C’en est presque comique de raconter nos histoires d’il y a 3 jours alors que le monde tombe en lambeaux. 

Pour poursuivre la réflexion du billet de la veille, j’écris celui-ci le 16 mars, du Canyon of the ancient guest ranch où l’on vient de poser nos pénates pour faire un BDI, c’est à dire un Break à Durée Indéterminée. Temps de guerre oblige, on s’est arrêté auparavant à un supermarché à Cortez, la seule petite ville à 30 minutes d’ici pour remplir un caddie de bouffe avant de se barricader. Mais n’évantons pas les histoires du billet du 16 mars avant l’heure.

Retour donc au 12 mars, où l’on vient de passer notre dernière nuit à Moab under Canvas, notre super campement même si on se caille un peu sous la tente. La veille au soir avant de s’endormir, on a courageusement voté à la majorité avec Noah que Virginie serait désignée pour nous amener demain matin le thé et le chocolat chaud au lit (on avait repéré le matin une nana faire cela, alors on s’était dit « chiche », pourquoi pas Virginie ? )

Noah se réveille en fanfare comme d’habitude. Trop content d’avoir dormi blotti entre nous et se décrète « chaud comme une petite caille ». On ne peut pas en dire pareil de nous. Et là, surprise, Virginie se propose presque toute seule de sortir du lit, puis de la tente, de faire les 50m qui nous relient au campement de base et de nous ramener – sur un plateau s’il vous plait – nos boissons chaudes. Qu’il est doux de se laisser faire.

Une fois revigorés, on ferme notre paquetage et sur un ciel peinant à se dégager mais laissant tout de même paraître quelques langues de ciel bleu, nous quittons notre campement et nous mettons en route pour Canyonlands.

Sachant qu’on dort ce soir près de Mesa Verde au « Canyon of the ancient guest ranch » qui est à 2h30 de route d’ici au sud-est et que L’entrée de Canyonlands est à 30 minute de route d’ici, mais en sens inverse, on s’oriente donc vers 5 à 6h de route aujourd’hui au bas mot en plus de la visite du parc.

Mais c’est le revers de la médaille de notre choix « couillu mais payant » de réussir à voir Délicate Arch en fin de journée sous le soleil.

J’en profite pour une séance hommage comme à la cérémonie des Cesar lorsque je monte sur l’estrade pour remercier ceux sans qui rien n’aurait été possible. 
– Merci à Virginie de conduire la grande majeure partie du temps même si son nom indien reste « Celle qui se trompe de chemin » car rouler à 55 miles à l’heure ça m’endort.
– Merci à Noah d’être aussi cool en voiture. J’en connais pas beaucoup qui à 4 ans se coltinent 4 à 5h de voiture sans rien dire chaque jour, à observer le paysage, écouter la musique, regarder avec une obsession parfois inquiétante la petite flèche bleue du GPS qui se rapproche du point rouge, et qui est capable de répondre lorsqu’on lui dit qu’on arrive dans 1h « Ah ça c’est pas beaucoup ». Comme quoi tout est relatif. 

Cet hommage magistralement effectué devant une foule acquise, je retourne donc au moment où l’on quitte notre campement pour Canyonlands, l’un des plus grands parcs des US (842km2) qui a la particularité d’être coupé en 3 parties distinctes et non reliées les unes aux autres et qui peuvent nécessiter plus d’1h30 de route pour aller d’une partie à l’autre. Du coup, aujourd’hui on va se limiter à « Island in the sky », la partie Nord du parc et la plus proche de Moab. 

C’est un parc qui se visite surtout en voiture mais il y a quand même 2-3 petites ballades à faire. Pour se mettre en jambes, on commence par Mésa Arch – 1km pour aller voir une arche qui domine le canyon. 

Puis on se dirige vers la pointe sud jusqu’à Grand View Point Overlook, sous un soleil qui émerge enfin, pour avoir une vue panoramique assez époustouflante (et donc comme souvent dans ce cas là, rarement photogénique) du canyon à 180 degrés. Il vous faudra donc y aller pour ressentir ce que l’on a ressenti en voyant cela. 

De là, il y a bien une ballade d’1h30 qui est proposée (la grand view point), mais un blog hyper bien fait – earthtrekkers pour ne pas les nommer – indiquait qu’à 1 km de là, la ballade de White Rim Overlook permet de voir des paysages similaires avec l’extrême avantage de n’être quasiment jamais empruntée et pour cause, il y a une interdiction absolue de se garer en dehors des 2 seuls emplacements de parkings (oui vous avez bien lu, pour 2 voitures seulement). Du coup, une fois que les 2 voitures sont garées, il n’y a plus personne qui peut faire la ballade. On ne pousse pas le vice à se garer au milieu, même si en tant que français, la tentation est grande.

Nous voici donc partis, seuls au monde, sur la White rim Overlook. Le jeu du jour pour faire marcher notre petit bonhomme pendant 1h30 : le premier qui trouve une petite pyramide de pierre qui fait office de balisage de sentier marque un point. A 10 points, on a gagné. Comme il y en a beaucoup ici à intervalles réguliers, ca fait le job en mode petit poucet.

Il marche ainsi tout seul jusqu’à déboucher sur un promontoire naturel dominant à presque 300 degrés les canyons alentours. Là aussi, les photos ne rendent pas hommage au lieu mais ce n’est pas plus mal. Parfois pour voir et ressentir les choses, c’est quand même mieux d’y être.

Sur le retour, miracle, les petits cailloux marchent aussi (pourtant c’est un retour et pas une boucle) et il faudra juste le porter sur les 100 derniers mètres pour boucler notre 1H30 de rando ; Bravo Noah.

On repart de Canyonlands car mine de rien, il est passé 14h et Noah s’endort dans la voiture. Google indique 3h45 de route pour notre ranch de ce soir, mais on ne résiste pas à faire un micro détour vers un state park peu connu, le « Dead horse Point State Park ». Juste un point de vue à observer de là, mais quel point de vue. De son extrémité vous contemplez les méandre du Colorado plusieurs centaines de mètres plus bas. Pour les cinéphiles, enfin pour tous j’ai envie de dire tellement ce film est culte, c’est là qu’a été filmé la scène de fin de Thélma et Louise quand, acculées, elles décident de se jeter du haut du canyon en voiture plutôt que de se faire arrêter par les flics. Et oui, dans l’histoire elles sautent au-dessus du Grand Canyon, mais en fait c’est de Dead horse Point.

Au début, comme Noah dort, j’y vais tout seul. Puis, quand je reviens à la voiture pour veiller l’enfant, il n’y a plus personne. Je me dis ok, « Caca émergency » et j’attends bêtement devant les chiottes. Comme parfois il faut raconter à Noah l’encyclopédie Universalis en 26 tomes pour que monsieur daigne nous honorer d’un caca royal, j’attends assez longtemps, voir franchement très longtemps.

Dans le doute, je repars dans l’autre sens et voit les 2 loulous en train de contempler la vue. Ils avaient pris un autre chemin en sortant de la voiture et on s‘était raté. On n’aura donc partagé au final assez peu ce moment de plénitude, mais c’est vraiment un stop à faire si vous allez dans le coin.

Il est largement passé 15h maintenant. On n’a rien mangé et les réserves de chips et de cookies sont vides donc on s‘arrête quand même à un 7-eleven à Moab. Virginie tarde un peu beaucoup, mais revient finalement avec un hot dog pour moi, puis avec des légumes coupés et une sauce blanche. On grignote sur le pouce dans le parking. Entre ça et l’arrêt essence, nous voici pour changer, en train d’arriver de nuit au ranch.

Le ranch est un point perdu sur la carte, pile à l’intersection de 4 états. Vous savez, ce genre de point où un gars dans la station spatiale ISS, quand il passe au-dessus de la zone, se dit interloqué : « tiens il y a encore un coin de la planète qui est plongé dans le noir ». Virginie avait roulé le gros de la journée, donc j’avais pris le relais pour la dernière heure et demie (elle n’aime pas conduire de nuit. C’est l’âge que voulez-vous). 

Google avait été facétieux. Il y avait 2 chemins de durée égale pour aller au Ranch. A la faveur d’une minute de gain de temps, il a choisi de nous envoyer sur une route de campagne truffée de nid de poule. Trafic autoroutier sur les 50 min de tronçon : proche du néant. Condition de route : nuit noire bien sûr. Bébêtes en tout genre : suffisamment pour allumer mes warnings. On a failli écraser un lapin il y a 30s, et si la prochaine fois c’était un peu plus massif qu’un lapin ?

Je check à l’arrière car Noah est tellement obnubilé par la fléche bleu du GPS qui se rapproche du petit point rouge qu’on a remarqué que souvent il se débarrasse en douce des bretelles de sécurité de son siège pour mieux voir l’écran du GPS. Et bien sûr, ca n’a pas raté, une fois n’est pas coutume, il les a viré. Il est toujours retenu au niveau de la taille mais ca craint un peu je trouve. On le lui réexplique avec un peu plus de conviction que d’habitude et il finit par les remettre. 5 minutes après, on voit une vache le long de la route. 10 minutes plus tard, au dernier moment j’aperçois une masse sombre en train de traverser devant le capot. Une autre vache qui ne semble pas se préoccuper de nous. Je pile un bon coup et évite la vache de justesse. « Tu vois Noah pourquoi il fallait mettre les bretelles ? ». Bon il a compris… « Ok papa, mais c’est juste pour la nuit ». Bon il n’a pas tout compris, ou plutôt il choisi ce qu’il a envie de comprendre.

30 minutes plus tard on arrive enfin sans encombres au ranch. Sauf qu’il fait nuit noire, personne à l’horizon et on a un vague plan pour trouver notre maison. Comme on est dans la pire configuration (je conduis et Virginie fait le copilote), on inverse assez rapidement les rôles avant de s’engueuler. Paix des ménages oblige. Comme assez souvent dans ces situations (on a vécu la même au ranch des mormons en arrivant aussi de nuit il y a une semaine), notre première intuition est la bonne mais on ne se fait pas assez confiance et on rebrousse chemin parce que ca semble louche. Là on va faire 2-3 fois l’aller retour avant de piger que sur le plan, ils n’ont indiqué en fait que la bonne route et pas les embranchements. On avait donc bon dès le départ. C’est juste que notre maison s’avère tellement isolée des autres que dans le noir on n’y croyait pas trop. D’ailleurs arrivés à la maison, ca se confirme, un joli panneau nous attend avec marqué Welcome Frederic B. 

La maison est magnifiquement décorée, superbe cheminée, tout est juste charmant et parfait. Quelques minutes plus tard, une voiture s’arrête devant notre maison. C’est Ming, notre hôte qui vient nous accueillir. Elle tombe sous le charme de Noah immédiatement (c’est rare ça, tient, s’il ne finit pas à Holywood un jour celui-là…). Bref, il est tard, on verra le reste demain. Immédiatement on rentre dans un classicisme à faire pâlir toutes les chiennes de garde. Virginie déballe les affaires pendant que les mâles s’occupent du feu. On se retrouve tous devant la cheminée, avec le feu qui crépite – à la deuxième tentative – car le conduit et le bois était un peu froid bien sûr. Les mâles ont la technique pour faire du feu depuis 300 000 ans quand même !

On se lit ensuite une petite histoire en mangeant des clémentines et on se couche encore à pas d’heure, heureux d’avoir trouvé ce joli endroit. 

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