler tellement chiants quand vous allez revenir !
Profitez. Vous me manquez !
Je sais pas quand Tahiti arrive mais faites une baignade là bas pour moi, en souvenir de belles vacances là bas…
Bises à vous deux
partirauxantipodes
Plouf, c’est fait. On est à Tahaa depuis hier, et on a l’hotel rien que pour nous. Sur les 8 bungalows, on est les seuls clients. Ca a du bon parfois d’être en mauvaise saison !
Anna Chiche
Hello ! Bon c’est bien ce que je me disais, l’ascension du Ngauruhoé valait le coup (la preuve avec ces super photos !) mais j’avais bien senti la difficulté ! 🙂 Bravo d’avoir réussi ça avait l’air épique !!
Bonne fin de tour du monde, le retour en France est dur, ne vous pressez pas !!!
Enjoy
Anna
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