Le départ pour faire un autre morceau du fameux parcours de la rando du W est fixé à 7h30. Au programme : 20 km de rando pour atteindre le pied des « cuernos » (la montagne des cornes). Si Noah y arrive – et pourquoi n’y arriverait-il pas – ce sera la plus longue rando de sa petite existence. Après tout il a fait un peu moins de 18 Kilomètres il y a quelques jours.
Mais en attendant, il est 7h, et Noah est toujours profondément endormi. On l’habille alors qu’il dort encore pour le laisser se reposer le plus possible.
Le W, on en parle depuis quelques billets mais sans vous montrer ce que c’est vraiment. Donc en image le massif et la rando. Voila c’est fait. W comme la forme que dessine le parcours et qui permet de voir en plusieurs jours, le glacier Grey, la French Valley, les Cuernos et les Torre. Grands seigneurs on vous met même la version maquette en 3D qu’ils ont fait au briefing des ballades pour que vous puissiez mieux vous en rendre compte.
Pour la petite histoire, ici c’est une ancienne mer. Le massif culmine à plus de 2 700m mais était totalement immergé à l’époque. On y trouve ainsi encore des fossiles de poissons même au sommet du massif.
Il y a 12 ans on faisait le Grey glacier, il y a 2 jours la french Valley, aujourd’hui on fait les cuernos. Il fait beau, très beau. Tout le massif est dégagé.
Un instant on envisage de faire faux bond à notre petit groupe de 6 randonneurs – pourtant très sympathiques – pour aller faire la rando de la base des torre qu’on nous avait refusé la veille, mais cela rajoute 2h et Noah traîne au début de la ballade, donc l’un dans l’autre on se dit que la base des torre se sera pour une autre fois et on se met dans la rando initialement prévue.
Et on n’est pas déçu. Très agréable et variée, on commence par longer le massif Paine d’un côté, le lac Nordenskjöld de l’autre (ah ben zut, on est retourné en Islande avec un nom pareil ?). On alterne entre la traversée de ponts suspendus, puis des plaines avec des mousses vert tendre, des forêts, des zones arides. On cottoie des fleurs de feu si typiques de la patagonie. Avec Noah on se goinfre de baies de Chura (baies minuscules qui ressemblent à des toutes petites pommes de moins d‘un centimètre et qui ont un vrai goût de pomme), on cueille des champignons. La rando est longue, mais pas difficile.
A la faveur d’une petite halte sur des rochers surplombants les lacs. Noah part en quête de trésors et comme à son habitude se lance dans une composition minérale dont il a le secret.
Alors qu’on s’apprête à attaquer un petit raidillon, Noah manifeste les premiers signes d’ennui, prémices d’un désir d’arrêter de marcher. Tandis que je commence à me creuser la tête pour trouver une idée pour le distraire, voila que tout seul, il a un éclair de génie qui va nous sauver la mise. Il trouve sur le bas côté un morceau de roche parfaitement rectangulaire de la taille d’un téléphone portable et se met spontanément à prendre des photos avec. S’en suivra 1h à prendre fleurs, roches, paysages en photos, puis les autres randonneurs qu’on croise. Les gens prennent la pause, Noah va leur montrer ensuite les photos qu’il a prise en faisant le geste caractéristique de swiper d’une photo à l’autre, puis il explique que les photos sont stockées dans son appareil et qu’il les mettra sur internet et sur youtube. C’est officiel. Noah, 3 ans, est meilleur que ses 2 mamies sur internet.
En plus de nous procurer une bonne barre de rire, ca l’occupe et il marche comme ca pendant quelques kilomètres jusqu’au pied des Cuernos, but de la ballade et halte de notre pique-nique en bord de ruisseau. On arrive à le maintenir un peu en place en lui passant une histoire grace à son casque jeune hyper hype (achat d’impulsion de papa à l’Apple store). Puis à défaut de perdre son temps à manger un sandwich qu’il trouve – à juste titre je dois avouer – pas bon, Noah s’escrimera à traverser le ruisseau dans un sens puis dans l’autre en sautant de rochers en rochers, au début sous notre air un peu inquiet, puis sous notre air résigné de parents crevés. S’il doit tomber et se tremper, ben il tombera. C’est en relevant qu’on apprend parait-il.
C’est l’heure du retour. Avant de faire les 10km dans l’autre sens, on monte à un lookout pour avoir une vue des lacs environnants et des fameuses « Cuernos ». Le vent patagonien qui avait été étonnamment totalement absent de la rando (au point qu’on crevait de chaud) s’est levé et au moment de monter au look out, j’avais Noah sur le dos et je me suis fait littéralement souffler par le vent. Je suis parti de côté sur plus d’1 mètre sur la première rafale et ensuite j’ai lutté une trentaine de secondes que la rafale se calme pour ne plus reculer davantage et essayer juste de me maintenir dans le vent sous les éclats de rire de Noah. Franchement, après coup c’est marrant, sur le coup je me suis demandé comment j’allais ne pas me faire emporter tout simplement dans la pente.
Le retour est en revanche au début plus difficile. Noah est crevé, je le porte. Il s’endort immédiatement et 18kg, quand il est endormi en mode poids mort, ca donne l’impression d’avoir le double sur le dos.
Puis quand il se réveille on remet le couvert sur l’importance et les règles du bon marcheur qui ont fait ses preuves depuis plus d’un an sur l’esprit combattif de Noah quand on part en randonnée.
- Un marcheur marche toujours à la même vitesse (comprendre ne t’arrete pas toutes les 3 secondes)
- Un marcheur prend toujours le chemin le plus facile (comprendre arrête de prendre les chemins de traverses avec la flotte, la boue ou les cailloux)
- Un groupe de marcheurs c’est une équipe. Tu es fatigué, je te porte, mais je suis fatigué, tu marches tout seul. (bref chacun son fardeau)
Et ca remarche, il repart de plus belle et refait quelques kilomètres à pied sous le regard tantôt ébahi, tantôt attendri des randonneurs qu’on croise et qui, avouons-le, se demandent bien ce que fiche un petit garçon de 3 ans à marcher dans cet endroit.
Re-coup de fatigue et cette fois c’est Virginie qui s’y colle en mode lapin Duracell. Avec Virginie, fini les pauses, on allonge la foulée. Je la connais, ca fait un peu long, elle veut boucler la rando vite si elle doit à voir Noah sur le dos. Du coup on passe devant le guide et on dépose tout le groupe au passage qui lui, commence à fatiguer sévère.
A 2-3 Km de l’arrivée, Noah nous dit qu’il veut remarcher. Et là, il nous fait à nouveau écrouler de rire. Il nous explique que c’est lui le guide. Il part devant à un rythme d’adulte, tantôt en marchant tantôt en trottinant de son air sérieux, nous engueule si on a la mauvaise idée d’être à sa hauteur ou d’essayer de passer devant, s’arrête parfois pour réfléchir au bon chemin, « lit les panneaux » pour donner la direction (à gauche les « petits garçons » comme il dit, à droite c’est pour les chevaux ; plus facile quand c’est présenté en idéogrammes). Et comme d’habitude, il finit par amuser la galerie.
Et nous voila donc à la fin d’un trek de 20km avec des marcheurs du W qui eux ont plutôt 80km dans les pattes après 3 jours de marche, qui nous rejoignent et qui, amusés sous l’air autoritaire de Noah se prêtent au jeu et se laissent guider par Noah et s’arrêtent lorsqu’il se met à réfléchir au bon chemin. Il va entraîner pas moins d’une dizaine de personnes qu’on n’avait jamais vu pendant quelques minutes.
Bienvenu dans le monde de Noah.
A l’arrivée, on n’a pas Apolo, mais on a quand même un super pique-nique qui a été dressé piquer accueillir les randonneurs. Il n’y a pas à dire, cela fait du bien, surtout quand tu ne t’y attends pas.
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