Les jours s’enchaînent et ne se ressemblent pas. Ce billet n’a été écrit pourtant qu’hier, mais il a fallu attendre qu’on ait un peu d’internet pour y rajouter les photos et pouvoir le poster. Dans 20 ans quand on se reliera, on se dira qu’on était vraiment arriérés, côté technologie..
Ce soir, soit pourtant seulement 24h après, je rajoute ces quelques lignes avant de reprendre notre récit chronologiquement.
Nous sommes donc le 15 mars au soir, et le coronavirus nous a rattrapé, ou plutôt j’espère seulement ses effets sur notre quotidien. Jusque là on se sentait franchement très peu concernés. Les statistiques US jouaient en notre faveur. Peu de cas remontés, la vie suivait son cours, bref, c’était un problème chinois et européen.
Mais arrivés à Monument vallée ce matin, on nous refoule purement et simplement. Le parc ferme pour cause de Coronavirus alors qu’il se visite dans sa propre voiture ! Dans la foulée, un premier email tombe annonçant que le show à Vegas ferme aussi, puis les visites à Antelope Canyon également, puis Booking nous indique que la majorité des hôtels acceptent désormais les annulations sans frais sur les US, et enfin Hawaiian airlines en fait de même en nous enjoignant d’utiliser le lien ci-dessous si on souhaite annuler nos vols et de réserver nos appels à la compagnie que si notre départ est dans les 72h. C’est un début de panique générale aux US
Simultanément, maintenant qu’on a récupéré internet, l’iPhone qui lui, est resté aux news françaises, se met à nous déverser les pires news de la planète car vous êtes devenus l’épicentre de l’épidémie.
Puis c’est le père d’un de mes potes qui vient d’être admis aux urgences, un papier d’un hospitalier en Alsace qui annonce que saturés, ils en sont à trier ceux qu’ils admettent en réanimation condamnant les autres, et plusieurs news informelles de potes au gouvernement me disent que Macron s’apprête à déclarer le confinement général en France sous 48h.
Les US ont l’air d’être 15 jours en amont des problèmes français et notre porte de sortie naturelle, Las Vegas, se ferme à la vitesse grand V. Bruno qui vit à Vegas me dit que le groupe MGM va annoncer qu’il ferme ses hôtels mardi et que les autres vont suivre, voir qu’il y a des rumeurs d’interdiction d’entrée et de sortie de l’état qui se profilent.
D’ici, on réalise soudainement que si vous n’avez plus d’autre choix de votre côté que de subir les décisions politiques sûrement bien légitimes ; nous on a l’impression bizarre qu’il nous reste 2 ou 3 jours de pseudo-liberté pour faire le bon ou le mauvais choix avant de se retrouver nous aussi coincés dans l’Amérique de Trump.
Après une demi-journée à tergiverser et chercher des solutions, on vient de réduire nos choix à 2 options : on peut retourner à 1h de route dans le ranch du Mesa verde dans une petite maison où on peut s’isoler et ne pas avoir à risquer la fermeture subite des hôtels et des restaurants – mais on se retrouve à 8h de route de Vegas si on a un problème ou même pour partir prendre un avion- , ou tenter une sortie vers le Canada pour rejoindre ma sœur (et encore pour cela il a fallu d’abord régler avant le problème d’ESTA de Virginie qui ne pouvait plus rentrer sur le territoire canadien, son ESTA s’étant révoqué automatiquement au renouvellement de passeport, ce qu’elle avait fait juste avant de partir). L’option retour en France nous semble trop déprimante et trop galère à ce stade pour l’envisager dans la précipitation.
Allez, la nuit porte conseil, on verra demain. Noah a du sentir le stress monter. En 2 mois c’est la première fois qu’on galère pour le coucher.
Mais reprenons notre récit de ce 11 mars, ou la vie au pays des Oui Oui (c’est nous) était encore un long fleuve tranquille.
Heureusement qu’à notre arrivée à Moab, le guide naturaliste nous avait dit qu’il pleuvait péniblement 5cm d’eau par an dans la région, car on se réveille sous la flotte. Et pas une petite flotte de 3 minutes. Non, une pluie Biarrote, de celle qui a l’air d’être là pour durer.
De toute façon on est debout et la pluie a rendu l’air dans la tente encore plus froid que la veille – ce que nous ne croyions pas possible –. Aussi, malgré le peu de perspectives de rando du matin, on se lève et on part petit déjeuner à Moab. On était parti pour aller au même endroit qu’hier matin car Noah avait adoré le petit dej, mais en passant, Virginie repère un petit café : Eclektica. On décide d’y aller et c’est super. C’est tout petit, plutôt bon, déco super chouette, et ca tombe bien car toutLea déco est à vendre. Autre « bonne » nouvelle, il y a enfin de l’internet. Dans les tentes, nada, dans les parcs, nada et dans les autres restaus, bizarrement, nada aussi, donc on en profite pour se reconnecter un peu au monde.
En petit déjeunant, chacun vaque à ses occupations. Noah joue aux voitures, Virginie achète la moitié de la boutique et vous envoie des petits mots, moi je charge les photos pour le blog et me met sur les billets en retard.
On va ainsi squatter l’une des 6 tables toute la matinée pendant qu’il ne cesse de pleuvoir sans discontinuer. A un moment, je me dis qu’on abuse, même si on procède à des refill régulièrement, mais quand Virginie m’annonce ce qu’elle a claqué en petits bijoux, je suis rassuré. On peut rester ici 2 jours, ils ne nous diront rien.
Un peu avant midi, il pleut toujours. Il a donc du pleuvoir les 5 cm annuel en une matinée. Virginie était partante pour aller faire Canyonlands qui est un parc qui se visite en voiture principalement, mais je me disais qu’avec le plafond bas ca serait moyen et qu’on allait juste faire 3H de route pour voir un ciel gris.
En plus la météo annonce que ca va se lever vers 16h ce qui, quand tu regardes à la fenêtre, semble difficile à croire, mais on décide de jouer la carte météo. Retour à notre tente. Noah fera une sieste, nous aussi, et on verra à 16h si météo grenouille est fiable ou pas dans le coin.
15h40, Noah se réveille, on jète un œil dehors et le soleil commence à percer. En attendant Virginie, on se fait une énorme barre de rire avec Noah. Je le porte à bout de bras et fait semblant de le lâcher avant de le rattraper à chaque fois In extremis.
Ca y est, on est en ordre de marche, difficile de savoir qui du soleil ou des nuages va gagner, mais nous voilà quand même partis pour le parc des Arches direction la rando de Délicate Arches. Le « clou du spectacle » paraît-il du parc à faire en fin d’après-midi pour bénéficier de la meilleure luminosité.
A 16h30 on est devant le début de la rando, et le soleil a gagné son combat. Parfait timing et peu de monde que le mauvais temps de la matinée avait du décourager. La rando fait à peine plus de 5km, mais est notée difficile. En même temps, ils indiquent plus de 2h pour la faire. Ca se tient.
Sur l’aller, rapidement Noah ne veut pas marcher. Tout de suite on se met à théoriser sur l’adage moins on en fait moins on a envie d’en faire, parce que pour le coup depuis ce matin on ne peut pas dire qu’on a brulé des calories.
Bref pendant qu’on philosophe sur le sujet en regardant l’enfant Qui marche décidément n’importe comment, Virginie remarque que j’ai tout simplement mis les chaussures de Noah à l’envers à sa sortie de sieste et que ca fait donc 1h qu’il marche comme ça. Oups.
Mais le mal est fait. Même remises correctement, le momentum est passé et Noah ne veut pas marcher. On ne va pas tergiverser. Il y a un énorme bloc rocheux à l’horizon à grimper. Ma faute/ Je paye. Je le mets sur le dos et c’est parti mon kiki.
Le début de la rando offre un vaste panorama, sans cesse en montée. Après ¾ d’heure de montée ininterrompue, je suis crevé et je dépose Noah sur un plateau qui au début me semblait être le point haut de la rando et qui en fait ne l’est visiblement pas. Il part se dégourdir les pattes en crapahutant dans les rochers ce qui prouve qu’il n’était absolument pas fatigué. Virginie a une théorie intéressante sur le sujet. Les vastes paysages l’ennuie et c’est pour cela qu’il dit qu’il est fatigué. Si c’était une forêt ce serait une autre histoire. Oui mais s’il y avait une forêt, on serait pas dans un parc désertique !
Une fois requinqués on reprend la route, ou pour être plus précis, Noah a décidé de reprendre la route tout seul. Il nous a mis 50 mètres dans la vue et s’apprête à monter seul ce qui ressemble à un chemin escarpé d’un mètre de large avec un a pic d’un côté. Je pars en courant le récupérer pendant que Virginie se dépêche de rassembler notre bordel.
En effet on est à flanc de falaise dans un chemin sinueux et étroit. Noah adore et là il grimpe tout seul.
Tout d‘un coup, j’aperçois une petite arche en hauteur sur la droite. Pour y accéder il faudrait sortir du chemin et gravir une dizaine de mètres de roche. Du coup les gens regardent vite fait et passent leur chemin.
Moi, ce truc me rappelle une discussion lue sur un blog comme quoi juste avant d’arriver à l’Arche délicate il y a un point de vue incroyable non indiqué que tout le monde rate. Ce n’’était pas très explicite et je ne sais pas si on est encore loin ou non de Délicate Arch, mais quelque chose me dit que c’est peut-être en escaladant ce rocher et en allant sous cette petite arche qu’il y a le point de vue en question.
Je n’avais rien dit à Virginie au sujet de cette petite lecture de blog, et ne lui dit rien non plus sur le coup (et oui Virginie, j’aime bien garder quelques petites infos pour moi histoire de faire ensuite mon petit effet). Du coup, ça l’étonne de me voir vouloir escalader ce truc qui ressemble plus à un caprice d’adolescent (ici sortir des chemins est prohibé et rappelé à peu près tous les 500 mètres sur les sentiers).
Noah qui me voit grimper n’imagine pas une seule seconde rester en bas, et m’intime l’ordre de m’aider à grimper. Je reviens sur mes pas et le hisse Ensuite en le tirant par les bras puisque la petite grimpette commence par 1m50 de paroi abrupte et que notre petit bonhomme fait 1m à tout casser. Virginie, elle, reste en bas. On gravit avec précaution les 10 derniers mètres et on arrive sous la petite arche. Bingo. Je reconnais la photo. J’ai trouvé le point de vue dont parlait le blog.

J’appelle Virginie qui se fait aider pour monter et nous rejoindre. Ca y est. On est définitivement réconciliés avec les arches. D’ici, le panorama à cette heure-ci est époustouflant. La nature fait bien les choses, et on n’est pas peu heureux de pouvoir rester tous les 3 une bonne vingtaine de minute sur ce mini-perchoir sans la moindre randonneur.
On redescend ensuite et on retrouve le chemin du commun des mortels Vers Delicate Arch. Si vous avez le vertige comme moi… pas de bol. Après, c’est vraiment très beau et il y en a pour 150 mètres maximum. Noah me tient gentiment la main pour me faire passer le vertige.
Arrivés devant ‘la vue officielle” de Délicate Arch, c’est super d’ici aussi, même si avoir Noah qui virevolte dans un environnement où tout pas inconsidéré risque de te précipiter dans le vide 200 mètres plus bas n’est pas de tout repos. Quant à aller sous l’arche comme le font quelques guignols, je suis sur que c’est finalement assez safe, mais marcher en équilibre précaire sur un sol à 30 degrés qui semble vouloir t’avaler dans le gouffre de l’enfer avec Noah qui voudra bien sûr venir aussi, très peu pour nous. On se contente donc d’être sages et de rester du côté le plus raisonnable.
Alors que vous l’aurez compris Noah ne cessait de gesticuler, heureusement au bout d’un moment, il se pose et se met à récupérer de ci de la du sable pour nous faire des gâteaux. Ca pourrait être un défi Top Chef tient. Denis Brognard pourrait nous dire « Aujourd’hui, vous allez nous cuisiner un gateau en équilibre sur Delicate Arch par grand vent». On jouira ainsi de presque 20 minutes de contemplation sans avoir à le surveiller en permanence. C’est beau d’ici, mais On préfère notre super spot en amont.
Le soleil commence à descendre à l’horizon et il reste une bonne heure de marche pour rentrer par le même chemin. Aucune envie de le porter sur toute la distance aussi je commence à lui proposer en marchant des jeux.


Trouver un fruit ou un légume commençant par une lettre, puis le jeu Marbout – bout de ficelle… puis quand tout cela est épuisé et qu’il reste une bonne demie heure de marche, je commence à lui raconter l’histoire de l’arche de Noé. Après tout, on ne cesse de voir des Arches depuis 3 jours.
Bon, j’avoue je la connait à moitié l’histoire de l’arche de Noé, donc je brode un peu. En tout cas, il est médusé et nous voila à marcher au soleil couchant avec Noah qui met les animaux dans l’arche et me dit que j’ai oublié d’y mettre le papa fourmi et la maman fourmi ; le papa hippopotame et la maman hippopotame. Bilan des courses, on n’a pas encore mis tous les animaux dans l’arche que nous sommes arrivés à la voiture et qu’il a marché tout seul. EN plus de sauver tous les animaux, Noé a donc aussi sauvé mon dos !
Pour le féliciter d’avoir aussi bien marché, on retourne à sa demande dîner à l’indien (il avait adoré les brochettes). Dernière nuit sous la tente. On fait le feu, on se met sous la couette. Il est chaud comme une petite caille. Pas de train ce soir, mais tout le monde s’endort paisiblement.
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