Ca y est, il est déjà temps de quitter le Kohala lodge. Parfois, on se dit qu’on serait bien resté un jour ou deux de plus, mais en même temps c’est en faisant nos sauts de puces qu’on a le temps de voir autant de régions différentes. Impossible de gagner sur tous les tableaux.

Avec Noah, on part avec le proprio faire le tour des animaux. Le Chetland, et surtout, un petit agneau, né il y a quelques semaines qu’ils nourrissent au biberon car la maman n’a pas assez de lait. Noah va en profiter pour le nourrir avant de le rendre à sa maman. Un bon moment qui nous rappelle en tout point nos 3 semaines avec Gary et Ming dans le ranch du Colorado durant notre confinement Covid.

La route qui nous attend est longue aujourd’hui car on part s’installer à Volcano village qui est au sud-est de l’ile. On n’avait pas forcément bien calculé le fait que Big Island est en effet, comme son nom l’indique pourtant, une grande ile par rapport aux autres de l’archipel. A elle seule, Big Island représente 2 fois la taille de toutes les autres iles réunies. Pas étonnant dans ces conditions qu’il faille près de 3h pour aller jusqu’à Volcano Village vu qu’on est à l’extrême opposé de l’ile à cet instant.

On avait 2 options pour faire la route. Par la côte, ou en coupant à travers l’ile via le volcan Mauna Kea qui culmine à 4 200 mètres.

Comme 3h de route ne nous fait plus peur du tout (c’est marrant le rapport aux distances selon le contexte), on décide de faire un peu des deux au final (donc plutôt 4h), car le point le plus intéressant de la côte c’est la Waipo Valley qui techniquement n’est qu’à 15 kilomètres à vol d’oiseau du Polulu trail. S’il y avait un sentier on pourrait presque le faire à pied depuis la plage de Polulu hier en passant de ridges en ridges le long de la côte. Sauf que comme dans toutes les Iles d’hawaii, la végétation est telle que c’est impossible à pied comme en voiture. Ici, il est rare de pouvoir relier 2 points en ligne droite.

Donc pour voir la Wapio valley, on va devoir faire un détour de 60 kilomètres en forme de fer à cheval avant de revenir sur nos pas pour reprendre par le centre de l’ile. Qu’à cela ne tienne, lets go !

Waipo valley, c’est une version en plus grand du Polulu trail. Même approche par le haut d’un ridge, une plage de dingue en bas, mais aussi la possibilité de randonner une fois en bas dans la vallée luxuriante et d’y découvrir l’une des plus grandes cascades de Hawaii.

Sauf que la descente pour atteindre cette vallée est autrement plus compliquée que le Polulu trail. La route en voiture n’est possible qu’en 4×4 avec contrôle à l’entrée par un garde car selon le véhicule il sera impossible de remonter les pentes compte tenu du revêtement en terre particulièrement glissant. On peut le faire à pied sinon, mais c’est près de 300 mètres de dénivelé et on y passerait alors la journée ce qui n’est pas forcément prévu sauf à vouloir le faire pour tuer le temps et arriver pile poil pour le coucher de soleil au Mauna Kea, mais alors quelle journée de forçat !

Arrivés à la Waipo‘ valley, la piste n’était même pas praticable ce jour-là pour les 4×4 (qu’on n’avait pas mais pour lequel on avait envisagé un petit coup d’auto stop en profitant du sourire enjôleur de Noah). On ne descendra donc pas dans la vallée, mais la vue d’en haut s’avère très chouette.

Et pour la deuxième fois en 48 heures, on se trouvera non loin de là un petit food truck en bord de route avec tables de pique-nique pour déjeuner tranquillement. A souligner car franchement ce qui manque à Hawaii ce sont bizarrement les endroits sympas pour manger à la fraîche. Au menu à nouveau jus de fruits et assiettes de fruits complété par une salade de pâte et des sandwichs de maman préparés avec amour avant de partir.

En repartant, avec le détour, il nous reste toujours 3h de route environ pour rejoindre notre hébergement de ce soir. Le Mauna Kea, est aussi impressionnant en chiffre qu’il ne l’est pour le coup pas du tout en image (du moins de là où on l’apercevra).

Je m’explique.

Certes, une ile qui a en son sein un volcan qui culmine à 4 200 mètres n’est pas banal, pour ne pas dire carrément unique dans le monde.

Certes, ce volcan abrite l’une des plus importantes communautés scientifiques avec ces nombreux observatoires astronomiques à son sommet.

Certes, ce volcan est même techniquement plus haut que l’Everest car si l’Everest atteint officiellement 8 848 mètres (et encore, parce qu’il est posé sur le plateau tibétain qui le grandit déjà de 3 000 mètres), le Mauna Kea qui n’atteint « que » 4 207 mètres au-dessus du niveau de la mer (excusez du peu), a sa base qui part, lui, du plateau océanique situé 6 000 mètres plus bas ce qui en fait une montagne de plus de 10 000 mètres de haut. Il s’est d’ailleurs affaissé de près de 1 000 mètres sous son propre poids au cours des 500 000 dernières années.  Et je ne parle pas de son voisin de chambrée à quelques kilomètres de là, le Mauna Lea, qui culmine, lui, à 17 000 mètres et qui en fait la plus haute montagne du monde

Tout ça pour dire qu’en théorie on pourrait s’attendre à voir un truc dément, mais en réalité, pour le quidam qui y monte, il est en pente douce, mais alors très douce. Du coup, en 30 minutes on a pris 2 000 mètres d’élévation sans même s’en rendre compte et sans que le paysage ne ressemble à autre chose qu’une morne plaine.

Rajoute à cela dans notre cas qu’il a plu presque tout le trajet quand on n’était pas en plein brouillard et donc il n’y a pas de quoi s’exclamer d’émerveillement.

De toute façon lecture des guides faîtes, on n’aurait de toute façon pas pu aller plus loin que le Visitor center situé à 2 800 mètres d’altitude car au-delà le 4×4 est obligatoire pour cause d’usure des freins à la descente. En plus les enfants de moins de 12 ans y sont interdits à cause de l’altitude, même en faisant les paliers de 30 minutes réglementaires pour s’acclimater imposés aux adultes. Il nous restait éventuellement l’observation astronomique (nulle doute qu’ 4 000 mètres on aurait été au-dessus des nuages), mais là c’est le covid qui s’en mêle et les observatoires n’ont pas réouverts depuis.

Bref, 0 + 0 + 0 = la tête à toto. On a donc révisé nos plans et décidé de passer notre chemin pour filer tout droit vers Volcano Village et on a laissé Noah piquer un somme tout du long. Et finalement tant mieux car cela va nous permettre d’atteindre Volcan Village vers 16h30 et d’envisager avec notre bout’chou, désormais rechargé à bloc comme un lapin Duracell, de tenter une sortie au volcan Kilauea.

Et oui, des volcans, il y en a partout à Hawaii ! On a raté le Mauna Kea, mais il nous reste le Kilauea. Avantage, celui-ci est toujours actif depuis la grosse éruption de 2018, donc sur le papier, on devrait pouvoir voir de la lave. Après, je dis envisager d’aller voir, car on est arrivé sous la pluie à Volcano Village, et les nuages sont pour l’heure encore assez menaçants.

Ce qui est bien avec Volcano Village, c’est que ce petit hameau est littéralement à quelques kilomètres du volcan. Sinon Il faut dormir à Hilo qui est à 45 minutes de là. Jusqu’en 2018, les rares qui habitaient là étaient considérés comme des doux excentriques. Après 2018 et l’effondrement du cratère qui en a profité pour tripler de taille, l’avis général est que ceux qui vivent encore là sont carrément cinglés.

En tout cas, l’avantage c’est qu’on est à 5 minutes du Visitor Center du parc qui ferme dans exactement 30 minutes, donc on se décide à y aller jeter un oeil vite fait histoire de voir comment tout cela se goupille.

Autant en Islande l’année dernière, cela avait été assez épique pour comprendre comment aller voir l’éruption du volcan, autant ici, on est aux US, qui plus est sur un volcan actif depuis 4 ans. Ainsi, 5 minutes au Visitor Center nous donnera toutes les clés pour une visite réussie.

Le plus dur ? Se garer car le parking près de la zone éruptive est petit, très petit. Les gens sont eux nombreux, et tout le monde y va quand il fait nuit car avant on ne voit pas grand-chose. Donc si on arrive à se garer au petit parking, on n’a que 1,8 km de marche aller sur du plat goudronné pour atteindre le seul spot d’où on peut voir la lave en ce moment. Sinon on a un autre parking mais deux fois plus loin.

On avait déjà eu cela au Costa Rica, les américains quand ils peuvent mettre une route d’asphalte jusqu’au plus près d’un site, ils ne s’en privent pas. A choisir on préfère la difficulté de l’ascension à celui de trouver où se garer, mais bon… Va pour le volcan PMR.

(Etant en plein dans la réglementation travaux ça me parle, mais pour les autres, l’acronyme PMR signifie Personne à Mobilité Réduite. En plus dans 30 ans si on se relie, on ne saura peut-être plus ce que c’est. Les chinois ou russes auront peut-être pris la relève des nazis et liquidés tous ceux qui ne sont pas des surhommes, ou alors, plus joyeux, on aura inventé la capacité à réparer le corps. En ce moment vu la guerre en Ukraine j’opte plutôt pour le choix 1).

En tout cas, il est pile 17h, la ranger du parc nous a donné les infos et le temps vient de se dégager. Selon le bon vieil adage qu’il ne faut pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même – surtout en matière de volcanisme ou d’aurores boréales où ce qu’on voit aujourd’hui ne sera peut-être pas visible demain ; on se décide à y aller maintenant quitte à attendre sur place.

Bonne pioche, le parking s’avère à moitié vide et à 18h on est presque seuls sur le site d’où on peut apercevoir la zone du cratère qui fume. Inconvénient de la manoeuvre, on vient de faire une croix sur le dîner de ce soir (nous sommes des parents horribles, pardon Noah), et le réveil piquera un peu demain car on doit se lever à 5h45 pour un tour en hélico.

Sur notre site d’observation à moitié vide, si on jouit donc d’une belle tranquillité, force est de constater que comme annoncé, à cette heure-là, on distingue un vague point rouge d’un pixel de large vu qu’on est à 2 km au moins du site éruptif.

Côté lave ce n’est donc pas très impressionnant pour l’instant. Côté taille de cratère, il embrasse quasiment tout le paysage tellement il est gigantesque.

Comme on a du temps à tuer – beaucoup en fait puisqu’il fera nuit dans 1h30 à 2h environ – on sort la serviette pour délimiter notre « safe zone » d’observation future quand tout le monde se pointera, et on se met à jouer aux cartes quand Noah ne trace pas au sol des routes avec son quad.

On s’est équipé du mieux qu’on pouvait avec des vêtements chauds car on est ici à 1 200 mètres d’altitude (enfin dans la limite de voyageurs qui partaient quand même à Hawaii où il fait 30 degrés partout ailleurs).

Evidemment, avec le soleil qui baisse, ça se met à bien cailler, et Noah finira en mode poupée russe avec ses habits + une partie des miens pour ne pas avoir trop froid. En même temps, vu qu’il est épais comme du papier de cigarette, c’est sûr que ce n’est pas le gras qui va le tenir au chaud.

Vers 19h, comme annoncé, avec la baisse de la luminosité, la petite partie active du cratère se met à rougeoyer et on voit les coulées de lave. Je dis petite partie car toutes les distances sont faussées. Le cratère doit faire 5 à 7 km de long, nous sommes nous-mêmes à au moins 2 km à vol d’oiseau et au moins 300 mètres en surplomb, donc même si le cratère de lave fait incontestablement plusieurs centaines de mètres de diamètre, ça fait petit.

Le monde va croître en proportion avec la nuit qui arrive et c’est quand il fera totalement nuit qu’on aura les plus belles vues. Impossible de savoir si cela correspond aussi à un accroissement de l’activité volcanique nocturne ou si la lave était toujours présente et qu’on ne la distingue vraiment que de nuit à cette distance.

Le monde afflue et avec, ses chinois américains. Virginie dit Chinois, mais c’est pas possible car la Chine vit reclus depuis 2 ans et demi à cause du Covid. Mais en revanche ils se comportent comme des chinois à faire les hyènes en te poussant et te pressant pour essayer de tellement te dégouter que tu lâcheras comme le lion ta proie durement gagnée pour leur laisser un bout gratos. Donc moi j’opte pour des chinois vivant aux US qui ont gardé leurs moeurs chinoises.

En tout cas, pas de bol pour eux, la Chine on connaît. Ils sont plus nombreux certes, mais plus petits que nous, alors 2-3 bons coups de coudes bien placés suivis d’un “sorry” plus tard (je ne suis pas un monstre tout de même), ils partent emmerder d’autres groupes. Messierus Macron et consort, vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire. Faut y aller franchement.

Revenons à notre volcan. Je trouve que c’est toujours un spectacle étonnant à regarder. On est vraiment à la “re”naissance du monde quand on contemple la lave qui s’écoule, effaçant sans cesse ce qui existe pour repartir d’une page blanche qui dans 10, 20, 50 ans sera à nouveau revégétalisé.

Voilà, il est 20h passé, Noah transit de froid veut rentrer et techniquement on se lève à 5h45 demain et on n’a pas dîner. Les supers parents ! On a vu un beau spectacle et on a 1,8 km de marche pour rentrer dans la nuit noire à la lampe de poche. Noah nous guide.

Le Volcano lodge est très sympa. Une petite chambre en mode tiny house toute vitrée sur la nature luxuriante. Un poêle pour se chauffer dans une atmosphère froide qui nous rappelle les nuits sous la tente à Moab. Ca fait du bien après plus de 10 jours passés dans une chaleur tropicale. On se couche tous les 3 dans le lit au frais. Les grenouilles sont à nouveau de sortie pour un concert nocturne mais moins fort qu’au Dragon Fly.

PS : 2 jours plus tard le volcan islandais rentrera à nouveau en éruption et on verra sur Instagram des lacs de lave et des torrents de lave exactement là ou on était il y a pile un an au point que ça me titille de faire un aller-retour vite fait là-bas pour aller y jeter un œil en retournant à Paris.

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