Le programme du jour : direction des fjords de l’Est, délaissés par la majorité des touristes qui font le tour de l’ile pour être réputés franchement inaccessibles. Alors pourquoi y allons-nous ? Ben parce que c’est inaccessible bien sûr.
Notre ami Google nous prédit au moins 3h40 de voiture pour cette première étape dans les fjords, même s’il y a moins de 200 km à parcourir. Ca donne une idée de la route
Le Viking Café où l’on a dormi hier soir est réputé pour son petit côté hétéroclite mais surtout parce qu’il donne accès dans le Stokksnes aux montagnes très photogéniques du Vestrahorn qui se reflètent dans la mer.
Cela tient à une triple configuration atypique.
D’une part, vous avez les montagnes elles-mêmes. Hautes de seulement 450 mètres, elles sont composées de falaises vertigineuses en Gabbro qui leur confère cette couleur si particulière. C’est quoi le Gabbro ? C’est le constituant principal de la croûte océanique qu’on ne retrouve d’habitude que bien en-dessous du fond des océans. Mais à la faveur de la tectonique de la zone, les voici dont à l’air libre.
D’autre part, ces montagnes sont situées sur une langue de terre qui fait un arc de cercle dans la mer autour de la ville de Höfn. Ainsi, des plages de sable noir de cet isthme, lorsque la marée descend, une fine couche d’eau de quelques centimètres reste sur le sable et agit comme un miroir dans lequel se reflètent les montagnes du Vestrahorn.
Enfin, toute la langue de terre est constituée de petites dunes de sable noir sur lesquelles ont fini par pousser des touffes d’herbes éparses et assez hautes très photogéniques.
Mais tout cela est plus parlant quand il fait beau et si au moment où l’on se réveille il y a du soleil, au moment où on est fin prêt pour partir en observation, les nuages sont venus et nous revoila dans un temps islandais vert-gris.
Devant nous, on aperçoit une vingtaine de caravanes et camions techniques qu’on avait déjà aperçu quand on allait au Landmanalaugar il y a 10 jours et qui sont là pour tourner un film. On n’a pas réussi à savoir ce que c’est comme film, mais aujourd’hui, ils tournent ici, et plus particulièrement dans un village viking reconstitué qui avait été fait initialement pour un film dans lequel devait jouer Mel Gibson il y a 10 ans et qui ne s’est jamais fait. C’est vrai que Mel Gibson semble abonné à ce genre de paysages. Je m’étonne toujours qu’il n’ait pas joué dans Highlander…
Bref, c’est notre seule animation réellement prévue de la journée et il fait un peu froid et un peu gris et en plus on ne peut pas aller au village viking qui est réquisitionné pour ce tournage.
Heureusement, Noah va rendre cette matinée super sympa. Autant les cascades, on est arrivé à la conclusion que s’il ne peut pas aller derrière et en ressortir trempé, il s‘en fiche pas mal, autant les plages de noir il kiffe. Saupoudre-le de dunes et c’est l’autoroute du rire.
D’abord avec les touffes d’herbes qu’il s’amuse à cueillir en bouquet pour nous faire des chatouilles.
Puis le voilà qui nous embarque pendant près de 2h dans des parties de cache-cache dans les dunes immaculées ou les touffes d’herbes représentent les maisons ou tu ne peux pas être touché (enfin pour les dunes immaculées, elles le seront franchement moins après notre passage).
On enchaîne sur ce que Noah appelle du « skateboard » dans les dunes – comprendre monter et descendre des tubes en courant, et un court passage sur la plage elle-même pour voir ce qu’aurait pu donner le reflet des montagnes dans l’eau si le temps avait été plus clément. On est rincé après 2h comme cela.
Retour ensuite au Viking Café pour se réchauffer autour d un petit gâteau au chocolat et d’un thé avant de se faire notre 3h40 de route – et plus si affinités -.
En repartant on prends quelques clichés des montagnes. c’est vrai que le coin est très surprenant.
On va ensuite filer relativement sans s’arrêter. On s’autorisera juste un stop le long des falaises puis descendre sur une plage et voir 3 jeunes de 25 ans essayer d’escalader un pic rocheux à moitié dans la mer sans le moindre début de chance d’arriver à autre que de se casser bêtement quelque chose, le tout sous les yeux ébahis de Noah qui s’imagine déjà faire plus tard ce genre d’âneries avec ses potes Damien et Auguste.
On continue ensuite une cinquantaine de kilomètres sur la route et 1 et tout d’un coup je me rends compte que le chemin que Google s’apprête à nous faire prendre en quittant la route 1 ne va pas directement sur la route 95 comme je le pensais mais nécessite de faire entre les deux une vingtaine de kilomètres sur la route de montagne F939. Le brouillard est bas donc je ne sais pas si c’est la meilleure idée de l’année. En même temps si on ne la prend pas, cela rajoute 40 min aux 3h30 de route du départ.
Arrivés à l’embranchement, un panneau indique pour la F939 une côte à 17%. En même temps, cela ne semble pas être pire que ce qu’on a écumé dans les Highlands. Après une micro-hésitation, on maintient le cap sur la F939. On s’arrête à une jolie petite cascade Folaldafoss où il faut porter Noah parce qu’il avait la flemme de faire les 5 minutes de marche pour y aller, puis on reprend notre route de montagne, sur gravier, et en partie dans le brouillard bien entendu.
25 minutes plus tard et après avoir serré les fesses au rythme des têtes d’épingle sans bas-côté en plein brouillard, on rejoint la route 95 avec un gain de 40 minutes. Noah entre temps, à la faveur d’un petit arrêt au bord d’un lac à l’eau totalement immobile où se reflète toutes les montagnes environnantes, vient d’accepter de s’endormir ce qui devrait nous garantir une route paisible sur la dernière heure et demie avant d’arriver à bon port.
Oui mais voilà, profitant d’une ligne droite et le retour de l’asphalte, Virginie lâche le volant pour observer fièrement que malgré nos 10 derniers jours dans les Highlands à rouler sur des routes impossibles, notre voiture tire parfaitement droit. Et là, véridique, juste au moment où elle me dit cela, le voyant indiquant un problème sur les pneus s’allume !
La poisse. Après dans notre poisse on ne s’en sort pas si mal car cela intervient exactement à 7km de Egilsstadir qui est la plus grande ville de la région. On tombe tout de suite sur une station-service et on teste les pneus. C’est bizarre, il y a un léger pet sur l’un d’eux mais la pression des pneus est globalement correcte. En même temps le voyant vient de s’allumer. Une micro-fuite qui va nous planter pour la dernière heure de route dans les fjords de l’est lorsqu’on sera sur une route où personne ne passe jamais ?
Heureusement en cherchant sur Google je trouve un garagiste spécialisé dans les pneus (en même temps en Islande c’est la cause numéro un des problèmes de voiture donc pas si étonnant). Il est 17h35 et il ferme à 18h. On y va et on est immédiatement pris en charge. Evidemment Noah entre temps avec tout ce remue-ménage s’est réveillé et il est excité comme une puce comme à chaque fois qu’on a un problème de pneus (entre la crevaison dans le désert argentin à minuit et l’enlisement du buggy sur une plage brésilienne dans le Nordeste, évidemment ça lui rappelle des souvenirs…).
Le gars met la voiture sur le pont, ne voit rien sur les pneus, voit que la pression est uniforme même s’il juge qu’elle est un peu basse pour l’usage qu’on fait de la voiture. Puis retire chaque pneu et les teste en détail sur une machine en aspergeant d’un liquide toute la roue pour détecter des bulles d’air susceptibles de trahir une fuite quelque part.
Après 15 minutes, il ne trouve rien. Bizarre. Le voyant qui est défectueux ? Il nous suggère d’aller acheter un kit anti-crevaison à la station-service au cas où vu qu’on part dans les fjords de l’est. Très rassurant. On essaye de réinitialiser de notre côté le voyant histoire de repartir à zéro et voir s’il se rallume plus tard.
Ce foutu voyant reste allumé comme un phare te prévenant que tu files droits sur les récifs. J’ai tourné le mode d’emploi dans tous les sens, regardé des dizaines de tutos de tous les modèles de Dacia Duster de l’histoire et ma procédure est clairement la bonne, et ce foutu voyant ne veut clairement pas s’éteindre.
A peine on quitte le garage que celui-ci ferme. Même pas la peine de penser y retourner pour leur demander quoi que ce soit. On va devoir rouler avec le voyant toujours allumé sans savoir si c’est parce qu’il est défectueux ou s’il y a un vrai problème avec les pneus.
Bon, quand faut y aller, faut y aller. Il est 18h autant se mettre en route vu qu’il reste au moins 1h pour atteindre l’hôtel à Borgarfojordur dans les fjords de l’est. On prend la route 94 et bien évidemment après 1 km on quitte l’asphalte pour la bonne route de caillasse des familles qui va nous achever les pneus.
Et quand on pense que ça ne pourrait pas être pire, on monte un peu dans les collines et là on tombe sur un brouillard à couper au couteau. On en est à se repérer à Google Maps pour savoir quand il faut tourner sachant que bien sur nous avons droit au ravin sur au moins un des 2 côtés et sans barrières de sécurité.
Ca dure 15 bonnes minutes, puis on est pas peu contents de redescendre dans le fjord et d’entrevoir enfin la fin de notre périple sain et sauf.
On arrive à ce qui commence furieusement à rappeler le bout du monde, soit le Alfheimar Hotel qui exceptionnellement accueille un car de touristes américains probablement perdu. C’est totalement improbable. On n’a pas croisé un car du séjour et pas une voiture depuis 80 km. Du coup le manager nous conseille d‘aller plutôt dîner en ville au restau histoire de ne pas se taper le brouhaha inhabituel du lieu.
On atterrit comme souvent dans un no ’mans land où l’on oserait à peine rentrer en France, pour découvrir au final une très bonne cuisine tandis que Noah sympathise avec les locaux.
Voila une nouvelle journée qui s‘achève. Si le temps est au rendez-vous comme ils semblent l’annoncer, demain on va se faire une rando canon.
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