Je me suis permis de détourner pour mon titre le tableau de Magritte « ceci n’est pas une pipe ». Le 1er avril, ce n’est pas uniquement l’anniversaire de ma sœur Anouk, c’est aussi normalement le jour des poissons d’avril ou canulars et autres infos loufoques sont de mises.

Drôle de jour donc pour l’annoncer et être pris au sérieux, mais nous avons pris la décision de rentrer à Paris et faire une petite pause dans notre tour du monde. Ce sera donc si tout se passe bien, pour le 7 avril, ou pour être plus précis pour un retour en France le 7 avril, car pour cela il nous faudra au bas mot effectuer 72h de périple. Comme dirait Noah, c’est la galère.

On y pensait depuis quelques jours en regardant l’évolution du coronavirus aux US et l’allongement quotidien de la liste de pays fermant leurs portes aux étrangers. Notre visa n’expire théoriquement « que » le 21 mai, mais il semble illusoire qu’à cette période nous puissions reprendre notre voyage pour quelque destination que ce soit. Cela reviendrait à rester jusqu’à la mi-mai et devoir procéder à un rapatriement « désordonné » vers la France en catastrophe. Et comme j’aime bien les plans qui se déroulent sans accrocs (enfin dans la mesure du possible vu le bazar ambiant), autant revenir en France tant qu’il reste une liaison aérienne encore ouverte, plutôt qu’en panique parce qu’on devient persona non grata aux US. Mais rassurez-vous (ou rassurons-nous), ceci n’est qu’une pause. Nous repartirons dès la réouverture des lignes aériennes finir ce qu’on avait commencé. Autant dire qu’on n’est pas prêt de retravailler…

Pour tout vous dire, on avait même d’abord pris un billet pour le 5 avril, mais une news sur le début des vacances parisiennes le week-end du 5 avril et l’annonce par Castaner de dispositifs policiers exceptionnels pour tuer dans l’œuf toutes véléités des parisiens de s’exiler en vacances et de propager « la bonne nouvelle » dans les régions actuellement épargnées, nous a fait craindre de ne pouvoir rallier Biarritz et de se faire « piéger » à Paris ( désolé pour ceux qui sont confinés à Paris), temple du moins bon vivre mondial avec New York si on devait établir un tel classement en ce moment.

Décision prise, on a donc quelques jours pour préparer ce retour qui s’annonce haut en couleurs, et pas dans le bon sens du terme : 4 états américains, chacun en confinement, qu’il va falloir pourtant traverser en voiture pour atteindre Los Angeles, puis envol vers la France, puis nouveau trajet en voiture en évitant de se faire choper par les flics jusqu’à Biarritz, soit la bagatelle d’un peu plus de 2 000 Km en voiture et 11h de vol.

Heureusement pour cela qu’on bénéficie de quelques complicités pour préparer notre exfiltration dans les meilleures conditions, mais on y reviendra. 

Tout d’abord, distribution des rôles de la famille des Coatis. Pour les moins assidus d’entre vous – il parait qu’il y en aurait, honte à vous -, nous nous appelons ainsi depuis le Brésil et notre dernière journée en Buggy où notre guide avait peint avec de la terre glaise 3 bandes rouges et orange sur nos avant-bras respectifs et que nous avions expliqué à un Noah pas peu fier qu’il était désormais membre à part entière de la tribu des Coatis et qu’à ce titre il avait désormais des droits, et surtout des devoirs. Parce que les droits, ça, il l’avait déjà bien intégré et s’en était même octroyés un peu trop récemment.

On avait mixé cela avec une séquence tirée d’un de ses dessins animées favori, Arlo ou, là aussi, pour faire partie intégrante de la famille et avoir le droit de tremper sa patte dans la peinture et d’apposer son empreinte sur le silo à grains (et oui il faut un peu de culture cinématographique pour nous suivre), il fallait faire quelque chose de positif pour la famille. 

Tout ça pour dire que quand on attend quelque chose de Noah, on lui rappelle qu’il est membre de la famille des Coatis et que pour mériter son empreinte il faut qu’il fasse ceci ou cela. De manière moins glorieuse, je suis supposé aussi faire la danse des Coatis chaque fois qu’il fait caca tout seul, mais c’est une autre histoire et je m’égare, d’autant que depuis 15 jours, ça y est, notre petit Noah fait caca tout seul !!! (il n’est pas 20h, Il ne travaille pas à l’hôpital, mais je vous invite à vous lever et à applaudir quand même).

Aujourd’hui c’est donc la distribution des rôles de la famille Coatis et comme dans chaque situation complexe, on essaye de ne pas trop innover. Papa est en charge du projet d’exfiltration, Maman de la logistique – et dieu sait qu’aucun bon plan ne réussit sans un bon soutient logistique (c’est pour faire taire les mauvaises langues éventuelles sur la répartition des rôles), Noah, lui, devra être assez sage pour nous permettre de nous concentrer sur nos taches. Ce qui donne rapidement ça : 

Je prends contact pour mobiliser les soutiens extérieurs indispensables à la bonne réalisation du plan. 

  • Jennifer nous envoie de Toronto grâce à Oliver un kit sécurité catégorie « hôpital » (masques anti covid, gel désinfectant et lingettes)
  • Bruno s’occupe de l’hébergement à Vegas. 15h de route ininterrompue du Colorado jusqu’à Los Angeles paraissant déraisonnable, j’avais demandé à Bruno s’il pouvait nous trouver une solution d’hébergement aussi sûre que possible pour passer la nuit à Las Vegas et couper le trajet en deux. Il nous trouvera aussi gants et masques de son lieu de travail pour compléter notre panoplie.
  • MLB (nous l’appellerons ainsi pour des raisons évidentes de confidentialité 😉 ) nous fournira l’attestation comme quoi elle occupe notre logement parisien en notre absence, nous forçant, pauvres de nous, à devoir nous réfugier dans notre maison à Biarritz pour se confiner en France.
  • Garry et Ming du ranch fourniront les potions magiques anti-covid ainsi qu’un stock de lingettes désinfectantes supplémentaires et des gants.
  • Corine et Isabelle nous fournirons un accès au consulat de Los Angeles.
  • Et de manière plus involontaire, le consulat de Los Angeles, pour leur participation au document attestant de notre incapacité à utiliser notre domicile parisien comme lieu de confinement.

J’affute enfin nos armes informatiques, en l’occurrence Photoshop, pour falsifier une facture d’Orange attestant qu’on habite bien à Biarritz. C’est ce que mon papa appelait dans son livre philatélique quand il racontait l’histoire du faussaire Speratti un Faux – Vrai. Pourquoi un Faux – Vrai ? Parce qu’on a vraiment une maison à Biarritz mais qu’entre EDF, Orange, les Impôts et les montages de nos SCI, aucun document officiel ne faisait afficher clairement mon nom et la bonne adresse de la maison à Arcangues. Plutôt que d’avoir à produire de multiples vrais documents expliquant que la maison est bien à nous, et que c’est juste EDF, Orange et les impôts qui sont infoutus de faire un truc propre – ce qui n’était pas de nature à avoir une discussion apaisée avec les forces de l’ordre – il m’a semblé plus simple de fabriquer une Fausse – vraie facture Orange avec le bon nom et la bonne adresse.

Puis je lance les confirmations de réservations : 

  • Modification de la date et lieu de restitution de véhicule à L.A. pour éviter la paperasse sur place
  • Prise des billets Air France
  • Trouver une voiture de loc qui part de Charles de Gaulle et qu’on peut restituer à Biarritz vu que l’aéroport de Biarritz est fermé et que donc Hertz bonus invitait désormais à restituer le véhicule à 200km de là.

De son côté, Virginie s’attelle à la logistique.

  • Préparer la bouffe pour 3 jours de survie.
  • Mettre la maison et nos sacs en ordre
  • Organiser les sacs et affaires du périple pour tout avoir sous la main quelque soit la situation, selon une stratégie que j’ai pourtant longtemps décriée dans ce blog dîtes de poupée russe de sacs incompréhensible pour la moitié de la planète – comprendre les hommes -. L’objet recherché est ainsi systématiquement dans un plastique, lui même dans un petit sac, qui se trouve être lui-même dans un plus grand sac, où à la fin, quand je lui demande où est un truc, elle me répond invariablement que c’est dans le petit sac à fleurs et ou j’en vois 4 qui ont tous des motifs de fleurs.  

Noah de son côté, s’applique à être sage comme on lui a demandé, ce qui donne à peu près ça : 

  • « Maman je vais aller jouer avec mon quad près de l’indien ». 
  • « Ok Noah mais tu restes à une distance où on peut te voir » 
  • « D’accord ». 
  • Puis 3 minutes après, on ne voit plus Noah, alors je vais vérifier et il est étonnamment près de l’indien mais allongé dans le sable. 
  • Puis 5 minutes après, Virginie y va et revient en disant qu’il n’est plus à l’indien mais qu’il joue près de la rivière. 
  • Puis quand j’y retourne, il s’est carrément barré dans le ranch à plus de 200m et se trouve près des poules de l’autre côté d’une clôture réputée infranchissable. 
  • Je coure, le rattrape et lui demande à quoi il joue exactement. Et là il me répond pas peu fier en bombant le torse, les mains sur les hanches, qu’il « voulait aller voir les moutons parce qu’il a beaucoup de travail, mais que tu as vu ? J’ai escaladé la barrière tout seul ».
    Là je comprends qu‘il a tenté et réussi tout seul à escalader la barrière de 1m50 de haut. Un des jumeaux l’avait escaladée devant lui il y a une semaine et depuis il essayait en notre présence de le faire mais restait à chaque fois bloqué à califourchon en haut sans savoir ensuite comment s’en sortir.
    J’hésite entre fierté et engueulade. Mais il est tellement fier que je finis par le féliciter de son exploit. Sauf que pendant tout ce temps, le plan d’ex filtration est à l’arrêt…

Toujours est-il que petit à petit tout se met en place. Aujourd’hui, on reste au ranch pour commencer à caler tout cela, mais si tout se passe bien, on arrivera bien à se faire une sortie ou deux avant de partir.

Et puis comme dirait Terminator pour rester dans les citations hautement culturelles au sujet de notre Tour du Monde : « I’ll be back ».

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