Réveil matinal, une fois n’est pas coutume, cette fois pour le Parc de Talampaya, situé à 70Km de Villa Union où l’on vient de dormir. Au moment ou j’écris, on vient de franchir les 20 000 km depuis notre départ, alors 70Km c’est l’équivalent de «à 2 stations de métro » de notre quotidien parisien.

Après avoir constaté la veille que dans la région quand il pleut, les routes sont impraticables et que les panneaux intiment l’ordre de rester chez soi, ce matin on nous rappelle qu’ici, l’essence c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique !

Heureusement qu’on a été précautionneux et qu’on a fait l’appoint en préventif chaque fois qu’on en a eu l’occasion et pas uniquement quand on est presque à sec (Le béaba du voyageur en zones reculées), car arrivés à l’unique station service de Talampaya, on nous dit dans l’indifférence générale qu’il n’y a plus d’essence. Prochain ravitaillement ? Peut-être vers 15h avec un haussement d’épaule.

On a 220 km à faire et 2 parcs nationaux à visiter. Heureusement qu’il nous reste 1/2 plein. La prochaine station service est à 60Km – elle s’avèrera elle aussi fermée -, celle d’après indiquée par Google, est soit à 40 km à l’opposé de notre direction, soit proche de notre lieu d’arrivée, à 220 Km de là. La fiabilité de Google n’étant pas garantie ici, il est trop risqué de se retrouver avec une autre fermeture de station et 80km de plus au compteur. Un demi-plein c’est juste selon les conditions de route, mais on se dit que ca devrait passer. Et puis on ne va pas attendre jusqu’à 15h l’arrivée hypothétique du camion citerne.

Les 2 parcs nationaux de Talampaya et Ischighualasto, classés pourtant au patrimoine mondial, ont recueilli des avis mitigés dans nos différentes littératures de préparation de voyage. En cause ? Le mode de visite. Talampaya ne se fait que dans un énorme camion (Noah qui adore son livre de la machine mic mac dit que c’est un cambus – un camion mélangé avec un bus- ) et Ischigualasto ne peut se faire que dans sa voiture en file indienne à heure fixe avec un guide, quand celui-ci décide qu’il y a assez de voiture pour ne pas perdre son temps. C’est vrai que dit comme cela, ça ne fait pas rêver quand on parle de parcs de milliers d’hectares. Apparemment ce sont des concessions privées et le profit prime sur le reste.

On a pris notre ticket pour 10h15 à Talampaya. On arrive un peu avant et Noah s’empresse d’aller me faire visiter le musée à ciel ouvert de répliques de dinosaures – hyper bien fait –. Cette région est réputée pour être une des zones dans le monde on retrouve, de par les particularités du climat, les fossiles parmi les mieux conservés au monde.`

Il n’y a pas foule, tant mieux. On embarque avec les quelques touristes présents dans le camion orange. Ce sera une visite tranquille loin des foules.

Je ne raffole pas des visites en groupe, mais je dois avouer que c’est non seulement bien fait, mais plutôt salutaire au vu des conditions climatiques. On dépasse allègrement les 35 degrés à l’ombre et il n’est même pas 11h du matin.

Après 20 minutes de route à travers une zone désertique, on atteint le canyon de Talampaya. Ici des pétroglyphes. Cela m’étonne toujours parce que, où qu’on aille sur le globe, on trouve des pétroglyphes, et invariablement, on y voit des dessins d’aliens, de soucoupe volante, ou ici de cosmonaute. C’est à se demander si on y voit ce qu’on a envie d’y voir, ou s’il n’y a pas une vérité cachée derrière tout cela. Je fais une petit digression mais j’avoue être un adepte de ce que j’appelle la théorie de la fourmi. L’univers grouille d’espèces plus avancées que nous qui ne daignent pas s’arrêter parce qu’on est pour eux aussi insignifiants que le sont une fourmilière pour nous quand on passe à côté. Parfois on s’arrête 2 minutes parce que c’est marrant à observer, on en prend 2-3 pour jouer avec, mais le plus clair de notre temps on passe notre chemin parce qu’on a rien à leur dire. A méditer…

On s’enfonce ensuite dans le canyon aux couleurs orangés d’oxyde de manganese taillé par l’érosion du vent de de l’eau. On alterne tantôt à pied, tantôt dans le camion, tantôt sur le toit du camion. Du coup la chaleur se gère plutôt bien pendant près de 3h même si Noah piquera un peu du nez sur la fin et restera à dormir avec moi dans le camion. Indépendamment de l’heure, il faut dire que là, on atteint les 40 degrès allègrement, alors ca en met un coup sur la casquette.

Dans ce paysage de canyons, rempli d’eau et de neige en hiver, on apercevra quand même un guanaco, des perroquets et des maras (de sortes de gros lapins argentins qu’on trouve aussi en Patagonie dans des zones arides).

Fin de la visite, 14h30. Le temps de manger un peu, de se rafraîchir et de confirmer l’apétence de Noah pour les empanadas et il est 15h30.

Et la, c’est le dilemme. Du fait de nos péripéties des 2 derniers jours, on a du scratcher 1 jour dans la zone. Du coup, notre meilleure chance de voir le parc de Ischigualasco, c’est de le faire aujourd’hui, dans la foulée. Mais comme la visite dure 3h et qu’après on a 2h de route minimum, ca va faire une énorme journée pour changer. Sinon, on se dirige dès maintenant vers San Augustin de la vallée Fértil, à 1h30 de route, retrouver notre hébergement du soir qui a l’air super sympa et on profite..

Le risque de tomber en panne d’essence et le sursaut des parents qui se disent que leur enfant ne râle pas mais est quand même mis à rude épreuve depuis le début nous fait opter pour la seconde solution. Au pire, on pourra aller au parc demain si vraiment on en a envie.

On arrive à San Augustin de la Vallée Fértil vers 17h et eureka, la station service a de l’essence. Je texte même à Jenn – confiant – lors d’une micro connexion à internet « je t’appelle dans 20 min dès que j’arrive à l’hôtel ».

Oui mais voila, alors qu’on est à 11 km de l’hôtel, on tombe juste après la station service sur un barrage improvisé. On pense au début à un mini racket sympathique pour nous extorquer 40 pesos puisque tout le monde dis bonjour et on leur lève le cordon de sécurité sans payer sauf nous, jusqu’à ce qu’on comprenne qu’en fait il y a une course de motos devant, que la route est coupée pour au moins 1h et que comme c’est la seule route pour accéder à l’hôtel, Nous voila à nouveau bloqué.

En revanche, contre 40 pesos on peut assister à la course de moto au lieu d’attendre à ne rien faire. Ca a l’air sympa, Noah adore les trucs motorisés. Banco. On achète nos billets et on se gare sur le bas côté sans trop savoir à quoi s’attendre. « En fait » (comme dirait Noah qui commence toutes ses phrases comme cela quand il veut reformuler sa pensée), c’est une course d’enduro. Le parcours se fait de part et d’autre d’une rivière avec un circuit qui brasse parcours technique sur de la terre ou des rochers, montées et descentes abruptes dans la boue, traversée de rivière, et sauts. Le tout dans une ambiance bonne enfant de kermesse ou les gens ont installé des tentes sur les bords de la rivière ou dans l’eau.

Il fait 40 degrés, donc tout le monde barbotte joyeusement en attendant le début de la compétition. Les moteurs de motos qui vont s’élancer vrombissent pour le plus grand bonheur de Noah. 

Le plus dur dans tout cela, trouver un spot à l’ombre. Ils sont rares et ont été préemptés depuis longtemps par les habitués. On élit donc dans un premier temps notre spot d’observation près des pompiers (quelle coquine cette Virginie, le spot près des beaux mecs). Sauf qu’elle se rend compte rapidement que c’est aussi le spot d‘une colonie de fourmis agressives qui ne tardent pas à monter sur ses jambes et à la mordre. Du coup je pars en observation pour trouver un nouveau spot et en trouve un idéal. A l’ombre, en face de la traversée de la rivière avec juste une famille et un couple plus agé installé là.

Noah commence à être bien dans le truc de la course et fait des allers et retours près de la rivière pour voir au plus près les motos se gaufrer dans l’eau au passage du gué, ou caler et peiner ensuite à repartir. Il faut dire que soit tu passes à gauche et l’eau est profonde et souvent tu noies le moteur, soit tu passes à droite et l’eau est moins profonde mais tu as une série de rochers en zigzag à éviter si tu ne veux pas finir dans le décor. Et ca c’est quand il n’y a pas 2 motos qui arrivent en même temps avec l’un qui pousse l’autre ce qui devient la gamelle assurée.

Il est 18h. J’ai l’impression qu’il n’y a pas 10 participants qui sont passés (ils s’élancent chacun à 1 minute d’intervalle) et il y a encore foule. Je ne vois pas bien comment on va nous libérer à 18h le passage comme annoncé. Entre temps, booking viens de m’annoncer que notre réservation de ce soir est annulée pour cause de no-show (en remaniant le programme après l’incident voiture à Barréal, on a avait annulé la nuit d’hier à cet endroit pour ne garder qu’une nuit au lieu de deux, mais j’avais prévenu, alors cela me laisse perplexe). 

Pendant que je m’escrime à essayer de régler le sujet avec tout d‘un coup À nouveau plus d’internet pour changer, Virginie demande au couple à côté de nous s’il y en a encore pour longtemps avant la fin de la course. Là, ce sont les cadets qui viennent de passer. Il y a plusieurs catégories avant le tour des seniors ou participe d’ailleurs le petit fils de la dame. Ca devrait finir vers 20h. Ah oui, en fait ca commençait à 18h, ca ne finissait pas à 18h. Si j’avais fais espagnol au lieu de l’allemand en LV3…

Du coup Virginie sympathise avec le couple. Le beau-frère du gars est en fait l’organisateur de la course, le petit fils n’est pas seulement un participant, mais est dans l’équipe d’Argentine d’enduro. C’est donc un favori d’aujourd’hui même s’il n’a que 18 ans. Il a couru en France à Brives, ils ont été en Floride, etc…

Évidemment en 30 secondes Noah devient la coqueluche de tout le monde. « Il est muy bonito avec ses boucles et ses yeux bleus ». Ca y est on est accepté dans la famille, on nous file des chaises pour s’asseoir et on nous présente aux gens qui arrivent, dont notamment le petit-fils, seul participant qui a l’idée d’aller repérer le passage coton de la rivière avant la course. Il a l’air très sympa, mur pour son âge. Il est dans sa course et en même temps a une petite attention pour nous.

S’ensuivra 2h à papoter avec la famille et voir les motos défiler. Noah fait Le bruit du moteur à chaque passage de moto, totalement en transe d’excitation. Il amuse toute la galerie comme d’habitude par son enthousiasme. Vient le passage du petit-fils, dossard 68, moto n°1, et on n’y connaît rien mais sur ce passage, il assure grave par rapport aux autres. La grand-mère filme et peste gentiment contre son mari qui lui s’enfile une glace dans le transat et se fait rabrouer pour venir voir la course de plus près. 

Ca y est, les derniers participants sont passés. Le petit fils a assuré et on va le rejoindre. Virginie ne résiste pas à enfourcher la moto du fiston. Noah qui devait avoir un peu la pétoche au début finit par suivre et est tout fier. Le petit-fils nous explique qu’aujourd’hui c’était les qualifications pour déterminer les ordres de départ de la vraie course qui aura lieu demain.

Nous on capte tout de suite. Donc demain, on sera à nouveau bloqué. Et c’est de quand à quand exactement ? C’est pas clair mais en gros de 8h à 13h ca va être la mierda car la course se termine ici au même endroit, mais commence en gros sur la route qui mène au parc de Ischigualasto qu’on s’était laissé en option pour le lendemain matin.

Pour moi la messe est dite, on oublie. On ne va pas se lever à 6h du matin pour faire 8h de bagnole dans la journée avec l’aléa qu’on n’a pas bien compris les incidences de la course sur notre trajet. Virginie, elle, me fait marrer, car elle est la première à me rappeler qu’il faut y aller plutôt cool avec Noah, mais jusqu’à 22h, elle se renseignera pour voir si ce n’est pas quand même possible de faire le parc. Je n’ouvre aucune porte à la discussion en prenant mon air sombre. Et comme elle sait que j’ai raison, elle lâche l’affaire avec panache.

Il est 20h15, tout le monde s’embrasse pour se dire au revoir. On souhaite bonne chance au champion pour demain et nous revoilà au point de départ, devant le barrage de police qui vient de se lever, mais 3h15 plus tard que prévu, pour rejoindre notre hôtel, la Finca media Luna. Ils ont des noms tellement poétiques ici, juste de dire le nom des hôtels est une invitation au voyage en soi.

En revanche, comme dirait Noah « C’est Bizarre », Google nous affiche 37 minutes pour seulement 11km. Et on ne va pas tarder à découvrir pourquoi. D’abord, il nous fait passer au-dessus d’un pont où l’on se demande s’il est vraiment fait pour accueillir une voiture et qui enjambe la rivière où se déroulait la compétition. Le pont est devenu un plongeoir improvisé pour les spectateurs. On tarde donc à se frayer un chemin car les plongeurs ne se pressent pas pour s’écarter. Je suggère à Virginie de leur sourire et d’y aller doucement, car ce chemin, il pue, et quand on devra faire demi-tour on sera content de ne pas avoir pourri tout le monde.

Ca ne rate pas. Au bout de 200 mètres sur un chemin où chaque mètre réduisait dangereusement la durée de vie de la gomme de nos pneus, on débouche sur une rivière de 20 mètres de large totalement infranchissable sauf à vouloir rester dans les mémoires de la ville de San Augustin comme les blaireaux de touristes qui ont confondu leur voiture avec un bateau pneumatique.

De l’autre côté de la rivière, c’est la seule route qui mène à notre hôtel, donc même si pour Google il n’y a pas d’autres chemin que le passage de cette rivière, on refait demi-tour, on sourit à nouveau sur le pont aux gars qui plongent dans l’eau et on cherche un autre chemin qui va vers la même direction.

20h25, on est de retour au point de départ. Google annonce toujours 37min et la nuit commence à tomber. Il ne nous reste que la berge de la rivière qui ressemble vaguement à un chemin, alors en désespoir de cause on l’emprunte pour voir, et 300m plus loin on est récompensé. Nous voila de l’autre côté de la rivière, là ou Google voulait nous emmener initialement.

Débute alors une piste défoncée et annoncée comme un cul de sac dans 10km. Aucun panneau n’indique l’hôtel. Le chemin s’empire à nouveau, à moins que ce ne soit le spectre de crever une nouvelle fois avec notre véhicule toujours aussi peu adapté à ce type de route qui nous fait noircir le tableau. Aussi, lorsque l’on croise un 4×4, il est difficile de savoir s’il faut être heureux de savoir qu’on est bien dans la direction de la Finca Media Luna ou inquiet qu’il nous ait dit en regardant notre voiture qu’il pense qu’on devrait pouvoir y arriver. Moi dans ma tête je me dis qu’il est hors de question que je rappelle Alamo pour demander un nouveau pneu demain. 

La route est magnifique. On est dans une vallée entourée de montagnes et de verdure (d’où le nom San Augustin. – la vallée fertil). Une vraie oasis au milieu de ce désert qu’on parcours depuis près d’une semaine. On croise des cavaliers, le soleil est passé derrière l’horizon donc les couleurs sont magnifiques.

On en oublierait presque la galère de la route jusqu’à ce que Noah dans une sincérité et un bonheur éclatant s’écrie « Une rivière, c’est super ça ». Et merde, c’est reparti. On a des gués à franchir avec notre bagnole pourrie. Plus âme qui vive dans le coin, le téléphone, ca ne me vient même pas à l’idée de regarder pour voir s’il y a du réseau tellement la réponse saute aux yeux, et la nuit sera tombée dans une demie heure tout au plus.

En serrant les fesses, Virginie, notre spécialiste es-rivières, va les passer en première. Je dis « les » car on va s’en coller 5, de ces putains de rivières (désolé pour le vocabulaire), dont une, la 4ème, où l’on a été à 2 doigts d’enliser la bagnole au beau milieu du gué. Bref, assez étonnamment, on arrive vers 21h de nuit devant le panneau Finca Media de la Luna.

Charmant petite hôtel en bord de rivière ou nous sommes d’ailleurs les seuls occupants.

21h30, en attendant de grignoter un truc, Noah joue à chat perché dans l’herbe. SI c’était une carte des milles bornes, il serait sans conteste la carte « increvable ». Quant à Virginie, malheureusement pour elle, depuis l’épisode du pneu crevé, Noah ne cesse de lui mettre des pneus crevés en éclatant de rire à chaque fois que l’on joue.

22h30, on aimerait bien aller se coucher mais Noah veut cueillir un bouquet pour sa maman et n’a “pas fini son travail”.

23h on s’endort. Toute idée d’aller à Ischigualasto demain est écartée, on fera grasse mat’. On partira quand on partira et on restera bloqué par la course d’enduro si le destin a décidé de nous bloquer à nouveau. Après tout, jamais deux sans trois.

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