Notre voyage touche à sa fin. Direction Reykjavik, à la pointe sud-ouest de l’ile alors qu’on était encore à la pointe Nord-est il y a 2 jours. Jolie diagonale en perspective.
La plupart des gens suivraient gentiment la route 1 qui fait le tour de l’ile, mais nous, on va couper à travers le centre.
Mais n’imaginez pas une seconde que cela va nous faire gagner du temps bien au contraire, car si on divise bien la distance par presque 3, on augmente quand même le temps par presque 2. Faites les maths et vous comprendrez qu’on s’engage dans des pistes F qui vont nous poser quelques sujets avec notre « voiture cadenas ».
Alors pourquoi passer par le centre ? Parce que le plus bel endroit d’Islande pour nous, c’est Kerlingarfjoll qui est perdu au beau milieu du centre de l’ile à 2h30 sur la F35. Pour y aller, tu peux attaquer par le Nord ou par le Sud, mais dans les 2 cas, c’est plus de 2h de route F qui t’attend dans la caillasse à serrer les fesses pour que la voiture ne te lâche pas au beau milieu de ce no ’mans land.
Pour préparer le périple, une fois n’est pas coutume, je consulte la météo du jour qui annonce aujourd’hui une forte pluie à un seul endroit en Islande, pile poil sur la F35 lorsque celle-ci va s’engouffrer entre 2 des plus grosses calottes glacière d’Islande.
Même si a priori il n’y a pas de gués de rivière à franchir aujourd’hui, la piste peut vite devenir impraticable par mauvais temps. Aussi le moins pire de la journée serait de traverser cette zone entre 12h et 14h ou alors après 18h.
N’ayant donc aucune raison de partir avant 10h au risque d’arriver trop tôt sur la zone, Noah embraye, se tenant droit comme un i devant nous avec ses petits tressautements d’excitation et son air coquin : « J’ai une idée, on pourrait peut-être prendre un petit bain chaud après le petit déjeuner ? ». Banco. Nous aussi ça nous dit bien ce programme.
Après donc un très long bain chaud qui nous a bien ramolli comme il faut, ce qui va permettre d’aborder la longue route de manière décontractée, et après avoir promis à Noah qu’on demanderait à Mr Boitte de faire le même bain chaud au petit château, on se met en route.
On suit la route 1 encore 30 km, et après Vahmalid, on quitte celle-ci pour la F35 qui à elle seule constitue un point d’intérêt. Comme chaque route F en Islande qui se respecte, cela commence par un panneau d’avertissement rappelant que ces routes sont interdites aux voitures et réservées aux seuls 4×4 et qu’il faut impérativement aller sur road.is au préalable pour vérifier que la route est praticable avant de s’engager.
Cette route, on l’a déjà faite il y a 2 ans mais en sens inverse, en venant du sud. On sait qu’elle met les pneus et les amortisseurs à rude épreuve. Un dernier coup d’œil sur road.is indique la fréquentation : 2 véhicules sur les dernières 24h. Et oui, j’avais eu du mal à comprendre à quoi servait ce petit chiffre devant chaque route sur la carte lors de nos précédentes virées en Islande car sur l’Iphone, la légende apparaissait tellement bas dans la page que je ne l’avais pas remarquée.
Alors pourquoi ce chiffre est-il autant mis en avant sur la carte ? Parce que cela te donne une idée de la rapidité du secours que tu pourras avoir ou pas s’il t’arrive une galère, vu que le réseau GSM est quasi inexistant. Dans notre cas, potentiellement 12h d’attente.
Ce qui pose la question de savoir s’il vaut mieux tomber en panne dans un endroit ou il ne passe que 2 voitures par jour mais qui s’arrêteront forcément pour te venir en aide – à moins que tu croise un Suisse-Allemand – ou tomber en panne dans une route de française beaucoup plus fréquentée mais où personne ne s’arrêtera.
Virginie qui est la conductrice attitrée du séjour pour toutes les situations périlleuses prend le volant. Pour lui donner du baume au cœur je lui annonce qu’on peut scinder en deux notre étape du jour et s’arrêter dans 1h40 environ à Hveravellir, une zone géothermale qu’on n’avait pas faite lors de notre précédent périple.
On charge comme à chaque fois Noah de s’occuper du soleil pour notre arrivée parce que là, les horizons sont on ne peut plus bouchés. La route aussi d’ailleurs. On a beau avancer, chaque minute qui passe rallonge de presqu’autant notre heure d’arrivée sur le GPS. Il faut dire que la route est tellement compliquée à aborder du fait des nids de poule et de cette roche volcanique coupante si caractéristique du coin qui ne demande qu’à cisailler tes pneus, qu’on ne dépasse quasiment jamais les 30km/h. Et comme on a 78 km à faire…
On va alterner comme cela presque sans discontinuer les zones à nid de poule, puis les zones à caillasses et enfin les zones de terre dure comme du béton qui ressemblent à de la tôle ondulée. Et bien sûr, ces 3 zones alternent tous les 100 mètres avec des descentes et des montées dans tous les sens.
On aimerait bien vous dire que le paysage alentour est magnifique, mais avec les yeux constamment rivés sur les 20 prochains mètres de pistes pour négocier la meilleure trajectoire possible, pas toujours évident.
En revanche tout n’est pas noir, car certes il pleut par intermittence, mais rien à voir avec les prévisions catastrophiques que j’avais vu. On aperçoit les glaciers de chaque côté avec les langues de glace qui se déversent dans la vallée dans des courbes parfaites. Et enfin, les cieux tumultueux où la multitude de vents contraires liés aux reliefs, aux zones chaudes des volcans et aux glaciers dessinent des arabesques invraisemblables dans le ciel.
En tout cas, petit à petit, on se rapproche de Heravellir qu’on va finir par atteindre par miracle sous une éclaircie. Noah dieu du soleil ? Pas impossible.
On n’a toujours pas crevé même si notre voyant de pneu dégonflé est toujours allumé. En revanche, dans cet enthousiasme ambiant, je fais la boulette. A 2km de Heravellir il y avait un panneau et machinalement je repère la signalétique des bains chauds. Je le dis à Virginie et bien sûr Noah qui a des oreilles bioniques quand ça l’arrange capte au bond le terme « Bain chaud » et ne parle plus que de cela.
Et 2 km, sur la route F35, c’est quand même 6 bonnes minutes. 6 minutes pendant lesquelles Noah nous expliquera qu’en arrivant, c’est simple, on sort de la voiture et on va prendre un bain chaud. Et nous rappelle que les maillots de bains sont dans le petit sac au cas où on a oublié. Et patati et patata.
Avec une autorité défiant tous les pronostics, on réussit quand même avant à aller voir les fumerolles et faire 40 min de rando bien sympathique dans les champs de lave et les fumerolles.
Mais sitôt que Noah voit que la boucle de la rando nous ramène au parking il repart sur les bains chauds. Entre temps, les nuages se sont un peu amoncelés et il commence à pleuvoter.
Nous on a franchement la flemme de se refoutre à poil pour prendre un bain chaud, donc on transige. Noah peut y aller, mais tout seul. Déshabillé en 14 secondes chrono avec les affaires éparpillés par terre, il se précipite dans la piscine naturelle en pierre de lave qui est composée à chaque extrémité de 2 gros tuyaux. Un qui déverse de l’eau bouillante provenant d’une source chaude. Et l’autre qui provient de la rivière qui est de l’eau gelée. Et voila. Si tu as trop chaud, tu déplaces de quelques centimètres le tuyau d’eau chaude pour qu’il se déverse dans la rivière au lieu de la piscine naturelle.
Pendant que Noah barbotte et joue avec le tuyau d’eau froide, nous on se caille un peu sous une petite bruine. Après 20 bonnes minutes on finit par l’extirper de l’eau. On le change dans la voiture car il pleuvotte toujours, puis on se faite le petit Tupperware de pâtes d’hier dans la voiture et en route pour Kerligarfjoll qui n’est plus qu’à 57km de là.
Durée annoncée par Google 1h20. Durée réelle au final, près de 2h. Aussi belle route que celle-ci fut interminable. On n’avait pas du tout le souvenir que la partie nord de la route soit aussi galère à traverser.
On bifurque à gauche pour quitter la F35 et s’enfoncer dans Kerlingarfjoll en se disant qu’avec un peu de chance la partie sud de la F35 demain sera plus simple…. Ou pas, car arrivés à Kerlingarfjoll à 17h on tombe sur un français avec ses 2 ados qui est en train de changer la roue de son 4×4. Il a crevé en venant du sud. Ca promet …
On retrouve ainsi notre refuge d’il y a 2 ans, mais cette fois avec plein d‘engins de chantiers partout pour le plus grand bonheur de Noah qui nous dit qu’il va construire son usine. Renseignements pris, ils s’agrandissent. Est-ce la fin programmé de cet Eden perdu d’Islande ? Je vais récupérer mes clés et fais une folie, je nous upgrade pour avoir le privilège de disposer d’une douche dans notre chambre au lieu d’une douche commune.
Puis comme il pleuvote mais que ma météo m’indiquait qu’il pourrait y avoir une éclaircie vers 18h, on va se prendre un petit thé et des cookies au bar/réception/restaurant. (la pièce commune quoi) en attendant que le soleil pointe le bout de son nez.
Noah qui se rappelle parfaitement des lieux (c’est fou il n’avait que 3 ans et demi) se rappelle surtout qu’il y a une balade dans le canyon là-bas avec une rivière chaude. Arrrgggghhh. Il retourne en boucle sur le sujet. Il insiste sur le fait que ce n’est pas grave s’il pleut et s’il faut marcher 40 minutes pour y aller parce qu’au bout du canyon, il y a une rivière chaude. Et patati et patata…
A 17h30 je vois en effet du côté de Hervallir une zone plus lumineuse qui se profile. Noah y voit une de ses interventions du soleil pour aller faire un bain chaud alors je vous laisse imaginer la frustration quand on lui dit qu’on veut aller à Hervallir parce que c’est un endroit magnifique qu’aime beaucoup papa et maman.
On le force à monter dans la voiture alors qu’il continue sur le fait que ce n’est pas bien parce que le canyon pour les bains chauds c’est à pied qu’il faut le faire et pas en voiture. Puis il boude pendant les 2,4km qui nous séparent de Hervallir parce que les bains chauds ce n’est pas dans cette direction.
Vous me direz que 2,4 Km à râler ce n’est pas long. Et bien si, car cette distance va se faire dans une pente à 30 degrés dans une caillasse invraissemblable si bien qu’un piéton nous aurait probablement doublé. On mettra en effet 20 minutes pour les atteindre.
Arrivés en haut, grosse mise au point avec Noah qui s’agite dans tous les sens. Hervallir c’est magnifique, mais c’est une succession de pentes et de montées à 40 degrés – avec ou sans escaliers de fortune – mais toujours avec 2 précipices de chaque côté. On tient à peine à 2 sur la largeur et encore parce que c’est un enfant, car 2 adultes clairement ça n’est pas possible, donc s’il fait l’andouille et ne me tient pas la main en marchant on est bon pour une catastrophe.
La mise au point faite et l’assurance qu’il y aura bien une randonnée de bain chaud demain matin mais que les grands en savent plus que lui et que c’est maintenant qu’il faut faire cette rando car on ne peut pas la faire quand il y a du vent ou quand il pleut à cause de sa dangerosité, il switch sur on et redevient sage et mignon tout le reste de la balade. Il se fera même un petit circuit de quad pendant 15 minutes au milieu des fumerolles et de la rivière pendant que Virginie par en exploration aux alentours.
Retour au refuge où Noah découvre qu’il adore la soupe aux champignons – c’est l’effet 5 ans et demi -.
Au moment de rentrer dans notre chambre Virginie voit des gens sur une colline qui observent l’horizon. Toujours en manque de marche elle décide d’y aller pendant que frigorifiés on se met sous la couette avec Noah pour se regarder le dessin animé Atlantis.
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