0h30, il est temps de se lever… et non pas de se coucher… avec notre ami randonnée.

Et oui, on a rdv avec notre chauffer dans 30 minutes pour l’ascension de nuit du volcan Ijen. Encore une histoire de lever du soleil me direz-vous ? Et bien non. D’ailleurs si j’ai bien compris on sera au fond d’un cratère donc pour le coup bien loin de tout rayon lumineux, et c’est justement l’objectif en l’occurrence.  Le volcan Ijen tient sa réputation de ses flammes bleues au fond de son cratère visibles seulement la nuit.

Normalement, il nous faudra 45 minutes pour s’acheminer en voiture au point de départ de la marche, puis 1H30 à 2 h de rando pour monter en haut du volcan, et à nouveau 1 heure pour descendre au fond du cratère. Comme le soleil se lève un peu avant 5h, je fais les maths pour vous, ça donne un départ à 1h du matin de l’hôtel.

Noah se lève frais comme un gardon, excité à l’idée d’enfiler un masque à gaz et de rajouter le Ijen à sa liste de volcans. Il tient la forme car ce matin la nuit dernière on le réveillait déjà à 5h pour rejeter à la mer les bébés tortues nouvellement éclos.

Au joyeuxomètre, Virginie et Noah ont un niveau d’enthousiasme diamétralement opposés sur le planning des prochaines heures. Je vous laisse deviner qui est au taquet et qui est, comme dirait Jean Louis, « septique » comme la fosse.

Alors qu’est-ce donc que cette histoire de masque à gaz que j’ai glissé sans explications il y a quelques lignes me direz-vous ? Et bien , vous vous souvenez qu’hier on a passé une brève visite médicale pour pouvoir gravir le Ijen ? Bon ben c’était pas vraiment pour voir si on était apte physiquement à escalader le volcan qui de ce que j’ai pu lire de ci de là ne présente pas de difficulté particulière tant par son altitude (« que » 2 800 mètres), que son escarpement. Non, cette visite, c’était surtout pour voir si on était apte à supporter les émanations de souffre qui nécessitent donc un masque à gaz pour s’en protéger ou du moins en limiter les effets.

Car le volcan Ijen qui comme de nombreux volcans en Indonésie est encore bien actif  (dernière éruption en 2024). Il fut longtemps réputé pour avoir au fond de son cratère le plus grand lac d’acide du monde. PH de 0,3. Pour les amateurs de la série Dexter, on doit pouvoir y dissoudre n’importe quel humain en quelques heures dedans si tant est qu’on ait le courage de monter le cadavre à faire disparaître jusqu’en haut bien entendu. Mais ce lac acide, qu’on observait de jour s’est fait voler la vedette par une autre particularité que le Ijen ne partage qu’avec un seul autre volcan au monde, situé en Ethiopie, le Dallus.

En effet, ici point de spectacle de lave rouge incandescente, mais des rivières de feu bleu visibles chaque nuit, j’imagine un peu dans l’esprit de nos feux follets des marais Poitevin mais en beaucoup plus concentré, sauf que dans le cas qui nous préoccupe, ce n’est pas le méthane mais le souffre qui en est la cause.  

Le hic, c’est que pour les voir, il va falloir aussi traverser selon les vents de fortes fumées de souffre, et ça c’est tellement nocif qu’il faut le faire avec un masque à gaz.

Le périple aurait dû commencer à 1 800 mètres d’altitude, point de départ de l’ascension à pied. Mais la montée de 45 minutes en voiture va avoir son lot de sensations fortes. En effet je ne savais pas que notre chauffeur avait l’intention de conduire comme s’il jouait la première plavce dans un rallye, ce qui en route de montagne le ventre vide au réveil n’est pas la meilleure façon d’aborder l’ascension qui nous attend.

La pente est tellement raide tout du long et notre véhicule tellement pourri que pour compenser le manque évident de puissance du moteur pour affronter la montée, notre chauffeur n’a de choix que de faire le trajet à fond la caisse pour garder de la vitesse, doublant motos, jeeps et faisant fi de toutes les règles élémentaires de prudence en conduite de montagne comme ne pas doubler en côte, encore moins dans les virages, et pas quand un poids lourd fonce vers vous.

Honnêtement je n’ai pas peur en voiture. La dernière fois que j’ai cru qu’on allait y reste, c’était il y a 15 ans au Bouthan, là aussi sur une route de montagne bordée de précipices, quand avec Virginie on avait vu avec horreur notre guide à l’avant s’endormir et notre chauffeur piquer du nez toutes les 30 secondes malgré la main qu’il passait hors de la voiture pour que la fraîcheur du vent l’aide à ne pas fermer les yeux. Là, Noah dort heureusement, Virginie je sais pas trop, je pense qu’elle somnole, et moi je suis à la place du mort à l’avant qui n’a jamais aussi bien porté son nom.

Car il a beau être plus de une heure du matin, la route est très fréquentée, et dans les 2 sens. En montée se côtoient jeep de touristes, mais aussi motos de mineurs, tandis qu’en descente, on croise des camions chargés à bloc de souffre qui redescendent du Ijen. Et nous, comme dans un vieux James Bond, on est dans un pot de yahourt à plus de 60 km/h en montagne à doubler tout ce petit monde à coups de phares et klaxon, à se rabattre à la dernière seconde ou à forcer le camion descendant à nous croiser à 3 véhicules sur une voie de 2 pour qu’il ne perde pas de puissance moteur. La moitié des jeeps que l’on double ainsi nous envoient des appels de phare d’incompréhension. Pendant 20 minutes j’ai envie de dire que malgré la peur bleue que le gars me fait – car en plus il me parle en tournant la tête vers moi constamment – on s’en sort pas si mal.

Mais. à la faveur d’une jeep dont le moteur qui n’a pas supporté la montée fume désormais sur le bas-côté, et d’un camion qui redescendait pile poil au moment où on croisait le véhicule, notre chauffeur a essayé jusqu’au bout de passer sans ralentir, avant de piler au dernier moment parce que là à part décapiter notre voiture en deux, ça ne passait plus du tout.

Du coup il pile comme un cochon. L camion qui descendait en plein virage réussi à en faire de même malgré un petit dérapage et nous voici sains et saufs, les 3 véhicules à la même hauteur sur une 2 voies dans une forte côte. Evidemment, en pilant, il cale et au bout d’un moment se résout à nous demander de sortir du véhicule pour l’alléger car il ne pourra jamais redémarrer avec nous dedans et s’il ne bouge pas le camion ne pourra pas non plus repartir.

On doit donc réveiller Noah, puis on sort de la voiture et on monte 30 mètres à pied tandis qu’il finit par faire redémarrer la voiture et réussit à nous rejoindre un peu plus haut. Heureusement, on est presque arrivé. 5 minutes de rodéo plus tard, nous voici en vie au point de départ de la rando. Je ne le voyais pas forcément comme cela en me levant mais je suis certain que même s’il va falloir affronter le souffre avec notre masque à gaz, le plus dur de la journée vient d’être passé.

On se dirige dans une petite échoppe prendre thé et chocolat chaud avec notre guide pour se réchauffer. Il fait un peu moins de 10 degrés ici ce qui n’est pas pour nous déplaire car c’est quand même dur de randonner par 35 degrés ici avec un tel taux d’humidité. Notre guide qu’on vient de rencontrer en profite pour nous présenter le matériel et donc le fonctionnement des fameux masques à gaz qui à l’image de la voiture qui nous a conduit en haut, ne semblent pas de toute première jeunesse. Ces derniers ne couvrant pas les yeux, je lui demande s’il a des lunettes de protection. « vous avez les yeux sensibles ? ». Bon je me garde de dire que Noah sort à peine de sa conjonctivite et que moi je suis totalement phobique des yeux au point que le seul fait d’en parler me fait déjà larmoyer. Je préfère juste répondre que oui un peu et que si tout le monde semble en avoir autour de nous, ce ne serait peut-être pas idiot d‘en faire de même.

Il m’indique alors un endroit où je peux aller en louer pour 20 000 roupies, soit 1 euro, les 3 lunettes de protection. Le chauffeur qui était venu avec moi s’empresse de demander une lingette pour passer un coup dessus. Je garde cette info pour moi et revient avec 3 lunettes pour nous tous ; inutile d’embêter Virginie avec ces détails d’hygiène. 

Voilà, on est fins prêts. il est 2 heures du matin et dans un bazar sans nom, on se met en route. Je dis bazar car c’est noir de monde. C’est un peu le même sujet que le Bromo. Une photo de flamme bleu a du circuler et le monde entier s’est donné rdv à 2h du matin pour aller les voir.

Pour aller au sommet’ on est tous à la frontale sur un chemin bien entretenu, plat qui fait quelques mètres de large et qui commence en montée légère sur une centaine de mètres. Il y a 500 mètres de dénivelé pour une montée de 3,5 Km. Naturellement ce chemin plat ne peut pas durer. Je vois tout ce monde partir vite la fleur au fusil. Je fait ralentir Noah pour qu’on adopte tous un rythme plus lent mais qui sera régulier sur tout le trajet.

Il y a 4 check point jusqu’au sommet. Arrivés au 2eme on passe sur 1,6 km de montée raide. Du coup à partir de là, la foule se disloque gentiment et on voit petit à petit ceux qui étaient partis un peu vite sur le bas-côté en train de souffler comme des bœufs et de se demander pourquoi ils en sont là.

On se met tout d’un coup à entendre  «Lamborghini » , «Lamborghini » . Et là c’est l’hallucination. Sur un sol certes relativement plat mais dont la pente ne descend pas en dessous d’une vingtaine de degrés, ne voilà-t-il pas que l’on voit 3 indonésiens trimballer en brouette un touriste chinois allongé dedans qui consulte négligemment son smartphone . Un derrière pour pousser la brouette, 2 devant harnachés avec des cordes comme des canassons. Remarque vaut mieux avoir à tirer un chinois qu’un bon allemand qui en pèsera le double.

Mesdames et messieurs, je vous présente le premier volcan PMR !!

Je me retourne vers mon guide qui hausse les épaules, et me dit que ça coûte 200 000 roupies pour être trimballé jusqu’au sommet ainsi, soit même pas 10€. C’est n’importe quoi. Bon, me dit-il, ils ne pourront pas descendre dans le cratère en brouette ,mais au moins ils verront le lever du soleil en haut.

Bien sûr, on est monté à pied, question de dignité. 1h30 plus tard, après 500 mètres de dénivelé positif, et après avoir été doublés par quelques « Lamborghini », on atteint à 2 387 mètres le bord du cratère ; toujours dans le noir le plus complet.

Mais pour voir nos flammes bleues, il s’agit désormais de descendre 200 mètres de dénivelé négatif dans le cratère. Notre guide nous équipe de masques à gaz qu’on vérifie et qu’on ajuste histoire de les rendre les plus étanches possibles et de tester ce que ça fait de respirer avec cela. Déjà que Virginie supporte pas un tubas dans la bouche… Long story…

On les laisse pendouiller devant nous autour du cou pour nous permettre de les mettre rapidement au cas où la fumée tourne avec le vent. 

En se penchant pour regarder dans le cratère, on voit une ribambelle de frontales qui scintillent et dessinent le chemin qu’on va devoir emprunter pour descendre. Exit les Lamborghini désormais, ce serait la sortie de route assurée. Mais c’est pas pour autant qu’on va éviter les embouteillages pour rester dans la thématique automobile, au point qu’on met du temps à pouvoir enfin s’engager dans le passage dont l’étroitesse ne permet aux adultes que de passer l’un derrière l’autre désormais. Autant la montée est pentue mais sans aucune difficulté, autant la descente est en effet plus ardue.

D’ailleurs plus qu’un chemin, on peut plutôt parler d’un enchevêtrement de roches qui dessinent vaguement un chemin de 1 mètre de large et un à pic d’un côté sur la plupart du trajet. C’est pas non plus insurmontable, c’est plus les conditions dans le noir qui impose une certaine prudence..

Je passe devant en tenant la main de Noah, prenant le côté ravin et changeant à chaque tournant (avec mon vertige j’adore), tandis que le guide va s’occuper de Virginie. Derrière elle,  une française moyennement sympa et visiblement pressée qui ne cesse de rouspéter en répétant qu’elle ne voit vraiment pas la difficulté et la raison de tant de précautions pour descendre.

D’ailleurs elle profite d’un bref arrêt de Virginie pour la doubler et se vautre quelques mètres seulement plus loin dans les rochers. Bien amochée, on l’entendra rabâcher ensuite à son compagnon qu’elle ne comprend toujours pas comment elle est tombée tout en se massant régulièrement le dos et le cul. «  Parce que tu es une gourde peut-être ? ».

On poursuit une bonne heure notre descente pour avaler les 200 mètres de dénivelé qui nous séparent du fond du cratère, toujours dans la nuit noire, à la frontale avec nos lucioles touristiques devant qui tracent la voie.

De mon côté, je me dis que comme la sécu rembourse à tout bout de champ des thalasso à des floppées de gens, je devrais peut-être déposer un dossier pour demander le remboursement de mon voyage thérapeutique en Indonésie. Vu les terrains que je me farci depuis le début avec le double stress de me remettre la cheville en morceaux et, probablement pire, d’entendre ma chère maman me dire pendant 10 ans « je te l’avais bien dit ». Bon pour l’Indonésie, vu que je réécris ce billet alors que je suis rentré je peux dire que ma cheville a supporté tout le séjour. Mais je ne fais pas trop le malin, dans 3 jours je retente une reprise de foot en salle, et avec mon âge avancé, rien ne dit que ça tiendra aussi bien.

Arrivés en bas, il est grand temps de mettre nos lunettes et masques à gaz car les fumées de souffres tourbillonnent et s’abattent pile poil sur la zone des fameuses flammes bleues qu’on aperçoit de loin entre 2 rafales de vent.

Entre les lunettes et le masque, cela réduit considérablement notre zone de vision et notre perception de l’extérieur. Un peu comme si on était dans un endroit ouaté. Cela donne à l’ensemble un côté apocalyptique de fin du monde.

D’abord parce qu’il y a sur le côté d’énormes panaches de fumée et de gaz soufrés hyper toxiques dont le vent modifie constamment la trajectoire, mais aussi parce que tout ce monde qui ne cessait de descendre se concentre désormais dans la direction des flammes bleues qui ne sont observables que sur une fraction petite du cratère.

Vous savez que globalement je n’aime pas trop les humains, mais dans ce contexte, encore moins de raisons de les apprécier. Se mêle ici des personnes qui ont l’habitude de marcher, avec une flopée de gens inexpérimentés égocentriques (des gens, donc)  qui pensent qu’ils viennent d‘arriver à Disneyland. Cela crée une cacophonie dont je me demande encore comment il n’y a pas plus d’accidents entre les intoxications au souffre et les flammes à 600 degrés. 

Le guide me dit qu’ils ont eu un mort il y 2 semaines d’une imbécile qui a voulu faire une photo en se mettant au bord du précipice et qui bien sûr est tombée de 150 mètres. Il doit y avoir aussi des sujets avec la fumée, mais aujourd’hui, il me dit qu’elles sont plutôt moins mauvaises que d’habitude.

Ces fameuses flammes bleues se concentrent donc sur un pan du cratère qui fait à peine une trentaine de mètres, et qui est constamment balayé par les fumerolles. On distingue principalement une cascade de flammes qui ruissellent le long de la paroi du cratère de manière étonnante et qui forme ensuite sur une dizaine de m2 comme un lac de flammes bleues avant de ruisseler à nouveau en suivant la pente vers une deuxième petite retenue d’eau.

Mais avec tout ce monde avide de se coller au plus près des flammes pour reproduire une photo d’Instagram qu’ils ont vu, y accéder s’avère être digne d’une tentative d’obtenir un autographe d’une pop star à la sortie de son hôtel. Après nos 3 heures de marche et bien conscient que le monde ne désemplira pas bien au contraire jusqu’à ce que le soleil se lève et fasse disparaître le phénomène, on se dit que ce serait idiot de ne pas aller faire les 10 derniers mètres. 

Equipés de nos masques à gaz et de nos lunettes, on tente donc une incursion avec Noah à un moment qui semble moins balayé par les fumées. On joue des coudes – je vous jure –  entre tous ces boulets pour se rapprocher d’une cascade bleue enflammée, et on réussit a s’approcher suffisamment prêt pour observer le phénomène qui est en effet assez unique s’il n’était pas gâché par tous ces humains.

Mais rapidement le vent tourne et on prend une bourrasque de fumée en pleine figure. Instantanément les yeux et la gorge me brulent. Noah qui est plus près du sol et que j’ai eu le temps de tourner dos aux fumées n’est pas trop gêné. Je juge néanmoins plus raisonnable de s’extirper quitte à y retourner plus tard maintenant que l’on a un aperçu de ce qui se passe ici. Virginie part avec le guide pour aller les voir également. Elle échappe à la fumée mais pas à la foule.

On prend un peu de recul pour observer cette cascade bleue d’une petite sur élévation à une dizaine de mètres et je montre au guide un promontoire sur lequel quelques personnes ont grimpé. Le guide me répond dépité que c’est extrêmement dangereux. Quand le vent tourne et emporte le nuage là, les gens se retrouvent aveuglés et asphyxiés avec une redescende extrêmement compliquée pour se protéger. Le plus drôle me dit-il, c’est que tout le cratère est frappé par un arrêté ministériel d’interdiction absolue de visite par le public. La blague !

C’est vrai qu’on marche littéralement sur la tête. Mais paradoxalement l’interdît n’est pas lié à la dangerosité du lieu, mais au fait que c’est une zone d’extraction de souffre qui reste en théorie réservée aux mineurs. Car pendant qu’on fait tous les clowns, il y en a qui bossent !

Noah manifeste l’envie de retourner voir les flammes. En fait c’est surtout pour se réchauffer car il se gèle un peu maintenant qu’on a arrêté de crapahuter. On retente le coup juste lui et moi et on vise la deuxième retenue de flammes bleues certes moins spectaculaire que la cascade, mais qui a le mérite d’être beaucoup moins peuplé de monde. Noah s’accroupi devant et commence à mettre ses mains au-dessus comme s’il était au-dessus d’un braséro.

On y reste quelques minutes jusqu’à ce que le vent tourne et se mette à balayer l’endroit où l’on se trouve. Nous voici une nouvelle fois dans le nuage. Cette fois, celui-ci nous enveloppe totalement et plus moyen d’éviter a Noah d’y échapper. Le temps de l’extirper, on revient auprès de virginie et Noah en enlevant son masque toussote avec les yeux qui piquent pendant quelques minutes.

Comme il a toujours froid, on opte pour les gants et le coupe-vent, moyen plus banal certes, mais tout aussi efficace pour le réchauffer.

La suite est beaucoup plus agréable. Comme à Disneyland, une fois qu’on a immortalisé la photo à Space mountain on part faire Buzz l’éclair. Les premiers rayons du soleil faisant disparaître Space Mountain, nos touristes se mettent à remonter le cratère pour rentrer chez eux.

Nous, on reste sur place alors que le cratère se vide, et les rayons du soleil réchauffant l’atmosphère, la fumée se met désormais à monter à la verticale et dévoile progressivement le gigantesque lac acide qui recouvre en fait les 2/3 du cratère mais qui était jusque là invisible. Cela parait dingue de dire cela car il doit faire au moins 600 mètres de diamètre.

On passera la une bonne heure tranquilles à observer les couleurs changer sur le lac au rythme du lever du soleil, Noah s’essayant au métier de tailleur de roche au point que des mineurs pensent désormais sérieusement à l’embaucher.

Cela permet de voir l’envers du décor et de mieux percer le secret des flammes bleues, car après le spectacle féérique, quand on démonte la scène c’est moins spectaculaire. Ainsi la cascade de feu bleu a désormais en effet totalement disparue et laisse place à des pans de roches soufrées marbrées de teinte jaune orangée d’où semble ruisseler de l’eau.

Que s’est-il donc passé cette nuit ? Sous le cratère, l’extrême activité volcanique génère magma et gaz qui chauffent la roche. C’est la raison pour laquelle le lac acide qu’on observe est lui-même à une température qui avoisine malgré sa taille les 45 degrés.

Sous la pression? les gaz cherchent à s’échapper et finissent par fracturer la roche et à trouver des espaces via des évents pour atteindre la surface. Ce faisant ils traversent des fortes zones de souffre qu’ils font fondre et se chargent ainsi en souffre d’où la toxicité des fumées qu’on a expérimenté.

Ces gaz soufrés très chauds (principalement dioxyde de soufre – SO₂, et sulfure d’hydrogène – H₂S) entrent alors en contact avec l’air à des températures très élevées (au-dessus de ~360 °C), et vont avoir tendance à s’enflammer spontanément, ce qui donne lieu à des flammes bleues. Cela peut se produire à la sortie de fumerolles, dans les fissures du sol, ou là où le soufre liquide s’échappe à haute température. Ce processus naturel, on ne le retrouve en fait qu’au Ijen et au volcan  Dallus en Ethopie, et encore de manière épisodique.

Mais à bien y regarder, les endroits où ces flammes bleues étaient les plus vives et les plus étendues correspondent à des endroits où apparaissent désormais à la faveur du jour, des tuyaux. L’explication tient à l’ingéniosité de l’homme. Il est extrêmement difficile de récupérer le souffre ici car il se situe au milieu de ces émanations permanentes de gaz et de fumées toxiques. Les mineurs repèrent donc des anfractuosités d’où sortent de grandes quantités de gaz et y enfoncent des tuyaux en acier qu’ils fixent ensuite à la roche.  L’idée est de canaliser les gaz chauds dans les tuyaux, vers une zone plus froide pour créer un phénomène de condensation qui fera passer le souffre de l’état gazeux à l’état liquide. A la faveur d’un coude placé judicieusement dans le tuyau, le souffre désormais liquide va s’écouler alors comme un ruisseau. En contact avec l’air le souffre gazeux brûlant s’enflamme et donne une rivière de flammes bleues. Il va continuer de refroidir progressivement en ruisselant au sol jusqu’à se cristalliser à l’état solide en plaques dures jaune vif en contrebas. Les ouvriers n’ont plus qu’à casser ensuite ces dépôts solides à la pioche ou à la barre de fer pour les transporter dans leurs paniers.

Le phénomène de flammes bleues s’en retrouve considérablement accentué car au lieu d’avoir du souffre gazeux qui s’enflamme, c’est toute une rivière liquide qui s’embrase. Mais au soleil la couleur bleue s’avère moins visible et la différence de température s’avère moins forte ce qui limite l’impact visuel.

Et voici comment l’extraction ingénieuse du souffre par l’Homme créé un moment encore plus photogénique pour nos touristes.

Quant aux mineurs, malgré ce procédé ingénieux, ils passeront le plus clair de leur journée tout de même au milieu des fumées hautement toxiques, protégés le plus souvent que d’un simple tissu trempé dans l’eau, à extraire du souffre qu’ils porteront ensuite au sommet du cratère dans 2 paniers, soit environ 70 kg de charge, pour un salaire quotidien dépassant à peine les 15 euros. Probablement l’un si ce n’est LE métier le plus dur actuellement au monde.

Le mystère élucidé, il est prêt de 8h et on entame notre remontée hors du cratère. A la moindre occasion on se retourne pour contempler le cratère, tandis que Noah analyse chaque roche volcanique.

Pendant notre chemin de croix, on croise une des chinoises peu après dans la brouette le nez dans son téléphone probablement en train de poster sur Instagram notre Noah sous toutes les coutures en train de former avec ses mains un cœur tout en disant je t’aime en chinois. 20 ans après Virginie en Chine, Noah prend la relève. Les boucles associées aux yeux bleus ont décidément la côte ! Il se serait mis à la sortie du cratère avec un panneau « une photo pour 100 000 roupies, il aurait fait fortune).

Le retour s’avère un peu plus douloureux pour les jambes. La descente s’avère plus dure que la montée pour les articulations au point que même Noah souffre.

Après un bon petit déjeuner, on a une heure à peine pour faire nos valises car il faut maintenant rallier Denpasar sur l’ile de Bali. 1h de route jusqu’au ferry qu’on prendra à Ketapang, 45 minutes de traversée durant lesquels on papotera avec un couple vivant à Marseille, puis à nouveau 5h de voiture jusqu’à Denpasar. Il y a pourtant seulement à peine plus de 200 kilomètres mais avec un trafic aussi dense de camions, motos et voitures, il faut bien cela.

On ne fera qu’un seul arrêt le long de la plage pour grignoter un truc et se dégourdir les jambes devant d’énormes rouleaux. L’occasion d’un bref « moment de gloire » en ce qui me concerne puisqu’un routier n’ayant d’yeux que pour moi viendra insister puis attendre que j’ai fini de manger pour qu’on puisse se prendre en photo sur la plage tous les deux.

Bon, je coupe aux rumeurs, non le gars n’est pas gai et n’a pas flashé sur moi, mais en Indonésie ils sont souvent fiers de se prendre en photo avec un européen et de le montrer à leur famille. SI mon compteur photo bloqué jusque là à 0 passe à 1, force est de constater que Virginie doit en être à 5, et Noah à une bonne vingtaine. Je rame…

%d blogueurs aiment cette page :