Noah est au taquet. C’est rare ! Il piaffe d’impatience d’aller découvrir les Lençois depuis 2 mois, et aujourd’hui c’est la dernière ligne droite pour rallier le village d’Atins, la porte d’entrée des Lençois.

Enfin, je devrais dire dernière longue ligne droite car au programme aujourd’hui, on a 2h de route rien que pour atteindre  Porto dos Tatus, d’où on embarquera à bord d’une lancha rapide (petite embarcation à moteur qui dépote)  pour traverser les différents bras du delta du Parnaiba également appelé delta des Amériques. La traversée devrait prendre environ 3h. On reprend un 4×4 pour une grosse heure et demie de route, puis nouveau un bac pour traverser le rio Preguicas et arriver à Atins. Les Lençois, ça se mérite !

Le delta des Amériques a beaucoup changé ses dernières années avec la montée des eaux. Il était composé il y a encore 20 ans de 287 îles. Il en reste moins de 80 aujourd’hui. L’ensemble du delta est séparé en 5 grands bras, et une myriade de ramifications. En terme de végétation, c’est de la mangrove principalement, mais ici, par rapport à la mangrove qu’on a pu rencontrer avec Virginie ailleurs dans le monde, les palétuviers font facilement 30 mètres de haut. Le phénomène des marées se fait ressentir assez haut dans le delta, et à marée basse, lorsque leurs racines émergent de l’eau, on a l’impression que les arbres courent. Je ne serai pas étonné si on nous disait que ces paysages ont inspiré Tolkien dans le seigneur des anneaux quand il faisait marcher les arbres contre les forces du mal.

Nous voici dans notre lancha. Juste nous, rien que nous. Il fait 1 000 degrés dehors. heureusement, le bateau dispose d’une petite toiture qui protège partiellement du soleil. Pour le reste, on a prévu le coup donc on est habillés en vêtements amples couvrant et bandanas sur la tête. Tant mieux car côté casquettes vu la vitesse du bateau elles n’auraient pas tenues longtemps.

On ne s’attend honnêtement pas à voir beaucoup d’animaux ici. D’expérience dans la végétation luxuriante, tu ne vois rien (déjà qu’en Afrique dans la savane c’est pas toujours évident…). Mais notre guide nous donne tort dès les 10 premières minutes.

Il repère tout d’abord 2 iguanes à 15 mètres de hauteur dans des arbres. Noah est ravi de retrouver un frère de « petite glotte ».

Puis, il s’arrête à nouveau, et que finit-on par voir dans les arbres ? Un toucan ! Ca, c’est vraiment sympa. Premier toucan de Noah dans la nature. Visiblement dérangé par le fait que l’on s’est arrête et qu’il se sent observé, le toucan ne tarde pas à quitter son palétuvier feuillu pour se percher heureusement sur l’arbre mort d’à côté dépourvu lui de feuillage, ce qui nous permet de bien l’observer pour le coup. Avec Virginie on a eu l’occasion d’en voir au Costa rica, mais sinon à Iguaçu par exemple cela avait été impossible à voir à l’état sauvage et d’ailleurs sur tout le reste du séjour, même en Amazonie, on en n’apercevra que 2 autres à de très longues distance.

La chance sourit aux audacieux ? C’est ce que semble dire Carolina à la fin de cette ballade ou on aura vu au final pas mal d’animaux. La plupart des gens qui l’accompagnent font du bruit, sont peu attentifs, et usuellement elle ne voit absolument rien. Comme nous on est calme, les animaux fuient moins et le pilote se sent plus investi à en trouver, car il faut être clair, même si on a l’habitude depuis qu’on voyage de chercher des animaux, tant que tu n’en as pas vu un dans le milieu naturel de l’endroit tu ne sais ni ce que tu cherches ni où chercher. En balayant juste le regard n’importe où dans une telle végétation, cela relève du miracle de voir quelque chose.  

En tout cas son bec caractéristique rend cet animal un peu magique et c’est le principal. Toucan, check ! comme dirait Noah.

On s’enfonce lentement dans les méandres du delta à la recherche de caïmans, mais sans succès. Ici les palétuviers sont gigantesques et on navigue à certains moments presque entre leur racines. On observe quantités de graines de palétuviers dans les arbres. Ces grands haricots de près de 50 cm qui sont lestés naturellement au bas pour pouvoir tomber dans l’eau et s’enfoncer dans la vase avant de pousser.

On repart dans l’un des bras principaux du delta, se consacrant à l’observation d’aigrettes et d’ibis rouges qui profitent de la marée basse pour se faire des festins de crabes dans la vase désormais découverte.

Tout ceci nous achemine gentiment vers le 3ème bras du delta et de l’une de ses embouchures sur la mer. Des cabanes de pécheurs sont en vue au pied d’une dune de sable. On en profite pour faire une petite halte. Noah va rester en bas de la dune à se creuser une petite rivière tandis qu’on montera avec Virginie et Carolina, notre guide,  en haut de la dune. De là on a une meilleure compréhension de notre environnement. Des dunes à perte de vue d’un côté, la mer, le delta et la mangrove de l’autre. On aura l’occasion de mieux détailler le phénomène en jeu ici, mais principalement il faut retenir que les dunes proviennent  de la conjugaison de fortes marées qui découvrent les bancs de sable du delta. Le très fort ensoleillement les sèchent rapidement durant les 6 heures de marées. et le vent fréquent dominant dépose continuellement ce sable sur la végétation environnante jusqu’à la recouvrir complètement et former des dunes.

On reprend notre route vers Tutoia, et juste avant d’arriver, notre capitaine braque d’un coup vers le rivage. On s’attend à voir une espèce qu’on n’a pour changer pas repéré, mais non. Il s’arrête au bord pour nous montrer comment on pêche le crabe ici. La pêche est est le poumon économique de la région. Poisson de rivière dans le delta, dans la mer, crabes, langoustes. Mais ici, que de la pêche artisanale à la dure. Impossible de l’industrialiser du fait de cet environnement particulièrement contraignant.

Et bien, pour pêcher le crabe, ce n’est pas une sinécure. Il retire chaussures et tshirt. La berge est remplie de vase. A peine a-t-il mis le pied hors du bateau qu’il s’enfonce presqu’au niveau du genou dans un bruit de succion. Il peine à gravir les 2-3 mètres de la berge pour ancrer le bateau puis se met à regarder attentivement le sol. Tout d’un coup on le voit qui plonge son bras dans la vase jusqu’au niveau de l’épaule. Il répète l’opération plusieurs fois et reviens vers nous totalement envasé avec dans chaque main un crabe male et une femelle.

Noah l’appelle Vaseman ! Mais c’est assez bien résumé. Un super héros plein de vase. Le mâle et la femelle se différencient assez bien, et apparemment même la forme du trou qu’ils font dans la vase aussi ce qui lui a permis au premier coup d’œil d’aller en attraper un de chaque. Enfouis à près de 60 cm dans la vase avec des pinces auxquelles il ne vaut mieux pas avoir à faire, il repère le trou plonge son bras juste à côté, et remonte pour attraper le crabe par en-dessous et éviter ainsi sa pince la plus tranchante.

Les pêcheurs ne s’intéressent ainsi pas aux femelles, ils ne pêchent que les mâles.

Après une longue observation de nos 2 spécimens, ces derniers sont remis sur la berge et ils ne tardent pas à se réenfouir dans le sol, bien heureux de ne pas avoir servis de déjeuner.

Entre temps, on a pu se rendre compte que l’endroit est infesté de moustiques. Même sur la berge tu es rarement à l’ombre. 30 degrés, 100% d’humidité. Quand tu penses que les pêcheurs vont venir plusieurs heures par jour pêcher dans ces conditions, ça ne laisse pas envie de laisser un crabe dans l’assiette.

Voila, notre traversée du delta des Amériques touche à sa fin. On n’a pas vu le temps passer malgré les près de 3h de bateau. On retrouve notre chauffeur qui en 4×4 a mis à peu près le même temps que nous pour contourner tout le delta par la route.

Après un peu d’asphalte, on bifurque vers la plage au milieu d’un champs de 250 éoliennes, passant littéralement dessous pour rejoindre 15 km de plage immaculée. C’est marée basse, on est seuls au monde et le 4×4 roule à fond sur la plage, les éoliennes un temps sur notre gauche, une foret pétrifiée de racines de mangrove nous séparant de l’océan et obligeant à la plus grande vigilance car à certains endroits il y a tout juste la place pour passer en 4×4 sans percuter souches et racines qui ne manqueront pas de transpercer nos pneus à la moindre erreur de conduite.

Arrivés à Cabure, on dit adieu à notre chauffeur pour prendre un nouveau bateau rapide qui va nous faire traverser en une quinzaine de minutes l’embouchure du Rio Preguicas. Le village de Caburé, condamné à disparaître dans quelques années avec la montée des eaux et le sape de la marée est déjà presqu’abandonné.

A la sortie du bateau, alors que j’étais en équilibre précaire, Virginie s’est retournée brusquement pour voir si je suivais, me donnant un coup de sac. Je me suis rattrapé comme j’ai pu sur la plage me retrouvant avec un pied bien envasé. En le retirant, la succion de la vase a fait le reste. A notre arrivée à la pousada Muita Paz quelques minutes après, tout le monde est tout beau dans sa jolie tenue « Tortue de mer », sauf moi qui ait un pied à demi-envasé jusqu’au genou. Classe ! D’habitude c’est Virginie qui s’envase, ça fait bizarre.

L’hébergement est tenu par une française. Atins, c’est Jericoacoara 10 ans plus tôt. Les restaurants et poussada commencent à fleurir, on y retrouve le même charme du village de plage avec ses routes en sable, mais sans les boutiques. Noah qui a vu son premier toucan rêvait de se trouver un nouveau doudou toucan ici, ce ne sera donc pas pour cette fois.

La poussa Muita Puiz est très sympa, bungalow plage mignonnet avec douche extérieure comme virginie aime. Pas vraiment de plage ici. On est sur un ponton de bois en pilotis. L’eau a grignoté petit à petit la plage au fil des ans. Noah va marquer son territoire devant l’entrée de notre bungalow avec un gigantesque réseau de route qu’il fait avec une de mes tongs, puis on va dessiner sur le ponton paisiblement. Cela fait du bien de se reposer après une longue journée.

On part dîner le soir juste à côté à la casa juja. Le dîner sur une grande table commune aura été d’autant plus chouette que notre petit bonhomme aura lu son livre d’Adèle avec application et mangé tout son assiette. Fait assez rare pour être souligné. C’est Virginie qui est contente ! En revanche, dommage on a mangé hier soir. On serait venu dans ce restau aujourd’hui, on dînait avec la top modèle Gisèle Bündchen. Et là, c’est papa qui aurait été content.

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