Au début on nous l’a présenté comme une rando de 14 Km du même acabit que celle de la veille. Après on a compris que c’était en fait 21 km et qu’il fallait se lever à 6h du matin pour aller prendre un bateau qui a des horaires fixes. Du coup là, on a tué le truc dans l’œuf. On partira à 9h et on prendra le prochain bateau. C’est déjà bien pour de tous nouveaux vacanciers. 

Petit aparté. Le décalage horaire, on ne l’a jamais senti. L’intuition de faire notre tour du monde par l’ouest semble pas mal…

On retrouve l’équipe de choc d’hier pour nous accompagner : Apollo et Gustavo. La performance de Noah de la veille a fait le tour du staff, c’est la petite coqueluche des guides maintenant. Quand il traverse le hall, on entend du “Noaaah !” à tout bout de champs. Sur la route, on retrouve les nuages lenticulaires si caractéristiques de la Patagonie. On ne résiste pas un stop rapide pour admirer les Torre d’un mirador et bien nous en prend car un condor passe justement par là.

On avait senti Gustavo assez soucieux qu’on ne s’attarde pas trop au mirador. Arrivés à l’embarcadère on comprend mieux pourquoi. Un seul bateau, 2 horaires le matin (9h et 11h) et principe du premier arrivé, premier servi. Quand le bateau est plein, si tu n’es pas dedans, tu es marron. Comme c’est le point de départ du W, le circuit le plus fameux du parc qui parcoure les Torre sur 120 km et 4 à 6 jours de rando, il y a du monde. D’ailleurs notre rando du jour c’est justement le deuxième bras du W (On l’appelle le W parce que la rando trace justement un W). Le départ du W, c’est le point en bas à gauche de la lettre W. Le premier jour, tu fais un aller et retour vers la glacier Grey et tu reviens au départ du W (on l’avait fait il y a plusieurs années avec Virginie). Aujourd’hui, on fait l’équivalent du 2ème jour du W.

en attendanT lE bateau

Du coup, on fait la queue le plus vite possible pour prendre le bateau, et on fini par rentrer, mais de justesse. Très vite, Noah veut aller sur le pont supérieur en extérieur. Le bateau est bondé, on est entassé partout. Les gens sont assis sur les escaliers, les bastingages. Très clairement on a dépassé la capacité du bateau pour laisser un minimum de gens en rade sur le quai, mais malgré cela, certains vont devoir quand même devoir patienter et prendre le prochain.

Noah, lui, s‘est frayé un chemin non seulement sur le pont supérieur, mais a dégotté « la meilleure » place tout devant, juste à la gauche de la cabine du capitaine. Il est de loin le plus jeune à bord, donc cela attire forcément la sympathie et les gens se tassent pour Le laisser s’asseoir, puis, pour me laisser me mettre à côté de lui.

Dès qu’on largue les amarres et qu’on quitte la petite anse, le vent se lève et je me mets donc en opposition entre Noah et le vent parce que cette tête de mule ne veut pas bouger et qu’il fait vraiment froid. Le lac est Péhoé est grand comme une petite mer intérieure et une houle commence à faire monter et descendre le bateau. J’ai une petite pensée pour Virginie qui est restée à l’intérieur en bas. Elle ne doit pas être au mieux là..`

Ca bouge de plus en plus, le vent est de plus en plus fort, et là, venu de nulle part, je me prends (ainsi que la moitié des 30 personnes sur le pont) une vague monumentale sur la tête. Les creux se sont tellement creusés qu’une vague vient de passer par-dessus le bateau et vient littéralement de balayer le pont. La je regrette le coupe vent. Noah a été relativement protégé mais moi je suis trempé de la tête aux pieds. Notre “meilleure” place est devenue la pire puisqu’on a pris la vague en premier de plein fouet. Cela dit, derrière moi, tout le monde sur le pont ressemble à une loque.

J’ai juste le temps d’attraper Noah et de nous abriter derrière la cabine qu’une deuxième vague arrive et fini de tremper le reste des occupants. En plus, ici, les icebergs du Grey glacier sont omniprésents donc l’eau est absolument gelée.

Le capitaine a tôt fait de nous prendre en pitié et me fait rentrer avec Noah dans la cabine exiguë, pendant que le pont Continue de se fait rincer par la houle. Une chaîne se met en place pour me passer portables et appareils photos à mettre à l’abri. Pour Noah c’est carrément l’éclate et le capitaine se marre avec lui pendant que je tiens en équilibre avec lui et essaye qu’à chaque vague il ne finisse pas par se cogner la tête contre une des parois.

20 min plus tard, on a enfin traversé le lac et à l’approche du débarcadère, la mer se calme. Il est presque midi, on change Noah au refuge parce qu’il est quand même bien mouillé et on se met en route.

La on comprend qu’on va cavaler et qu’il aurait été peut-être plus préférable de prendre le bateau de 9H. En tout cas, il reste 2 bateaux dans l’après-midi pour pouvoir rentrer. Celui de 17h et celui de 18h30. 17h aucune chance. Donc il faudra prendre celui de 18h30 mais comme c’est le dernier il faudra arriver une bonne heure avant et prendre notre place dans la file, sinon on sera bloqué sur ce côté de la rive jusqu’au lendemain. Ca nous laisse donc 5h30 pour 21 Km. Aucune chance.

Noah est moins en forme en plus. Il râle assez vite. Pour lui ce sera donc surtout promenade à dos de chameaux aujourd’hui (c’est-à-dire derrière mon dos à l’aller, puis derrière Virginie et Gustavo au retour) pour garder le rythme. 

La rando de 8km jusqu’au camp des italiens est en tant que telle grandiose. On longe le lac Pehoe d’un bleu tantôt turquoise, tantôt profond d’un côté, et on le massif Paine de l’autre,  Les Cuernos, « la montagne en forme de Cornes » en face de nous en ligne de mire . On traverse tantôt la steppe, tantôt la pampa, on passe au milieu de forets qui ont été brûlées et dont les troncs blancs contrastent avec les fleurs jaunes et le bleu turquoise du lac.

Le vent est fort, mais le temps dégagé, et on a perçoit le massif avec ses 2 couleurs si  caractéristiques qui ont fait la renommée mondiale des torre. 

Pour la petite histoire : les torre n’ont été gravies pour la première fois qu’en 1956. 2 équipes – une britannique, une italienne se sont lancées en même temps à l’assaut de ces pics vertigineux. Sans grande surprise, les italiens étaient les meilleurs grimpeurs mais totalement bordéliques. Les britanniques, moins bons mais bien organisés. Lorsque les italiens ont vu qu’ils allaient se faire battre, ils sont redescendus à mi parcours et ont été gravir le torre sud. Les britanniques ont ainsi gravis le torre du milieu, le plus prestigieux, et les italiens ont sauvé l’honneur avec le sud. 

Mais cela ne nous dit pas pourquoi notre rando du jour s’appelle la French Valley. Tout simplement parce qu’alors que la majorité du Chili était sous le joug colonial espagnol, la patagonie chilienne en revanche était globalement absente de présence espagnole. La nature ayant horreur du vide, de riches propriétaires terriens de différentes nationalité se sont appropriées des vallées entières – excusez du peu -, voir des montagnes. Cette vallée appartenait à un français, elle a pris le nom de French valley.

Retour donc a notre rando. A 14h30 on arrive au camp des italiens après avoir bien cavalé et traversé sur la fin un pont suspendu limité à 1 personne par passage (très rassurant). On casse la croute sur le pouce et on joue les prolongations pour aller jeter Un coup d’œil au glacier qui annonce l’entrée de la French Valley.

Mais ce sera trop juste en revanche pour aller jusqu’au lookout de la French valley (Il est à 1h30, donc 3h aller-retour) et il n’est pas question de rater le dernier bateau.

Retour a un rythme soutenu, aidé sur la deuxième partie par Gustavo qui prendra Noah sur son dos. On en profitera pour immortaliser en photo ce moment Qui promet d’être rare durant ces prochains mois, et se rappeler le bon vieux temps : 5 minutes juste tous les deux (Désolé Noah, tu comprendras plus tard 😉 )

Le vent Vient encore de forcir et il soulève littéralement l’eau du Lac à chaque grande rafale.

Vent patagonien 1 – Islande 0

On Marche tellement bien qu’on rate finalement de justesse le bateau de 17h. On aura mis 5h pour faire 18km, pas si mal. Après dans les faits on n’aurait pas pu prendre ce bateau car il aurait fallu arriver 1h avant pour pouvoir avoir une place dessus, donc pas de regret.

Un petit rafraîchissement à l’auberge (À Tierra Patagonia ils sont classes quand même. Ils ont amené les glacières et une petite nappe pour se prendre notre petit verre). Puis la foule des randonneurs grossissant pour attraper le dernier bateau, je me poste dès 17h30 dans la queue pour le dernière bateau de 18h30. Et bien nous en prend car rapidement la file s’allonge. Un groupe de français juste derrière moi en à marre de voir des gens tenter de resquiller dans la file (le plan 1 gars fait la queue pour le groupe de 15) et installe un barrage en mode gilet jaunes. 2-3 prises de becs plus tard, plus personne ne passe et c’est pas si mal parce qu’il n’y aura en effet pas de la place pour tout le monde.

La tempête sur le lac ralentit le bateau et Celui-ci arrivera au final plutôt sous les coups de 19h. Noah qui commençait à avoir froid a fini par s’endormir dans mes bras sur le quai en attendant le bateau.

Quand le bateau arrive et qu’on largue enfin les amarres une bonne trentaine de personnes ont été refoulées. Ils devront dormir la ce soir et prendre le bateau de demain matin.

Retour à Tierra Patagonia dans le calme de ceux qui ont eu une longue journée. Mais on gardera un œil ouvert à scruter quand même si on ne voit pas un puma À la tombée de la nuit, sans succès. Arrivés à 20h15, Noah insiste quand même pour faire un plongeon dans la piscine à 20h30 (on lui a promis toute la journée en mode carotte pour marcher, alors même s’il est tard, on n’a pas le cœur à le lui refuser) et on dîne les derniers à 21h30.

On s’endort en se racontant notre journée.

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