Non ce n’est pas une provocation pour faire crisser des dents les mamies mais c’est vrai qu’aller à Rio sans aller voir une Favela c’est un peu dommage non ? En revanche pas sûr que Jacques Attali, lui, y soit aller.
Toujours est-il que ce matin, “le petit bonhomme” est la tête dans les nuages. Noah ? Non, je parle du Corcovado. Le temps s’est couvert et bien nous a pris de commencer notre visite de Rio par le Corcovado hier car sinon aujourd’hui on était bon pour la fameuse carte postale toute noire avec marqué « Edimbourg by night ».
De mon côté, je me suis réveillé patraque. J’ai une petite idée du pourquoi, mais je vous en parlerai dans un autre billet. Ce matin, on part avec Daniel visiter une Favela. Une Favela ? Avec un enfant ? Mais Ils ne sont pas un peu fada non ?
Nous on a envie de dire, et pourquoi pas ? Daniel a choisi Vigal dans le sud qui combine 2 avantages : c’est la plus près de notre hôtel puisqu’elle est au bout de la plage “Leblond”, et surtout, c’est la moins chaude désormais. Jusqu’en 2012 c’était franchement la guerre là-bas, mais depuis, elle fait partie des Favela ”pacifiées”. Les Narcos ont toujours la main dessus, mais tout ce petit monde coexiste le plus souvent sans se tirer dessus. Pour la petite histoire, il y a 900 Favela autour de Rio, se qui représente environ 20% de la population de l’agglomération.
Au moment de se mettre en route, plusieurs indices témoignent que l’on s’apprête à passer une matinée pas exactement comme les autres.
Ainsi, lorsque Daniel emprunte mon téléphone comme à l’accoutumée pour commander le Uber, je vois qu’il ne prend pas l’option “Uber confort” mais plutôt “Uber pourri”. OK. On sera donc en visite incognito. Quand la corse monte à la Favela, on fait profil bas.
Autre Indice, au lieu de rentrer une adresse en haut de la Favela Il en rentre une tout en bas juste à l’entrée de la Favela. Quand je lui demande pourquoi, il me dit qu’aucun taxi ou Uber n’est autorisé à rentrer dans une Favela. Si tu veux te déplacer à l’intérieur, tu es obligé de prendre un transport détenu et organisé par les Narcos. Comme cela, ils contrôlent tous les déplacements et prennent une dime au passage.
A 150m de notre point d’arrivée, l’atmosphère bonne enfant du carnaval qui se prépare laisse place à un poste de police en pleine rue genre “poste frontière”. La favela, c’est l’état dans l’état comme il nous le raconte. Lorsqu’on aura franchi ce poste frontière, on ne verra plus un seul policier ou militaire dans le coin.
Selon Daniel on peut comprendre la favella en intégrant les principes suivants :
1° Narcos et flics : les flics sont postés tout en bas à l’entrée de la Favela. Il y aussi généralement une bagnole de flics tolérée tout en haut, mais tout ce qui est entre, ca appartient aux Narcos et les flics ne viennent pas. De temps en temps des militaires des forces spéciales déboulent en véhicule blindé, cagoulés et tout le toutim pour une opération coup de poings. Alors tout le monde se barre en vitesse et ca canarde des 2 côtés. Du coup, mis à part ces épisodes “rares” la Favela est l’endroit le plus sûr de Rio selon lui.
2° La favela est construite à flanc de colline. Plus ta maison est haute sur la colline, plus tu es pauvre. C’est au début un peu contre-intuitif parce que nous, on recherche toujours la plus belle vue, mais après réflexion c’est plutôt logique. Plus tu es haut ici, moins c’est pratique d’y accéder et plus ça te coûte cher. Les rues sont très étroites, il n’y a pas de transport public autorisé à monter, donc tu es condamné à payer pour prendre le moto taxi ou le van des Narcos pour aller chez toi ou transporter le moindre truc.
3° idem pour les commerces. Tu as tout dans la favela. Pharmacie, école, supermarchés, etc… En revanche, tous payent une taxe aux narcos pour avoir le droit d’y élire commerce. Comme c’est compliqué de rentrer / sortir de la favela et que c’est difficile d’y faire rentrer des choses, tout ce que tu achètes enrichi les narcos.
4° Les habitants de la Favela sont comme une famille. Tes voisins t’aident car ils savent qu’un jour tu les aideras. Les personnes âgées, surtout si elles sont dans la partie haute de la favela se trouvent ainsi « emprisonnées » car il leur devient difficile de descendre ou de remonter pour la moindre bricole. En revanche les voisins aident. Les gens ne cherchent pas nécessairement à quitter la favela. Il y a la musique, les fêtes. Si ton voisin est bruyant, tu fais avec. La vie de quartier compense la pauvreté.
5° Étonnamment les services publics fonctionnement quand même car ça arrange les narcos. Donc depuis un certain temps, les rues ont des noms et sont numérotées. La poste peut même désormais acheminer des choses. Les poubelles passent (enfin nous on a plutôt vu des amas de poubelles partout mais il parait que c’était normal car lendemain de we et de fêtes). On a d’ailleurs croisés des employés de la mairie de Rio qui bossaient la (car la Favela est administrée par Rio).
Après, ce n’est pas parce que l’électricité est gérée par la ville de Rio que tout le monde paye et qu’il n’y a pas plein de raccordements sauvages. Mais il y a une sorte d’accord tacite pour préserver cette situation. Rio paye et les Narcos contiennent la violence ou les troubles dans les Favelas et s’engagent à ne pas trop les faire descendre sur les beaux quartiers de Rio.
Voilà, maintenant qu’on a compris les bases, et qu’on s’est engagé à ranger l’appareil photo pour ne pas faire de voyeurisme et se mettre à l’amende, comment on monte ?
Bon pas en moto taxi car on a Noah, donc ce sera le van… qui ne part pas. Il faut qu’il soit un minimum plein pour ne pas monter à vide, alors on attend. L’ambiance est quand même un peu électrique. Sur la place où l’on se trouve, les flics sont en contre bas et surveillent des mecs qui en retour les surveillent de l’autre côté. D’autres gars font de la muscu devant l’arrêt du van en mode “gros durs”, mais en même temps l’un d’eux vient offrir un fruit à Noah. Noah est une Marque internationale. Au-delà des races, des langues, des barrières sociales, sa tête d’ange attire la sympathie. Virginie au début est parti pour lui dire de refuser le fruit (question d’hygiène), mais heureusement se ravise. On a failli déclencher un incident diplomatique à cause d’un fruit.
Ca y est, on est à peu près au complet. Une femme enceinte jusqu’aux dents qui attendait avec nous va enfin pouvoir partir aussi. Rodéo dans la Favela à plein régime en croisant les motos taxis qui montent, qui descendent. Quelques voitures. Rues microscopiques. Virages en épingle. Le mieux c’est de ne pas y penser et regarder le paysage qui défile.
10 minutes plus tard, on est en haut. On nous lâche un peu au milieu des poubelles et tout d‘un coup silence total. Il n’y a plus personne. On se dirige vers un hôtel, et oui il y en a un, pour touristes paumés désireux de « vivre » une expérience Favela, mais qui permet surtout d’avoir un point de vue et de comprendre comment tout c’est construit, de bric et de broc à la fois par l’escarpement du lieu, et la difficulté de pouvoir faire rentrer des matériaux de construction autrement qu’au compte gouttes.
Puis on redescend tranquillement en empruntant tantôt des ruelles escarpées, tantôt des terrains vagues. Franchement, très peu de sentiment d’insécurité. Le peu de gens que tu croisent te disent bonjour. Bien sûr, de temps en temps tu croises des gars bizarre torse nus que Daniel identifie parfois comme des narcos, ce qui fait que Virginie un moment en vient à croire que tous les gars torse nus sont des narcos alors qu’il fait juste 30 degrés et que les gars ont chauds ;). Noah aussi, joue aux durs.
On a mis près de 40 minutes pour redescendre à pied toute la Favela. On a quand même pris quelques photos mais pas trop. Par pudeur et puis parce qu’avec un iPhone à 1 400 euros autant ne pas tenter le diable.
En revanche petit concours de graffitis Brésil /argentine. Pour virginie, il n’y a pas de concours. Les brésiliens déchirent grave. Je vous laisse juger.
Après cette matinée instructive, le temps est toujours aussi môchouille. On voudrait aussi que Noah dorme un peu Parce qu’on doit se réveiller à 4h30 demain matin pour prendre l’avion.
On reprend un Uber ”confort” cette fois et on se dirige vers un grand marché, l’occasion d’acheter un maillot de foot à Noah avec le numéro 10 mais sans qu’il soit marqué Neymar (détesté par Virginie et globalement par une grosse partie des brésiliens – qui aiment plutôt le PSG en revanche).
Achat d’une nouvelle paire d’Havainas, puis on va se prendre un hamburger sur la plage de Copacabana pendant que Noah virevolte en petit footballeur sur la plage mythique.
C’’est le moment de dire au revoir à Daniel. Tandis que Virginie et noah rentrent à l’hôtel, je m’éclipse pour un rdv mystérieux. Le temps vire ensuite à la pluie tropicale ininterrompue. Il n’y aura pas de soirée plage mais on a profité au max et déjoué la météo comme des chefs.
Le soir RAS à part que Vincent Cassel a dû entendre qu’on était descendu à l’hôtel Arpoador à Rio, alors il est venu y dîner aussi. Sacré Vincent. Un peu d’originalité tout de même. On peut pas et te croiser à Biarritz et te croiser à Rio comme ça juste “par hasard” tu sais. Si tu veux nous parler ou avoir un autographe, il suffit de nous le demander, ok ?
PS : Virginie vient de se foutre de moi. J’écris sur l’iPad mes billets et la correction orthographique de Apple me joue des tours. Il parait que sur le billet précédent – que certes généralement je ne relis pas parce que c’est déjà long d’écrire – il a remplacé Jacques Dutronc. Par Jacques Dutroux. A tous les coups il a dû écrire Vincent Castel.
Promis je vous explique bientôt pourquoi je me sentais si patraque ce matin et quel était mon rdv mystérieux de l’après-midi.
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