Driiiiiing. 2h30. On ne peut même pas dire vraiment que ça pique. Noah, malgré ses 4 heures de sommeil se lève du bon pied. En 10 minutes on s’est habillé presque pour le ski. On va grimper un peu au-dessus de 2 700 mètres, il va faire 5 à 10 degrés, ça change de la chaleur étouffante de la jungle.
Première bonne nouvelle, le ciel est étoilé. Pas un nuage à l’horizon alors que la météo que j’avais vu hier laissait entrevoir des nuages et une pluie fine. Vu qu’on se lève pour assister à un lever de soleil autant qu’il fasse beau, non ?
Mes lectures sur Bromo allaient toutes dans le même sens. C’est aussi beau que bondé de monde, et une ascension de nuit n’y fait rien bien au contraire.
On rejoint notre guide sur le parking et on saute dans la Jeep. Et en effet, force est de constater qu’à peine 300 mètres plus loin, on se retrouve subitement cul à cul dans un embouteillage de jeeps, totalement à l’arrêt. New York aux heures de pointe, sauf qu’il est… 3h10 du matin.
Heureusement, notre chauffeur opte pour un chemin en sens interdit (plus rien ne me stresse depuis que j’ai remarquer que personne ici ne respecte feux rouges, piétons, priorités, lignes blanches, ou dépassements de nuit en côte dans un virage, alors pourquoi s’emmerder avec des sens interdits hein ? Mais bon au moins,10 minutes plus tard on nous dépose au spot de départ de la marche sans avoir croisé d’autres jeeps que la vingtaine déjà garée devant nous en rang d’oignons.
Bon là, je dois faire une digression. Je vous avais parlé de l’ascension du Bromo ? C’est partiellement vrai car quand on part de nuit au Bromo ce n’est pas pour aller sur le Bromo, mais pour aller sur Penanjakan, la montagne voisine qui surplombe le Bromo pour observer le lever du soleil sur le Bromo.
Et vous allez comprendre maintenant pourquoi il y a tant de monde… Tu as plusieurs points de vue possibles sur cette montagne pour voir le lever du soleil. Or le premier qui est le plus bas, Penjakan 1, tu peux y arriver désormais à moins de 200 mètres à pied carrément en jeep, et là tu as déjà la raison principale de tout ce bordel. Comme partout dans le monde (le Poas au Costa Rica, les volcans à Hawaii..), quand tu rends un bel endroit accessible sans effort, ben tout le monde y va.
Avant les gens devaient monter à pied à Penjakan 1, mais quand ils ont rendu l’accès possible en jeep, l’afflux du business de jeep selon la courbe bien connue de quête perpétuelle du moindre effort fut tel que monter à pied au milieu des pots d’échappements ne revêtait plus le moindre intérêt, accentuant le phénomène qui fait qu’aujourd’hui plus personne ne va à Penjakan 1 autrement qu’en Jeep.
Bon, nous, on avait prévu de viser plus haut pour éviter autant que possible le monde. Notre destination ? King Kong hill qui, si vous avez en tête l’image de King Kong en haut du building vous donne une idée de notre destination finale.
On passe donc Penjakan 1 rapidement, et on se dirige vers Penjakan 2 qui lui aussi vient d’être piétonisé, certes, avec un chemin comportant un fort dénivelé, mais désormais pavé et avec des escaliers sur la fin.
Il faut dire que même si l’altitude n’est « que de 2 600 mètres » à ce stade, ça tape sur l’organisme car tout le monde arrive en gros du niveau de la mer la veille sans acclimatation et du coup avec le manque de sommeil, on peine tous à trouver notre souffle devant la raideur du chemin. Noah d’ailleurs en prend un vrai coup sur la casquette et montre des signes de début de mal des montagnes. Envie de vomir, difficulté à respirer. Bon il ne risque pas grand chose, mais il souffre clairement.
Et tout d’un coup, on se fait dépasser… par un cheval avec un touriste dessus. Voila ! C’est ce que je disais. Il y a toujours un imbécile – ou un mec malin – selon d’où on se place, qui s’est dit « amenons les gens sans conditions physiques à Penjakan 2 sans effort et doublons la mise ».
Bon, nous on a préféré marché comme des mulets, et donc on arrive à Penjakan 2 un peu avant 4h du matin. Et là pour aller à King Kong Hill, retour enfin à la vie sauvage. C’est pentu, c’est glissant, c’est étroit, c’est en bord de ravin et on est dans le noir total, éclairés à la seule frontale. Comme Noah est blanc comme un cachet d’aspirine et qu’on a encore un peu de temps avant le lever du soleil, on se fait une pause de 20 minutes à Penjakan 2 pour qu’il se remette un peu en selle et s’acclimate à l’altitude.
A la volonté, car en fait son envie de vomir n’a pas vraiment diminuée, ni sa difficulté à respirer, il nous donne le top départ et nous voilà repartis, cette fois pour King Kong Hill, qu’on atteint 45 minutes plus tard après 300 mètres de dénivelés environ, dans un chemin semé d’embuches dont ma cheville ce serait bien passée. En tout cas bonne nouvelle, même en tournant 2-3 fois sur de mauvais appuis (inévitable vu le chemin qu’on fait à la frontale), j’arrive plus ou moins en haut sans grande douleur.
Et là bien sûr, il y a encore beaucoup de monde. Pourquoi ? Mais parce que tous les non grabataires ont voulu fuir Penjakan 1 et 2, du coup ils sont montés à King Kong Hill. Vous savez, c’est l’image de l’eau qui monte et qui force les gens à se sauver en montant toujours plus haut pour ne pas se noyer… dans la foule. Et comme on est désormais au quasi sommet de la montagne, dans un paysage de jungle dense, en bord de précipice, il y a peu de place. Donc même si on est qu’une quarantaine de personnes, il y a de la densité.
En revanche la bonne nouvelle c’est qu’on est donc essentiellement avec des gens qui ont l’habitude de marcher, du coup ils se comportent bien et on n’a pas les touristes boulets qui se lèvent et emmerdent tout le monde pour prendre leur photo qui de toute façon sera mal cadrée car tout est à l’avenant. On trouve ainsi un endroit où s’asseoir tous les 3. On se tient chaud car il doit faire 10 degrés maintenant. Noah récupère un peu de sa montée et retrouve des couleurs.
Vers 5h, les premiers rayons de soleil apparaissent et c’est vrai que le spectacle est topissime. On en a vu des beaux endroits sur la planète, là on est dans les TRES beaux endroits. Clairement.
Le soleil se lève progressivement sur la caldeira du Tengger qui doit faire au bas mot une petite dizaines de kilomètres de diamètre et qui abritait avant la chambre de magma du volcan qui était au-dessus et qui a explosé il y a 45 000 ans.
Dans la caldeira, la mer de sable, et au milieu, le volcan Batok avec ses stries vertes de végétation (il est désormais éteint ou suffisamment endormi pour avoir laissé le temps à la végétation de s’installer sur ses flancs). A sa gauche le volcan Bromo toujours actif d’où s’échappe des fumerolles, et en arrière-plan qui les surplombent tous, le Semuru – pourtant à plus de 35 km d’ici – haut de ses 3 676 mètres et plus haut volcan de l’ile de Java qui est en éruption quasi permanente depuis plusieurs mois. D’ailleurs, les premiers rayons du soleil sur le Semuru s’accompagnent immédiatement d’une énorme éjection de fumée propulsée à plus de 1 000 mètres au-dessus du Semuru. Impressionnant.
On restera en tout à King Kong Hill une grosse heure le temps que les gens redescendent et nous laissent le site rien que pour nous. Les touristes ont depuis longtemps déserté les lieux une fois leur selfie fait pour un autre spot. On passera donc presque 2h à redescendre tranquillement pour voir les différents points de vue sur le Bromo avec des luminosités spectaculaires dans un quasi-total anonymat.
Pendant ce temps, les brumes au fond de la caldeira se lèvent et il ne reste plus que des filets parfaitement horizontaux qui, à la manière d’une toile d’araignée, tissent des lignes rectilignes parfaites du haut de la caldeira au sommet du Bromo.
Arrivés à Penjakan 1 on retrouve notre jeep. La température a pris près de 15 degrés entre temps, donc on troque notre tenue de ski qui s’est déjà amenuisée au fil de la descente pour un t-shirt et un short. On nous dépose en haut de la Caldeira, ce qui s’avère presque un acte de résistance face au tourisme de masse car on est bien les seuls à descendre à pied dans la caldeira avant de traverser sur quelques kilomètres la mer de sable. Bien nous en a pris, car c’était vraiment très beau et pour le coup on était vraiment seuls au monde.
Mais toute bonne chose à une fin. Pour aller au bord du cratère du Bromo, nos amis indonésiens ont tiré la ficelle du tourisme et ont donc installé en plein cœur de la caldeira, à moins d’un km à pied du Bromo, ce qui est sans conteste le plus grand parking de jeep qu’il nous a été donné de voir dans notre vie. On allait quand même pas obliger les gens à marcher dans la caldeira en plein soleil quand même !
En tout cas à vue de nez, il doit bien y avoir là 200 jeeps mais qui ont le mérite de s’avérer très photogéniques et en parfaite harmonie avec le lieu. Et comme il n’y a exclusivement que des jeeps, sans autre type de voiture ou car de touristes, force est de constater que ça passe.
Mais comme il reste quand même un petit kilomètre à marcher pour partie dans la mer de sable et pour partie pour monter un petit raidillon, voici qu’une armée de chevaux dont certains sont carrément peints en licornes, sont là pour amener les touristes à dos de canasson pour la modique somme de 100 à 150 000 roupies selon que tu es un vrai touriste ou un touriste qui a appris à négocier les prix.
Inutile de dire qu’on a préféré continuer à pied, du coup parfois au milieu des chevaux qui se sont arrangués les passages dans la montée les plus agréables nous reléguant aux rangs de parias en nous laissant un cheminou mal entretenu.
Et comme il restait 100 mètres de dénivelés le long du flanc du Bromo cette fois trop pentus pour nos canassons, ils ont fini avec un escalier de 249 marches (on les a comptés avec Noah), avec un sens pour monter et un pour descendre. Non mais on rêve !
Du coup, ça, on a bien du le prendre pour arriver en haut du cratère. Après, quand je vois dans un reportage du Monde d’il y a 2 jours que l’ascension de l’Everest se fait désormais dans un boucan assourdissant à cause des hélicoptères qui passent au-dessus de la tête des alpinistes à raison de 1 toutes les 4 minutes pour déposer les alpinistes en bas de la montagne, et qu’ils doivent faire jusqu’à 2h de queue à 8 500 mètres d’altitude dans la zone de la mort – et où régulièrement les gens décèdent faute d’oxygène dans leurs bouteilles pour attendre leur tour pour monter ou parce qu’ils sont poussés et tombent dans les crevasses, on s’en sort pas si mal…
Une fois en haut, même s’il y a du monde, c’est très beau là aussi. En plus, je ne sais pas pourquoi, je m’attendais à un lac, alors voir ce gouffre si profond de souffre avec toute cette fumée qui en sort, c’était vraiment impressionnant. Et puis si tu fais 30 mètres sur la gauche au lieu de rester devant comme un benêt, finalement tu n’as pas tant de monde au moment où tu exprimes l’envie d’être vraiment tranquille.
Voila, il est 10h, on est debout depuis près de 8h à crapahuter. On vient de rentrer à notre hôtel avec l’impression d’avoir fait notre journée. On va se reposer dans notre lodge avec une vue magnifique de notre terrasse sur la caldeira dont on voit le paysage et les couleurs évoluer au rythme des nuages qui défilent devant nous.
Au programme pour le reste de la journée ? Rien, et ça fait du bien surtout que notre hôtel Artotel a un côté refuge de montagne bien agréable (en même temps on est à 2 400 mètres) et qu’on profite donc d’une température plus clémente qui fait du bien à nos organismes.
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