Disons les choses franchement. Au début, Noah n’avait pas très envie de faire la ballade à cheval, peut-être plus par peur de l’inconnu qu’autre chose.

Virginie était de son côté un peu inquiète, sachant qu’elle n’avait fait qu’une fois du cheval dans sa vie – avec moi d‘ailleurs – aux iles marquises, il y a près de 15 ans.

En rentrant hier soir du restau on avait vu une nana revenir çà cheval à vive allure de nuit, son cheval visiblement très essoufflé soufflant comme un bœuf. Vous savez, le genre de nana qui a les jambes arquées d’avoir trop fait de cheval dans sa jeunesse… on en connait tous au moins une… Bref, cela avait allumé les warning chez Virginie qui craignait un peu du niveau attendu pour réaliser la ballade avec un guide qui à tous les coups ne parlerait pas anglais.

Elle avait donc profité que Carolina soit avec elle pour accoster le cavalier qui accompagnait la nana et pour lui faire passer le message que pour demain, ni Noah, ni elle n’avait jamais fait de cheval.

Bon, moi, elle me range dans la catégorie de ceux qui savent monter à cheval ce qui techniquement pourrait être vrai puisque tant que j’étais un nain de jardin, ma maman m’avait forcé à en faire pendant quelques années, mais comme j’avais profondément détesté, il ne m’en reste franchement rien du tout.

Bref, le gars avait répondu en gros « tudo bene » à Carolina et ajouté qu’apparemment il nous mettrait des chevaux sympas et faciles. A moins que ce soit un ajout personnel de Carolina pour rassurer Virginie.

Toujours est-il, qu’entre temps, Noah est repassé dans le vert pour une raison qui m’échappe, et aborde désormais l’idée de la rando à cheval de manière très positive. Positivisme exacerbé à l’instant par la découverte de son cheval blanc, prénommé Joy, qui a l’air en effet doux comme un agneau, ce qui pour un cheval n’est pas facile (d’être un agneau bien sûr, c’est un cheval. Vous suivez ?).

Noah monte gracieusement sur son cheval comme s’il en avait toujours fait – le privilège de l’insouciance jeunesse. Virginie un peu moins – l’inconvénient du vieux briscard qui a déjà vécu. Nous voilà donc tous les trois en plein cagnard à nous demander comment cela va se passer. Notre groupe est composé de nous, 2 guides et 2 brésiliens en vacances dont on ne connaît pas le niveau équestre. 

Niveau canassons, si Noah a hérité du doux cheval blanc, moi j’ai visiblement hérité de la peau de vache. Sentiment qui va se confirmer et s’amplifier au fil de la rando, mon cheval ne supportant visiblement pas que les autres chevaux le collent. Invariablement quand cela arrive, il tourne sa tête du côté du fautif et finit par lui balancer des coups de pattes arrière. Voilà, ça c’est fait. A la fin de la soirée, il s’arrêtera même parfois exprès pour voir si par hasard un autre cheval emporté par son élan ne le rattrape pas histoire de justifier de lui remettre un coup vicieux au passage. J’avoue, il y a peut-être un peu d’anthropomorphisme là-dedans, mais c’est sûr, ce cheval, il est vicieux.

Ne brûlons néanmoins pas les étapes de l’histoire. Il est 15h30, pour l’instant son caractère vicieux ne s’est pas encore manifesté. Nous ne sommes pas vraiment habillés en cavaliers car on a rien de tel dans les bagages. On est donc en tortue de mer (la marque de vêtement, pas le déguisement). Chaussures fermées quand même, mais pantalon très souple et très fin en mode Aladin et les 40 voleurs. Un truc qui quand on aura fait 1h de cheval nous fera bien mal aux fesses à tous les coups.

La ballade commence au pas dans Attins en empruntant des chemins de traverses, et à une vitesse encore plus lente que celle du bateau à moteur de la veille. Noah est passé devant et on s’interroge du regard avec Virginie. D’un côté Noah a l’air d’avoir fait du cheval toute sa vie. Port altier, tête haute, bombe sur la tête ; et de l’autre, les moyens de transport qui n’avancent pas, c’est rarement son truc.

Mais étonnamment, il ne dit rien, et est même plutôt content d’autant que très vite il se retrouve juste derrière le guide, prenant le lead. On apprendra en fin de soirée qu’en fait il parlait beaucoup à son cheval, lui indiquait de la voix où aller, comment ne pas se faire mal, etc…

Une fois Attins derrière nous, on débouche sur des zones marécageuses, jusqu’à en avoir les pieds dans l’eau même en étant à cheval. Le temps s’écoule très lentement, il fait chaud, Noah ne dit toujours rien. C’est idéal pour l’introspection. Qui suis-je, ou vais-je avec qui…

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Je fais un aparté. Il est 7h12, je suis sur la terrasse tranquille comme chaque matin quand tout le monde dort. Noah vient de débouler. « Salut Paps. Je cherche un balais pour nettoyer ma chambre et après je fais une page de mathématique et une de français ». Serais-je dans un rêve ?

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On finit par atteindre les dunes et là, c’est vrai que le spectacle avec le soleil qui descend à l’horizon, nous sur nos chevaux sur la crête longeant les lagunes, ça fait très Lawrence d’Arabie. Vous entendez la musique ? Moi un moment en arrivant au sommet de la première dune, je vous jure, je l’ai entendue.  (Noah en tant que djeuns a préféré nous dire « ça Kick ». Question de génération. Il a ajouté ensuite « Ca nique ! ». Bon là je pense que c’est une mauvaise compréhension du terme mais j’ai préféré ne pas relever, on verra si l’expression revient. Virginie avec ses termes crus lui expliquera ce que ça veut dire j’en suis sûr. Ca promet).

De temps en temps, nos chevaux partent au trot, histoire de nous rappeler qu’on ne maitrise rien, et qu’au niveau technique, comme on est moyen, chaque changement de rythme avec nos pantalons tortues de mer, fait bien mal aux fesses. Noah, lui,  adore être balloté en tous sens, et continue à être le premier de cordée ce qui n’est pas pour le déplaire.

On va continuer ainsi jusqu’à la tombée de la nuit (cela fait bien 2 heures qu’on est parti), pour s’arrêter en haut d’une grande dune au moment du coucher du soleil. Noah se précipitera pour descendre de selle pour dessiner un circuit de quad de 200 mètres dans le sable, avant de venir finalement se blottir entre nous deux pour les derniers rayons du coucher du soleil.

C’est l’heure de repartir et au moment de remonter à cheval, Noah est toujours aussi enthousiaste. « Je voudrais que ce moment ne s’arrête jamais. J’aime tellement Joy.. »

Direction cette fois la végétation pour aller diner tous les 7 dans une petite maison locale. L’occasion d’y tester des jus de fruits qu’on n’avait jamais goûté. Notamment le Guaraja ou un truc du genre, qui donne un jus blanc avec un début de goût de litchi puis un arrière-goût beurré (d’ailleurs ils font du beurre avec ce fruit), et surtout de tester en fin de repas un digestif à base de plantes de cannabis pour ouvrir nos chakras. Enfin surtout les miens. On n’a pas laissé Noah goûter et Virginie toujours à se demander comment on allait rentrer maintenant qu’il faisait nuit noir a préféré garder tous ses moyens.  

Et justement, il est 8h bien passé. Dehors, il fait un noir d’encre depuis plus d’une heure. Virginie nous gratifie d’un « hein ? » quand elle comprend qu’on va rentrer à la belle étoile en gros par le même chemin.

Autant les 2 derniers soirs on avait eu une quasi pleine lune, autant ce soir, pas de lune à l’horizon. Nous voici donc plongés dans le noir absolu, à cheval, Noah tout devant, nous tout derrière car il est parti dare dare juste derrière le guide. Honnêtement quand je dis qu’on ne voit rien, c’est vraiment rien. A peine finit on après quelques minutes à distinguer petit à petit a silhouette du cheval devant nous pour peu qu’on soit à moins de 3 mètres.

Très étonnant, d’autant qu’on va rentrer ainsi pendant près de une heure 30 dans le noir absolu, à se demander comment les gars s’orientent dans la végétation, mais surtout ensuite dans les dunes quand tu vois le nombre de crêtes et donc par opposition, le nombre de pentes raides qu’on a longé sur l’aller.

Autre petite source d’inquiétude, Noah. Pas tellement parce qu’il pourrait avoir peur (ça j’y crois pas trop), mais parce que bercé par le mouvement du cheval il est bien fichu de s’endormir en selle et de tomber. Franchement, si c’est le cas, même pas sûr qu’on s’en rende compte tellement il fait noir.

D’ailleurs, après 15 minutes ainsi quand j’appelle Noah pour voir si tout va bien, il reste sourd à mes appels, à un tel point que je me suis inquiété un moment, remontant la file pour vérifier qu’il allait bien et qu’il ne s’était pas endormi. D’un ton suffisant, il me fait comprendre qu’il est en pleine discussion depuis le début avec son cheval, qu’il m’a bien entendu, mais que ce serait bien que je le laisse tranquille.

Ainsi, contre toute attente, Noah a adoré tout du long et était même triste quand il a vu au loin poindre après une grosse heure de marche dans le noir, les premières lumières d’Attins.

Il faut dire que la sensation est assez magique. Certes tu ne vois rien à 3 pas, mais le ciel étoilé avec la voie lactée au-dessus de ta tête et le bruit des sabots foulants le sable, puis l’eau, avait un côté très envoutant.

Sensation d’autant plus rigolote qu’assez rapidement, on a eu des lucioles qui apparaissaient ponctuellement dans le désert sur notre passage.

Rassuré par le petit bonhomme, je redescends dans la file, mon cheval continuant à faire des siennes sur tout le retour, filant coupe de sabots à quiconque viendrait l’envie de venir m’adresser la parole, je me dis qu’autant qu’il n’en file pas au cheval de Noah.

Il est 9h30 ; on est parti il y a plus de 6h quand même. Noah fait un gros câlin à Joy, très triste de le quitter. Nos fesses à nous trois sont en compote, mais on a passé un super moment.

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